Budget fédéral

Investir en diplomatie n’est pas un choix

À la veille du budget fédéral, une augmentation considérable des dépenses militaires est pressentie. La guerre en Ukraine, la nécessité de contribuer davantage aux capacités collectives de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la défense de l’Arctique ne constituent que quelques raisons qui justifient cette hausse du budget de la Défense nationale. Bien que ces nouvelles dépenses en défense soient nécessaires, les moyens militaires doivent rester complémentaires au renforcement de la diplomatie canadienne.

La sécurité du Canada dépend de notre capacité à entretenir des relations de confiance avec nos alliés par l’entremise de la diplomatie et soutenues par ces contributions militaires.

Une colonne vertébrale à solidifier

Au fil des dernières années, le Canada a investi dans des initiatives précises comme dans le service des délégués commerciaux ou dans les programmes de développement pour soutenir la planification familiale et la santé reproductive des femmes dans le monde. Ces financements étaient certes plus que justifiés, mais la colonne vertébrale du ministère des Affaires étrangères, la diplomatie, est restée plutôt inchangée, alors que le monde traversait des bouleversements fondamentaux. La détérioration rapide du contexte géopolitique fait en sorte que les fonctions centrales de la diplomatie même doivent être solidifiées.

Pour faire face à la métamorphose de l’ordre international, l’influence canadienne dépend de la qualité de son corps diplomatique et des moyens qui lui sont donnés.

Que ce soit face à une Chine de plus en plus assertive, à une Russie belliqueuse, à l’imprévisibilité des États-Unis sous Trump ou aux élans protectionnistes, notre capacité à résoudre des crises complexes pour défendre le multilatéralisme, faire valoir la démocratie ou soutenir la désescalade lors de conflits dépend de nos investissements en diplomatie. Le pouvoir militaire à travers lequel nous pouvons nous renseigner, nous défendre, dissuader est chaque fois complémentaire à la diplomatie.

Se mobiliser pour la diplomatie

Au cours des dernières décennies, des mouvements pour faire pression pour que les pays membres de l’OTAN dépensent 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) en défense ou encore pour que les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) investissent 0,7 % en aide au développement se sont fait entendre. Cependant, le financement de la diplomatie n’est presque jamais source de mobilisation. Pourtant, la diplomatie est un prérequis à la sécurité, au développement et au commerce.

Le Canada s’est démarqué en matière de développement d’expertises spécifiques au cours des dernières décennies. C’est entre autres le cas de son programme pour la stabilisation et les opérations de paix sous l’autorité de la ministre des Affaires étrangères. Ce dernier permet un financement flexible, rapide et innovant pour prévenir, répondre aux conflits ou encore contribuer à la construction de la paix en contexte post-conflit. Il a entre autres servi au financement de l’équipe féminine des Casques blancs syriens, au lancement de l’Initiative Elsie sur les femmes dans les opérations de paix ou encore au développement des principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants-soldats.

Il faut amplifier de tels programmes, soutenir les équipes spécialisées et le recrutement d’effectifs en matière de sécurité nationale, de la défense de nos intérêts économiques, de la promotion des droits de la personne et de la protection de la démocratie et du soutien au multilatéralisme.

Le Canada doit tirer d’importantes leçons de ses deux récents échecs lors de ses courses pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies. La plus significative est que sa place n’est pas assurée aux grandes tables de décisions.

C’est au moyen d’un engagement sans relâche sur la scène internationale sur les enjeux géopolitiques les plus urgents, bien orchestré par Affaires mondiales Canada entre tous les ministères, que nous y arriverons.

Ce n’est qu’en attirant le meilleur talent au pays, en formant les diplomates en continu et en s’inquiétant de la rétention des plus doués que le Canada réussira à se tailler une place au cœur de cette bataille mondiale d’influence. De grandes stratégies sont attendues de la part du ministère des Affaires étrangères, dont celle sur la politique féministe canadienne et sur l’Indopacifique. Pour mettre en œuvre des stratégies ambitieuses, il faut une diplomatie adéquatement financée et en santé. Le meilleur talent au pays doit représenter le Canada à l’étranger et défendre nos intérêts dans un environnement géopolitique de plus en plus difficile.

* Cosignataires : Louise Blais, diplomate en résidence à l’Université Laval, et Ben Rowswell, président du Conseil international du Canada

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