ARTS VISUELS

L’art autochtone s’affiche dans sept expos à Montréal 

Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), les centres d’art Oboro et VOX, la galerie Leonard & Bina Ellen de l’Université Concordia, la galerie Pierre-François Ouellette Art Contemporain (PFOAC) : la pratique contemporaine autochtone est en fête actuellement à Montréal avec sept expositions et des artistes tels Nadia Myre, Peter Morin, Hannah Klaus ou encore Skawennati…

Oboro a une longue tradition de relations avec des artistes autochtones, notamment Rebecca Belmore et Nadia Myre, artistes réputées. Le centre d’art de la rue Berri a donné carte blanche cet automne à Hannah Klaus et Peter Morin, qui rendent hommage à 13 artistes autochtones, dont certains qui nous ont quittés, comme Annie Pootoogook, Beau Dick, Norval Morrisseau, Carl Beam, Kenojuak Ashevak, Ahasiw Maskegon-Iskwew ou encore Joane Cardinal-Schubert. 

L’œuvre la plus émouvante de leur expo intitulée il y a tant d’étoiles est un petit film où Morin et Klaus dessinent en direct les contours des images d’une vidéo projetée sur un mur et dans laquelle l’artiste inuite Annie Pootoogook parle de sa passion de créer. Des images tournées en 2006 par Marcia Connolly, à qui Annie Pootoogook, morte dans des circonstances tragiques l’an dernier à Ottawa, disait sa fierté d’exposer chez Power Plant, à Toronto. 

Nadia Myre

Cette exposition d’« étoiles » qui brillent dans le ciel artistique amérindien nous plonge dans les symboles, la poésie, la spiritualité d’artistes qui influencent encore la démarche d’Hannah Claus et Peter Morin. 

Ne vivant plus dans leur communauté d’origine, tous les deux affirment devoir « sans cesse négocier [leurs] rapports à la culture, au corps et au territoire ». Comme Nadia Myre qui, Algonquine par sa mère, expose au MBAM cinq corpus créés depuis 2000, dont plusieurs chez Oboro. Une vingtaine d’œuvres (photos, sculptures et vidéos) qui cohabitent avec une belle esthétique. 

D’abord, sa série Code Switching (Permutation de codes), exposée au printemps avec Art Mûr à Leipzig. Réalisée dans le cadre de sa résidence parrainée par le musée à la Fonderie Darling, elle a été démarrée à Londres il y a deux ans. Nadia Myre y a ramassé dans la Tamise des fragments de tubes en céramique provenant d’une usine de pipes du XIXe siècle. 

Avec ces tubes, elle a créé une œuvre cordée et une sorte de plastron perlé qu’elle a photographié. Des pièces symboliques qui relient culture occidentale et traditions amérindiennes. 

L’expo contient aussi son installation Oraison. Avec d’abord un filet en nylon rouge, tiré vers le haut puis relâché par un moteur, qui donne une impression de respiration. Puis, des photos des endos de plusieurs de ses œuvres perlées de son Indian Act, œuvre qui critique la Loi sur les Indiens. Et, enfin, un gros panier en éclisses de frêne rempli de tabac de Kahnawake. Un triptyque introspectif qui pousse à la contemplation. 

On retrouve sa sculpture Le cercle des grands-mères, de 2002, faite avec des essences de bois, du graphite et du cuir. Une réflexion sur l’héritage de la connaissance. Et une vidéo abstraite, Wish, qui diffuse l’image brouillée de Nadia Myre en train de sauter. Une allusion à la perte d’une partie de sa culture personnelle. 

« Je suis touchée d’accueillir ce premier solo de Nadia dans un musée, car c’est une artiste que je connais et apprécie depuis des années. Sa sensibilité à fleur de peau, doublée d’une articulation conceptuelle et d’une sensibilité esthétique tout en finesse, la place parmi les meilleures artistes femmes de sa génération. » 

— Nathalie Bondil, directrice générale du MBAM

Le musée présente en même temps une installation intime des artistes attikameks Eruoma Awashish et Meky Ottawa et innue Jani Bellefleur-Kaltush dont le prototype avait été produit en 2016 à Oboro. Épier l’autre monde est une projection d’images et de références autochtones à l’intérieur d’un cylindre rappelant un tipi, une immersion en douceur dans une ambiance sonore et visuelle, là aussi, proche du recueillement. 

Meryl McMaster 

Le MBAM et la galerie PFOAC proposent également deux expositions de photographies de l’Ontarienne Meryl McMaster, qui, comme Nadia Myre, a des origines européennes et autochtones. Deux expos de portraits et de performances photographiques riches d’éléments identitaires. De l’art théâtralisé et poétique à souhait.

Skawennati 

Enfin, il ne faut pas manquer deux événements reliés à l’artiste de Kahnawake Skawennati. D’abord, Owerà : ke Non Aié : nahne/Combler les espaces vides, présentée à la galerie Leonard & Bina Ellen. Une expo immersive sur les créations du collectif Aboriginal Territories in Cyberspace (AbTeC), fondé en 2005 par Skawennati et Jason E. Lewis. Une initiative pour projeter les artistes autochtones dans l’avenir au moyen du numérique. 

Voici une exposition qui informe et déménage ! On connaît les œuvres numériques de Skawennati depuis la Biennale de Montréal de 2014. Mais là, l’expo fournit des réalisations numériques de plusieurs artistes pour des heures d’évasion. Les jeunes amateurs de jeux vidéo et de réalité virtuelle vont adorer découvrir ces artistes autochtones qui ont investi l’espace virtuel pour créer, mais aussi refléter, une image plus juste de leur réalité en 2017.

Skawennati présente également, au centre VOX, Nous tendrons les perches, vidéo d’animation à la fois futuriste et historique destinée aux jeunes de 5 à 11 ans, mais intéressante pour tous les âges. Une œuvre qui présente un regard sur le passé et des souhaits pour l’avenir. Il est agréable de constater que l’art visuel, comme le théâtre et la littérature, peut avoir une déclinaison jeunesse. VOX s’en charge très bien, avec des visites régulières d’élèves du primaire. 

Voici donc sept expositions enrichissantes qui élargissent nos horizons, secouent les idées reçues et illustrent que ces artistes autochtones contemporains, avec leur approche sur l’identité, sur le partage et la mémoire, sont autant porteurs d’univers singuliers que d’une parole de dimension universelle fort inspirante.

Tout ce qui reste – Scattered Remains, de Nadia Myre, jusqu’au 27 mai 

Kushapetshekan/Kosapitcikan – Épier le monde, d’Eruoma Awashish, Meky Ottawa et Jani Bellefleur-Kaltush, jusqu’au 4 février 

Entre-deux-mondes, de Meryl McMaster, jusqu’au 3 décembre 

… au Musée des beaux-arts de Montréal (1380, rue Sherbrooke Ouest, Montréal)

il y a tant d’étoiles, à Oboro (4001, rue Berri, local 301, Montréal), jusqu’au 16 décembre

Owera : ke Non Aié : nahne/Combler les espaces vides, projet de Jason E. Lewis et Skawennati sur AbTeC, à la galerie Leonard & Bina Ellen de l’Université Concordia (1400, boul. De Maisonneuve Ouest, Montréal), jusqu’au 2 décembre

Teiakwanahstahsontéhrha’ – Nous tendrons les perches, de Skawennati, au centre VOX (2, rue Sainte-Catherine Est, espace 401, Montréal), jusqu’au 20 janvier

Fils de soi, de Meryl McMaster, à la galerie PFOAC (963, rue Rachel Est, Montréal), jusqu’au 23 décembre 

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