Universités

133 000 $ pour un prof d’université, est-ce trop payé ?

Nos profs d’université sont-ils bien payés ? Dans l’absolu, oui, bien sûr. Mieux qu’un commis de dépanneur, par exemple. Mais les universités du Québec offrent-elles une rémunération concurrentielle face aux autres grandes universités canadiennes, voire du monde ?

La question est importante. Les professeurs d’université forment les grands décideurs de demain, en plus de faire de la recherche et de servir la collectivité. Ces trois tâches composent normalement 40 %, 40 % et 20 % de leur temps de travail, respectivement.

La recherche, en particulier, est indispensable. Elle permet à notre société de rester à la fine pointe du savoir et des avancées technologiques. Les candidats de qualité – titulaires d’un doctorat et parlant français – ne courent pas les rues. La concurrence est mondiale.

Or voilà, nos universités offrent des salaires moindres qu’ailleurs au Canada, selon le relevé de Statistique Canada publié mardi.

En moyenne, les professeurs d’université à temps plein ont reçu un salaire de 133 543 $ au Québec en 2020-2021, ce qui est environ 9 % de moins que la moyenne canadienne (146 653 $) ou encore 11 % de moins que dans le reste du Canada (150 643 $).

Cette moyenne englobe autant les professeurs titulaires que les professeurs agrégés ou adjoints, de même que les doyens (relativement peu nombreux) des 68 universités comparables de Statistique Canada. Les chargés de cours ne sont pas inclus1.

L’écart Québec-Canada doit être mis en perspective. En 2021, la rémunération horaire moyenne de l’ensemble des employés à salaire fixe au Québec était inférieur de 3,8 % à la moyenne canadienne et de 5,6 % à la moyenne ontarienne.

Et comme on le sait, la vie est moins chère au Québec, qu’il suffise de penser aux prix des maisons. Selon Statistique Canada, le coût de la vie à Montréal est inférieur d’environ 7 % à la moyenne des grandes villes au Canada et de 13 % par rapport à Toronto.

Il reste que, tout compte fait, l’écart de 9 % des salaires des profs d’universités avec le reste du Canada apparaît plus important que celui de l’ensemble des travailleurs (3,8 %) ou encore que l’écart du coût de la vie (7 %).

On peut aussi comparer les choses autrement. Lesquelles, parmi les universités de classe mondiale du Canada, membres du U15 – qui ont généralement des facultés de médecine –, offrent les meilleurs salaires ?

À ce chapitre, le Québec fait piètre figure. L’université canadienne qui offre les meilleurs salaires est la McMaster University, à Hamilton, en Ontario, à 177 250 $. Suivent de très près la Queen’s University et l’Université de Toronto, aussi en Ontario.

Au Québec, la première du lot, McGill, arrive au 10e rang de ce groupe U15, avec un salaire moyen de 151 900 $. L’Université de Montréal se classe 12e (145 825 $) et l’Université Laval, 14e (137 075 $).

Vu autrement, les profs de l’Université de Montréal gagnent 18 % de moins que ceux des trois premières universités ontariennes et 14 % de moins que ceux de l’Université de Colombie-Britannique.

On peut aussi comparer les salaires des meilleurs profs titulaires. Il s’agit des professeurs, d’abord agrégés, qui se sont distingués par leurs recherches et contribuent au rayonnement international de l’université.

La tranche de 10 % des professeurs titulaires les mieux payés à l’Université de Colombie-Britannique gagne 277 000 $, un salaire semblable aux 10 % les mieux payés de l’Université de Toronto. À McGill ? 223 000 $. Montréal ? 182 000 $. Laval ? 154 000 $.

L’écart entre les meilleurs profs de l’Université de Montréal et ceux de Toronto ou Vancouver grimpe donc à 34 %. La différence est majeure.

La comparaison ne touche que les salaires. Pour avoir le portrait complet, il faudrait voir aussi les autres conditions de travail, comme les régimes de retraite et les congés, notamment sabbatiques.

Surtout, il faudrait savoir si nos profs travaillent à la hauteur de leur rémunération. Enseignent-ils autant que leurs pairs des autres universités (habituellement quatre cours par année ou moins, selon leurs charges connexes) ? Font-ils autant de recherches marquantes qu’ailleurs, publiées dans de grandes revues et révisées par des pairs, que ce soit en administration, en maths, comme en éducation, en sociologie, en droit ou en génie ?

Quoi qu’il en soit, ce survol montre que nos établissements paraissent en retard, notamment pour les candidats vedettes. Et qu’à long terme, cet écart pourrait être dommageable dans certains secteurs clés. Parions que les universités, qui demandent au gouvernement du Québec de hausser significativement leur financement, le font valoir.

1. Pour la moyenne québécoise, nous avons pris les 16 universités recensées par Statistique Canada, en excluant la TELUQ. Notre tableau ne publie que les plus importantes.

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