Tournages écoresponsables

Vidanges livrée sur un plateau vert

Disons qu’avec un titre comme celui-là et une histoire qui aborde de front le thème de la surconsommation, la série Vidanges aurait mal paru si elle n’avait pas été tournée de manière écoresponsable. L’équipe de production a si bien intégré les bonnes pratiques qu’elle s’est vu attribuer les trois feuilles de l’accréditation On tourne vert.

« Ce n’était même pas une option de ne pas prêcher et appliquer ce qu’on présente dans la série, raconte le producteur de Vidanges, Vincent Chabot. C’était aussi par conviction, parce qu’on n’avait pas envie de se faire dire : oui, mais vous, vous faites quoi dans tout ça ? »

Écrit par quatre finissants de l’École nationale de l’humour, le scénario de Vidanges (offerte sur ICI.Tou.tv) démarre par un coup d’éclat du groupe écoterroriste REVERT, qui fait exploser une bombe dans un site d’enfouissement, empêchant ainsi les camions à ordures de faire leurs livraisons.

Leur but : sensibiliser la population à la surconsommation et à la quantité monstrueuse de déchets qui s’accumule. D’autres explosions suivent. Conséquence : la Ville de Montréal est ensevelie de rebuts de toutes sortes.

Judith (Alexa-Jeanne Dubé), qui gère un café avec sa sœur Laurence (Jeanne Roux-Côté), tente par tous les moyens de protéger son fils asthmatique, qui peine à respirer l’air vicié de la ville. Son seul espoir : déménager à Saint-Jérôme – où l’air serait plus pur grâce à ses habitants (qui auraient des pratiques écoresponsables). Pour amasser les fonds nécessaires, elle se lance dans le trafic clandestin d’ordures avec son ex (Sébastien Huberdeau).

Bref, on rit jaune tant on a l’impression de rivaliser avec l’actualité dans cette dystopie réalisée par Pierre-Luc Miville. Le fait est que l’équipe de production a réussi à appliquer les bonnes pratiques du Guide vert d’On tourne vert : le calcul des émissions de gaz à effet de serre, l’achat de crédits carbone, les déplacements à pied, à vélo ou en covoiturage, un traiteur zéro déchet, la récupération des costumes et des décors, etc.

Tournage à Montréal et à Chambly

Sur les 14 jours de tournage, 12 ont eu lieu à Rosemont, où l’équipe a recréé le quadrilatère dans lequel se trouve le duplex du personnage de Judith, ainsi que son café. « Notre plus grand défi était de remplir les rues de déchets, dit Pierre-Luc Miville. Mais on voulait des déchets propres… On a demandé à tous les membres de l’équipe de nous fournir le contenu de leurs bacs de recyclage un à deux mois avant le tournage. En postproduction, on a pu créer un effet multiplicateur des vidanges qu’on avait. »

Quant aux scènes qui se passent à Saint-Jérôme, elles ont été tournées à Chambly – moins loin – en deux jours. « Tout le monde a embarqué », dit Vincent Chabot, qui estime qu’environ 2 à 3 % du budget de la série a été nécessaire pour rendre le tournage de Vidanges écoresponsable – un investissement en temps, essentiellement, pour faire le tri des déchets, choisir les bons matériaux, les costumes, etc.

Le plus difficile, selon lui, a été la gestion des décors et des déchets. « Une fois la semaine de tournage terminée, il fallait que je récupère les déchets que j’avais triés et que je les dépose au bon endroit, explique Vincent Chabot. Je m’occupais du compost, la directrice de production apportait les produits recyclables chez elle, il n’y a pas beaucoup de solutions en place pour nous aider à gérer ça… »

L’OBNL Écoscéno, qui a suspendu ses activités récemment faute d’une entente avec les trois ordres de gouvernement, fait justement la promotion de l’écoconception des décors (en amont des projets) afin qu’ils soient réutilisés, récupérés ou recyclés à la suite d’une production. En leur absence, les restants de décors de Vidanges ont été jetés ou acheminés vers les écocentres.

« Pendant la pandémie, on a trouvé les moyens et les ressources pour gérer nos plateaux de tournage de manière sécuritaire, illustre Vincent Chabot. Je pense qu’il faut travailler ensemble de la même manière pour que les plateaux soient écoresponsables. Il faut qu’il y ait des incitatifs, on ne peut pas juste puiser dans le budget du producteur. »

Un tournage exemplaire

Il reste que Vidanges a été une production « exemplaire », selon Amandine Gournay, du Conseil québécois des évènements écoresponsables, qui a attribué la certification d’excellence de tournage vert à la série produite par Koze Productions. « Plus de 80 % des décors et des costumes ont été loués, dit-elle. Les déplacements étaient limités et l’équipe a répondu à plus d’une centaine d’exigences pour avoir sa certification. »

En 2022 seulement, six productions – en cinéma et en télévision – ont obtenu la certification On tourne vert. Parmi elles, Chien blanc, d’Anaïs Barbeau-Lavalette – la première à tourner un film de manière écoresponsable avec La déesse des mouches à feu – mais aussi, Falcon Lake de Charlotte Le Bon, Complètement lycée et Vidanges. Une dizaine d’autres projets sont à l’étude, selon Mme Gournay.

La PDG du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ) – partenaire d’On tourne vert – estime qu’il y a un intérêt croissant pour les tournages écoresponsables. « C’est un virage qu’il faut prendre, insiste Christine Maestracci. Dans la prochaine année, on va déployer un plan de formation et d’accompagnement des producteurs. On aimerait aussi bâtir un plan d’action avec les villes pour avoir accès à des bornes électriques pour brancher les équipements, plutôt que de recourir aux génératrices au diesel, par exemple. On aimerait aussi réfléchir à des incitatifs financiers et fiscaux pour les tournages verts, donc tout ça est sur la table. »

« On tourne vert est un outil de mobilisation, rappelle-t-elle. On sait par exemple que l’empreinte carbone d’un long métrage est de 1000 tonnes de CO2. Quand on multiplie ça par le nombre de tournages au Québec, ça donne des chiffres importants. La communauté doit s’engager. »

Visionnez les 12 épisodes de 10 minutes de Vidanges sur ICI Tou.tv

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