L’édito vous répond

La gauche et la droite au Québec

« J’ai posé la question suivante à des gens de mon entourage : en politique, pouvez-vous me dire c’est quoi, la gauche, et c’est quoi, la droite ? Personne ne savait quoi répondre ! »

— Gilbert Mathieu

Cette question est effectivement complexe et des livres entiers s’écrivent sur le sujet.

Les concepts de gauche et de droite nous viennent de la Révolution française. Au cours des débats qui ont précédé la chute de la monarchie, les partisans du roi siégeaient à sa droite, tandis que ceux qui réclamaient qu’on limite ses pouvoirs étaient à gauche.

Depuis ce temps, on associe la gauche au progrès social et la droite, au respect des traditions.

De façon générale, on peut dire que la gauche prône un État fort qui intervient dans l’économie pour redistribuer la richesse, tandis que la droite favorise le libéralisme et le laisser-faire économique.

Mais ces descriptions sont générales et varient selon les époques, les lieux et les enjeux qu’on étudie.

« Il ne faut pas chercher une définition universelle », prévient d’emblée Éric Montigny, directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval. « Il faut l’adapter à chacun des systèmes partisans, notamment parce que le centre n’est pas le même partout. »

Concentrons-nous donc sur le Québec. Si les concepts de gauche et de droite nous sont moins familiers, c’est que l’enjeu a longtemps été éclipsé par un autre : celui opposant indépendantisme et fédéralisme.

Ce clivage étant moins prononcé dernièrement, d’autres axes politiques ont pu émerger.

Selon le professeur Montigny, ce qui définit la gauche et la droite au Québec est simple : la place de l’État. À gauche, on veut plus d’État – et généralement plus d’impôts et de taxes pour en financer les dépenses.

À droite, on veut moins d’État, en laissant plus d’argent dans les poches des citoyens pour qu’ils puissent le dépenser à leur guise.

En suivant cette définition, il est facile de placer le Parti conservateur du Québec à la droite des autres. La formation est celle qui prône les plus importantes baisses d’impôt et qui prévoit alléger le plus les dépenses gouvernementales par rapport au scénario de référence (- 10,6 milliards par année, selon la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke1).

À la gauche du spectre, on trouve Québec solidaire. La formation veut créer de nouvelles sociétés d’État, instaurer des régimes d’assurance dentaire et d’assurance médicaments publics, investir massivement dans la transition énergétique. Bilan : une augmentation des dépenses de 10,3 milliards par année.

Les trois autres partis se retrouvent entre les deux. Du trio, le Parti québécois est le plus à gauche si on regarde l’ampleur de la hausse des dépenses (+ 7 milliards). Suivent le Parti libéral du Québec (+ 5,5 milliards) et la Coalition avenir Québec (+ 2,6 milliards).

Il y a plusieurs remarques à faire.

D’abord, on peut avancer sans se tromper que le centre est plus à gauche au Québec que dans bien des démocraties occidentales.

Aux États-Unis, par exemple, un parti qui prônerait le développement d’un réseau public de garderies, comme le fait la CAQ, serait dépeint à gauche, alors que la formation de François Legault est à droite de tous les autres partis québécois à l’exception du PCQ si on se fie à l’ampleur des dépenses promises.

Il est ensuite intéressant de constater un certain glissement du PLQ vers la gauche. Sous Philippe Couillard, le parti avait adopté une rigueur budgétaire qualifiée d’« austérité » par ses opposants. Sous Dominique Anglade, le parti n’hésite pas à créer des déficits.

Droite sociale et immigration

Cette analyse strictement économique est évidemment loin d’englober tous les enjeux.

Le professeur Éric Montigny affirme qu’il n’y a pas de « droite sociale » au Québec, dans le sens où aucune formation politique majeure ne remet en question le mariage gai ou le droit à l’avortement. C’est vrai.

Mais un clivage occupe de plus en plus de place : celui des fameux enjeux « identitaires ». Il oppose la vision d’une société plurielle, ouverte à l’immigration et cosmopolite à celle d’un Québec où l’intégration et les valeurs communes sont mises de l’avant.

La CAQ joue beaucoup sur ce tableau. Sa vision d’intégration se heurte à celle, pluraliste, de Québec solidaire et du Parti libéral.

Peut-on positionner ces visions sur un axe gauche-droite ? Éric Montigny ne le pense pas. Mais d’autres chercheurs, notamment Éric Bélanger, de l’Université McGill, et Jean-François Godbout, de l’Université de Montréal, n’hésitent pas à associer le pôle « pluralisme » à la gauche et le pôle « intégration » à la droite.

La question environnementale, généralement davantage associée à la gauche qu’à la droite, provoque un autre clivage. Éric Montigny fait toutefois remarquer que l’ex-premier ministre britannique David Cameron, par exemple, a fait une large place à l’environnement même s’il représentait le Parti conservateur, niché à droite.

En bref, la gauche et la droite n’ont pas fini d’opposer leurs visions. Et c’est tant mieux pour le débat public.

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