Parti conservateur du Québec

Et puis après ?

Pour les militants du Parti conservateur du Québec (PCQ), la défaite est cuisante : zéro député élu à l’Assemblée nationale. Le chef du parti Éric Duhaime aura beau rappeler le succès inégalé du recrutement de membres et des mégarassemblements, pour plusieurs, il n’y a pas de prix de consolation possible. Le but d’une campagne est de faire élire des députés et en fin de compte, il n’y en a aucun.

La campagne avait plutôt bien démarré. La couverture médiatique des premiers jours était juste et équilibrée. Dans le premier tiers de la campagne, certains remarquaient même que le PCQ prenait un point de pourcentage par jour ! Puis, vint l’épisode portant sur les retards à payer des taxes municipales du chef. Épisode mal géré, gestion de crise nulle, les conséquences ont été dévastatrices sur les équipes de campagne des candidats. À mon avis, c’est ce qui a coûté une présence du PCQ à l’Assemblée nationale.

On ne peut surestimer l’importance d’un député élu dans de telles circonstances. Comment représenter la voix de plus de 530 786 électeurs ? Quelle contribution pourra apporter le PCQ dans l’espace public ? Et comment ? Voyant le peu d’empressement et l’insensibilité de la classe médiatico-politique à accorder ne serait-ce qu’un accès au hall de l’Assemblée nationale pour y tenir des points de presse, comment réagiront les milliers de nouveaux militants qui s’étaient pour une première fois impliqués activement en politique ?

Cela dit, un bon combattant se relève, optimise son entraînement, développe de nouvelles techniques et s’attribue le mérite des bons coups tout comme la responsabilité des mauvais.

Dans ce cas-ci, des faiblesses en matière de direction philosophique, d’organisation et de communication.

Sur le plan de la philosophie politique par exemple, comment traduire concrètement une vision qui concilie à la fois 1) un nationalisme d’ouverture et confiant de pouvoir affirmer son identité nationale au sein du Canada ; 2) un conservatisme fiscal ; 3) la liberté individuelle et économique essentielle à la prospérité économique ; et 4) le respect des droits civiques et des institutions ? Comment proposer, dans un État omniprésent, la décentralisation de la prise de décision vers des organisations, des communautés et des citoyens jugés plus aptes que l’ogre bureaucratique à répondre aux besoins de leurs milieux ?

Ajoutez à cela un chef libertarien qui s’assume. Beau défi !

Mais outre le besoin d’un positionnement clair et limpide en matière de contenu, le PCQ devra également s’assurer que les gens occupant sa structure de gouvernance endossent bel et bien la philosophie du parti.

Si certains influenceurs penchent vers un nationalisme ethnocentriste pratiquement anti-immigration, soyons clairs : cela est inacceptable. Cet axe identitaire qui encourage divisions linguistiques et culturelles est instrumentalisé ad nauseam par des partis tels que la CAQ et le PQ. Et ce n’est pourtant pas ce que j’entends de la bouche du chef Éric Duhaime. Précisons. L’offre politique du PCQ se rapproche davantage d’une philosophie libérale telle que celle du PLQ, soit la primauté de la personne et les libertés individuelles.

Ce qui m’amène aux priorités qu’il serait bon d’aborder dès à présent. Premièrement, quels marchés politiques correspondent à la direction et seraient prometteurs pour le PCQ ? Par exemple, la capture de l’espace centre droit économique de l’ex-ADQ (Action démocratique du Québec), abandonné par le PLQ, et remplacé à la CAQ par un nationalisme d’intervention à tout crin à la Fitzgibbon, me semble évidente.

Deuxièmement, comment entend-on compenser le manque de présence physique à l’Assemblée nationale ? Or, la bonne nouvelle est qu’on a connu des personnes qui ont admirablement relevé le défi de représenter les idées du parti. Celui-ci doit donc devenir une agence de placement de ces porte-parole dans les médias traditionnels : presse écrite, radios, télé. Le chef n’y arrivera pas tout seul et a intérêt à mettre davantage de l’avant une diversité de visages et toutes les nuances de l’option conservatrice.

Et pour certains, le temps presse. Un travail de fond s’impose car la concurrence sera féroce. Imaginons par exemple la nomination d’un nouveau chef du PLQ qui saurait redonner confiance aux anciens libéraux francophones réfugiés à la CAQ, ou encore un Parti conservateur du Canada qui viendrait soustraire des candidats du PCQ.

Éric Duhaime a su donner vie à un parti politique et espoir à 530 000 électeurs. Avec son sens de l’écoute et sa générosité envers des personnes démesurément affectées par les mesures sanitaires parfois injustifiées et injustifiables, il a su établir une base sur laquelle il peut construire. Ses qualités de vulgarisateur de la chose publique ont incité plusieurs décrocheurs à voter. Mais un chef fort s’entoure de personnalités fortes.

D’ici Noël, Duhaime devra donc professionnaliser son organisation, s’entourer de gens qui ajoutent à ses compétences et apprendre à déléguer. Il a maintenant la responsabilité et le budget pour élever d’un cran le sérieux de son offre politique.

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