La grande séduction en Afrique

C’est l’évènement de l’année dans le monde minier. La conférence Investing in African Mining Indaba, qui a eu lieu au Cap, en Afrique du Sud, le mois dernier, a été le théâtre d’une grande offensive pour les États-Unis et leurs alliés désireux de sécuriser leurs approvisionnements en métaux et minéraux de l’avenir.

Le continent africain, riche en ressources naturelles, n’a jamais obtenu autant d’attention de la part des gouvernements et des entreprises qui se préparent à la transition énergétique et, notamment, à la révolution des véhicules électriques.

Une voiture électrique requiert une quantité six fois plus importante de minéraux comme le graphite et le cobalt qu’un véhicule à essence. La demande pour la plupart de ces minéraux dits critiques sera multipliée par quatre, au minimum, au cours des prochaines années, selon l’Agence internationale de l’énergie. Pour certains d’entre eux, comme le lithium et le graphite, les prévisions d’augmentation de la demande sont encore plus élevées.

Beaucoup de ces minéraux ne sont pas si rares. Ils se trouvent aux États-Unis et ailleurs dans le monde, mais la Chine domine outrageusement les procédés de raffinage et de transformation de ces ressources.

Cet ascendant est devenu intolérable pour les États-Unis et pour beaucoup de pays qui veulent maintenant à tout prix diversifier leurs approvisionnements et réduire leur dépendance à la Chine.

Le mot qui commence par un C n’a jamais été prononcé par les envoyés américains au Cap. Leur discours à l’intention des chefs d’État africains à la recherche de capitaux de développement était plutôt axé sur le développement durable et les critères ESG, soit les valeurs environnementales et sociales et la gouvernance.

Le porteur du message de l’administration Biden, Jose Fernandez, responsable entre autres des changements climatiques et de la sécurité des chaînes d’approvisionnement, a fait miroiter les capitaux disponibles, mais aussi la volonté des États-Unis de développer non seulement le secteur de l’extraction des ressources minières de l’Afrique, mais toute la chaîne de valeur qui l’accompagne et qui, a-t-on laissé entendre sans le dire, a été jusqu’à maintenant accaparée par la Chine.

Jose Fernandez a même cité le pape pour appuyer son propos. Lors de sa visite en République démocratique du Congo quelques jours avant, le chef de l’Église catholique avait dénoncé le colonialisme économique qui se déchaîne en Afrique et prive ce pays et ses voisins des bénéfices de leurs ressources. « Croyez-moi, le pape a raison », a-t-il dit dans son intervention.

La Chine investit massivement en Afrique depuis des années. Le cas de la République démocratique du Congo n’a pas été choisi au hasard. Ce pays a conclu avec la Chine un pacte qui prévoit du financement chinois pour la construction de routes et d’hôpitaux en échange du contrôle d’une coentreprise qui exploite du cuivre et du cobalt.

Cette entente conclue sous le précédent gouvernement congolais est maintenant dénoncée par le gouvernement actuel, qui la juge injuste pour son pays.

La République démocratique du Congo fournit actuellement la plus grande part du cobalt dont la Chine a besoin.

Le « US Buyer’s Club »

Les États-Unis n’essaient pas de séduire l’Afrique tout seuls. Le représentant américain a souligné que son pays formait avec plusieurs autres un regroupement prêt à investir pour renforcer leurs chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques, et pas n’importe comment.

« L’objectif du MSP [Minerals Security Partnership] est de garantir que les minéraux critiques sont produits, traités et recyclés de manière à aider les pays à tirer pleinement parti de leurs atouts géologiques dans une perspective de développement économique », s’est engagé le groupe, qui compte le Canada, l’Australie, la France, l’Union européenne, le Japon, la Finlande, la Norvège, la Corée du Sud, le Royaume-Uni et l’Italie, en plus des États-Unis.

Le « US Buyer’s Club » des minéraux critiques pourrait bénéficier des largesses prévues par l’Inflation Reduction Act du gouvernement Biden et de ses milliards de dollars d’aide financière, selon des informations rapportées par les médias américains, mais qui n’ont pas été confirmées.

Ce ne sera peut-être pas suffisant pour rattraper la Chine, qui s’active sur le continent africain depuis des années, mais c’est une occasion rêvée pour les pays d’Afrique de faire grimper les enchères pour tirer un meilleur parti de leurs ressources naturelles.

Consultez la liste des minéraux critiques des États-Unis (en anglais)

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