Rwanda, 1994

Aux commandes des forces de l’ONU, le major général canadien Roméo Dallaire demande des renforts pour mettre fin au génocide. En vain.

ÉGYPTE, 1956

Pour dénouer la crise du canal de Suez, Lester B. Pearson, alors ministre des Affaires extérieures du Canada, propose la création d’une force de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU.

Somalie, 1993

La mission est entachée par la controverse entourant la mort d’un garçon de 16 ans, battu par des militaires dans le campement des Forces armées canadiennes. 

Balkans, 1992

La guerre déchire la Yougoslavie. Pendant 20 ans, le Canada participera à des missions tant en Croatie qu’en Bosnie et au Kosovo.

ONU LE CANADA ET LES MISSIONS DE PAIX

Un rôle à réinventer

Les missions de paix des Nations unies ont bien changé depuis que le Canada les a délaissées. Belligérants non traditionnels, nouvelles sources de conflit, opérations plus complexes. Plutôt que de renouer avec le passé, le Canada doit « se réinventer » s’il veut se réengager sur la scène internationale, prônent différents observateurs consultés par La Presse.

Les Casques bleus, c’est bien beau, mais le monde a aujourd’hui aussi besoin de « Casques blancs » et de « Casques verts », martèle l’ancien ministre canadien des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy.

« Le Canada devrait encourager la mise sur pied d’une force d’intervention rapide », multinationale, spécialisée, « pas seulement militaire », et qui serait appelée à intervenir en 48 heures dans des zones dévastées par des catastrophes naturelles, environnementales ou épidémiologiques, a confié à La Presse l’ancien chef de la diplomatie de Jean Chrétien, reconnu pour avoir contribué à l’adoption de la Convention d’Ottawa contre les mines antipersonnel et à la création de la Cour pénale internationale.

L’intérêt du gouvernement Trudeau pour les Nations unies doit être l’occasion de « se réinventer », plaide le directeur du Centre sur la sécurité internationale de l’Université Laval, Jonathan Paquin, qui souligne que « le monde a changé » depuis que le Canada a délaissé les missions de paix onusiennes, à l’instar d’autres pays occidentaux.

« Le Canada doit mettre sur pied une stratégie claire, une sorte de doctrine Dion, qui dira : "Voici ce qu’on veut faire pour les 10, 15 prochaines années, voici le rôle du Canada sur la scène internationale." »

— Jonathan Paquin, Université Laval

Selon le chercheur, le Canada, qui « pourrait être mieux employé qu’en surveillant des lignes entre belligérants », doit éviter de retomber dans les « même vieux réflexes » et s’orienter par exemple vers l’aide au développement ou la lutte contre les changements climatiques.

LE MALI SUR LE RADAR

Quelle que soit la forme que prendra le réengagement du Canada auprès de l’ONU, c’est en Afrique qu’il se matérialisera, de l’avis unanime des observateurs sondés par La Presse.

« C’est là qu’il y a des besoins », confie une source dans l’entourage du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, ajoutant que le Mali est « une option à l’étude ».

Non seulement les plus importantes opérations onusiennes sont déployées sur le en Afrique, mais elles concernent particulièrement des pays francophones, ce qui ferait du continent africain une destination naturelle pour le Canada.

L’ONU a encore « beaucoup de mal » à obtenir des troupes francophones dotées de compétences spécialisées, comme des équipes médicales, des ingénieurs militaires ou des moyens aériens, constate Arthur Boutellis, de l’Institut international sur la paix, un centre de recherches indépendant établi à New York.

Selon lui, le Canada n’est peut-être « pas tout de suite prêt » à un déploiement important de troupes, mais il pourrait « dans un premier temps » fournir une « expertise d’officiers ».

« Quelques officiers de qualité peuvent avoir un impact énorme à des postes clefs. »

— Arthur Boutellis, Institut international sur la paix

La crise malienne « mélange maintien de la paix et guerre au terrorisme », un autre thème cher au gouvernement canadien, souligne pour sa part Bruno Charbonneau, directeur du Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de paix.

« Il y a un intérêt réel pour la région », estime le chercheur, qui n’est toutefois pas convaincu qu’Ottawa voudra intervenir militairement dans ce bourbier et optera peut-être plutôt pour de l’aide au développement, rappelant qu’il y a beaucoup d’intérêts miniers canadiens dans le nord-ouest du Mali.

L’ONU elle-même voit d’un bon œil une éventuelle participation canadienne au Mali, confie une source onusienne contactée par La Presse, qui précise toutefois que « ce serait le cas pratiquement n’importe où ».

ACTIONS EN DEHORS DU CADRE ONUSIEN

Un réengagement dans les missions de paix est « un passage obligé » pour l’obtention du siège que convoite le Canada au Conseil de sécurité de l’ONU, estime le directeur adjoint du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix (ROP) de l’Université de Montréal, Damien Larramendy, qui parle d’une « vraie campagne électorale » pour Ottawa.

Cela ne veut toutefois pas dire que le Canada fera une croix sur les actions menées en dehors du cadre onusien.

Le gouvernement libéral avait par exemple évoqué au début de son mandat une implication en Libye, rappelle le professeur Thomas Juneau, de l’Université d’Ottawa, précisant toutefois qu’Ottawa n’interviendrait que sur invitation des autorités en place et à condition qu’un gouvernement d’unité nationale soit mis sur pied, ce qui n’est pas encore le cas.

Officiellement, le ministère des Affaires étrangères confirme qu’un groupe de réflexion étudie « un éventail d’options » en collaboration avec la Défense nationale, la Sécurité publique, la Gendarmerie royale du Canada ainsi que des experts et des gouvernements partenaires, indique dans un courriel une porte-parole du Ministère, Tania Assaly.

Le Canada compte accroître son soutien aux opérations de paix des Nations unies « au-delà du maintien de la paix comme tel », précise Mme Assaly, indiquant aussi que des « efforts en dehors du cadre de l’ONU » sont également envisagés.

Plus de femmes dans les missions de paix

Le Canada devrait aussi travailler à une autre nécessaire réforme des opérations de l’ONU, estime l’ancien ministre Lloyd Axworthy : accroître la place des femmes « à tous les niveaux » du maintien de la paix. « Les violences sexuelles envers les femmes sont devenues une pratique endémique des seigneurs de guerre et des milices gouvernementales », affirme-t-il, estimant que « l’échec des Casques bleus à y faire face, au Congo comme ailleurs, a miné la confiance en leur action ». Ottawa a d’ailleurs indiqué à La Presse explorer « des moyens pour renforcer le rôle des femmes » auprès de l’ONU afin de lutter contre l’exploitation et les violences sexuelles.

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