Cet écran a été partagé à partir de La Presse+
Édition du 16 novembre 2023,
section ACTUALITÉS, écran 5
En plein ralentissement économique, la Ville de Montréal a présenté mercredi un budget de 7 milliards, en hausse de 3,5 % pour l’an prochain, financé par une augmentation moyenne de 227 $ des comptes de taxes sur les immeubles résidentiels.
La taille de l’appareil municipal continue de croître et comptera 400 postes supplémentaires, alors que l’administration de Valérie Plante ne prévoit pas de compression importante des dépenses.
Selon la mairesse, équilibrer les finances de la Ville comportait des « défis » dans le contexte actuel. « Le budget qu’on vous présente aujourd’hui, il est responsable. C’est le mot qui me vient en tête », a dit Valérie Plante mercredi. « C’est un budget qui est stable, qui est connecté aux besoins des Montréalais et des Montréalais. »
« Tout coûte plus cher », a-t-elle ajouté, confiant que le budget avait été « difficile » à ficeler, mais constituait « le minimum requis pour faire rouler la machine ». « Montréal protège les services aux citoyens et garde le cap sur les investissements qui correspondent aux priorités de la population : l’habitation, le transport en commun et la lutte aux changements climatiques. »
C’est la présidente sortante du comité exécutif, Dominique Ollivier, qui devait présenter le budget de Montréal, mais elle a démissionné lundi, dans la foulée des révélations de Québecor sur ses dépenses à l’époque où elle était présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM). C’est le maire de l’arrondissement du Sud-Ouest et nouveau responsable des finances, Benoit Dorais, qui a présenté le budget mercredi avec la mairesse Plante.
« On a dû faire des choix difficiles, a dit M. Dorais. On mise sur les besoins pressants de notre monde. »
Hausse de 4,9 % des taxes résidentielles
Le budget comprend des hausses moyennes de taxes de 4,9 % sur les immeubles résidentiels et de 4,6 % sur les immeubles commerciaux. Cela représente une facture supplémentaire de 161 $ pour une maison unifamiliale moyenne, de 133 $ pour un condo moyen et de 254 $ pour un plex moyen. Il s’agit d’un sommet depuis le budget de 2010 et la dernière crise économique.
En raison de la variation de la valeur des maisons et des taxes locales imposées par les arrondissements, l’impact sur les comptes de taxes n’est pas uniforme à travers l’île. Les propriétaires de Pierrefonds-Roxboro verront leur facture augmenter de 7,2 % en moyenne, contre 2,6 % dans Ville-Marie.
« Nous voulons éviter d’alourdir le poids financier supporté par les contribuables », a assuré Mme Plante. « C’est tough pour les Montréalais et les Montréalaises, on l’entend. »
La mairesse a souligné que l’augmentation du budget est en deçà du taux d’inflation prévu pour 2023 par l’Institut de la statistique (ISQ) pour Montréal en août dernier, soit 5,2 %. Le taux d’inflation prévu pour la région métropolitaine par le Conference Board pour 2024 est plutôt de 2,5 %.
Le ralentissement du marché immobilier et des mises en chantier a fait mal aux finances de la Ville en 2023. Elle a notamment récolté 120 millions de moins que l’année précédente en droits de mutation. Les revenus tirés des amendes, notamment de stationnement, sont aussi substantiellement moins importants que prévu.
L’administration ne prévoit pas d’embellie marquée sur ce plan pour 2024.
Elle compte toutefois investir plus d’argent dans ses priorités, pour un total de 234,8 millions en dépenses supplémentaires l’an prochain. « Une hausse modeste et contenue », a assuré Valérie Plante.
Mépris pour les contribuables, selon l’opposition
L’opposition a tiré à boulets rouges sur le budget de l’administration, en parlant d’un exercice qui « méprise » les contribuables en raison de la hausse des taxes.
