Projet de loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion

Pour que l’éléphant n’accouche pas d’une souris !

Un projet de loi essentiel pour l’avenir de nos musiques.

Depuis nombre d’années, les plateformes d’écoute de musique en continu occupent une place de plus en plus importante dans nos vies. La perspective d’un accès illimité à des millions de chansons depuis nos téléphones portables était porteuse de promesses. Toute la musique du monde, désormais au bout des doigts des consommateurs… Le monde allait enfin s’ouvrir aux artistes d’ici !

On s’est rapidement aperçu que tout n’était pas si rose. Les stations de radio traditionnelles doivent désormais rivaliser avec de nouveaux acteurs et les artistes d’ici ont de plus en plus de mal à rejoindre leur public. À l’aube de l’ère numérique, lorsque les ventes d’albums physiques étaient encore conséquentes, les artistes québécois occupaient bon an, mal an la moitié des ventes.

Les plus récentes données nous montrent que la part des écoutes d’artistes d’ici chantant en français ne représente plus qu’un maigre 5 %1.

C’est pourquoi le milieu de la musique réclame, depuis maintenant une vingtaine d’années, que les plateformes soient elles aussi assujetties à la Loi sur la radiodiffusion, afin que ces dernières soient soumises, au même titre que les stations de radio, à des obligations de mise en valeur et de contributions au développement de contenu. Cela se traduira par une meilleure vitrine pour nos musiques et une participation financière aux différents fonds qui soutiennent la création musicale.

Passions et fausses informations

C’est notamment pour corriger ces iniquités que le projet de loi C-11 est présentement à l’étude à Ottawa. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi soulève les passions, en particulier dans le reste du pays. Beaucoup de fausses informations ont été répandues, ses opposants allant jusqu’à y voir un frein à la liberté d’expression. Évidemment, il n’en est rien, nos musiques et le secteur artistique dans son ensemble seraient les premières victimes d’une législation liberticide.

Au centre de la controverse se trouve l’idée que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) contrôlerait ce que les individus mettent en ligne. Ce n’est absolument pas l’objet du projet de loi et les vidéos amateurs ne sont aucunement visées par cette loi.

Les réseaux sociaux avaient été exclus d’emblée de C-11, à l’exception de certaines émissions qui ciblent en particulier la musique professionnelle. En ce sens, des critères clairs devant guider le CRTC ont déjà été prévus, à l’article 4 du projet de loi.

Pour calmer les critiques, le comité sénatorial chargé d’étudier le projet de loi a adopté un amendement visant à resserrer encore plus ces critères, et ainsi restreindre le champ d’application de la loi.

Cette manœuvre, en toute fin de parcours, a malencontreusement causé une importante brèche, laquelle a pour effet d’exclure la consommation de vidéoclips musicaux du champ d’application de la loi.

Rappelons que YouTube est le principal service de musique en ligne au Canada et les vidéoclips américains y sont prédominants. Selon une étude de l’ADISQ publiée en novembre⁠2, on constate que près de 70 % des Québécois écoutent de la musique sur YouTube. La plateforme est également le premier lieu des découvertes musicales des 13 à 17 ans.

Il est donc indispensable que la Chambre des communes rejette l’amendement du Sénat apporté à cet article. Après tout le travail accompli, il est impensable que l’éléphant accouche d’une simple souris.

* Cosignataires : Sophie Prégent, Union des artistes (UDA) ; Annie Morin, ARTISTI ; Jérôme Payette, Association des professionnels de l’édition musicale (APEM) ; Luc Fortin, Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec (GMMQ) ; David Bussières, Regroupement des artisans de la musique (RAM) ; Andrea Kokonis, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) ; Thomas Jolicœur, Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ) ; Alexandre Alonso, Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ)

1. Données Luminate, compilation ADISQ

2. Consultez l’étude de l’ADISQ

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