« Ils ne semblent pas comprendre la situation des Montréalais », a dénoncé le porte-parole de l’opposition en matière de finances, Alan DeSousa, qui est aussi le maire de l’arrondissement de Saint-Laurent. « Il y a de l’itinérance, il manque de logements abordables, des dépassements de coûts qu’on dénonce depuis longtemps et ils sont insensibles à ça. Ça serait le temps de se serrer la ceinture. En ce moment, les Montréalais ont de la misère à boucler leur budget. Comment pensez-vous qu’ils vont se sentir quand on va encore leur demander de payer plus ? Pensez-vous que cette administration aura une quelconque crédibilité ? »
La mairesse Plante s’est défendue d’être trop dépensière avec l’argent des contribuables. Elle a affirmé que tous les services municipaux menaient une « révision des programmes » afin de trouver des économies, y compris les organismes paramunicipaux comme l’OCPM, dans la tourmente en raison de dépenses exagérées.
Le budget prévoit notamment de nouveaux investissements en matière d’inspection par le Service de sécurité incendie (SIM), de sécurisation aux abords des écoles et de transition écologique.
L’administration souligne de nouvelles mesures pour améliorer la sécurité des piétons près de 33 écoles, des investissements de 702 millions pour les infrastructures de l’eau et 240 millions pour des « aménagements éponges » ayant pour but de limiter l’impact des pluies abondantes.
La police et les transports en commun coûteront cher
Comme chaque année, c’est la sécurité publique qui accapare la part du lion du budget municipal avec 18 % des dépenses.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a encore largement dépassé son budget 2023. Le conseil municipal lui avait accordé 788 millions, alors que ses dépenses devraient finalement s’élever à 830 millions.
On blâme les heures supplémentaires effectuées par les policiers, en pleine pénurie d’effectifs, tout en assurant que l’embauche de nouveaux agents permettra de réduire ce type de dépenses en 2024.
Le budget de la sécurité publique pour 2024 est en hausse de 35,5 millions comparativement au budget 2023.
Parmi les autres postes budgétaires qui font gonfler les dépenses pour l’an prochain, on retrouve l’enlèvement et le traitement des matières résiduelles (en hausse de 25,3 millions), le financement de BIXI, notamment pour le vélo d’hiver (12,7 millions), le déneigement (11,4 millions) et la sécurité informatique (10,6 millions).
La Ville prévoit aussi que sa contribution au transport collectif sera de 715 millions, en hausse de 48,4 millions.
Du côté des arrondissements, les dépenses sont en hausse de 37,6 millions.
De nouveaux employés seront embauchés dans les secteurs jugés prioritaires par l’administration : police (107 postes), prévention des incendies (25), bureau de projet du prolongement de la ligne bleue du métro (19), sécurité informatique (12), sécurisation des piétons, notamment aux abords des écoles (9), brigadiers (9), inventaire des bâtiments patrimoniaux (8) et équipe mobile de médiation et intervention sociales (6).
La Ville précise qu’elle reçoit des fonds du gouvernement du Québec pour l’embauche de nouveaux policiers et que le bureau de projet de la ligne bleue est financé par l’Autorité régionale de transport de la métropole (ARTM).
Dans les arrondissements, 188 postes s’ajoutent pour répondre à divers besoins.
Au total, la Ville aura 491 employés de plus, mais 91 postes seront éliminés dans des secteurs jugés non prioritaires, pour un total de 400 postes supplémentaires.
Les propriétaires lavallois subiront une hausse moyenne de 4,8 % de leur compte de taxes municipales résidentielles en 2024, a annoncé mercredi le maire Stéphane Boyer par communiqué. Cette augmentation représente 162 $ pour la maison moyenne. « Notre administration a déployé tous les efforts pour maintenir les taxes sous l’inflation, sans toutefois compromettre les services aux citoyens », a affirmé le maire Boyer. « Le maire de Laval s’est assuré que l’administration redouble d’efforts et entreprenne un vaste chantier pour couper dans ses dépenses, diversifier ses revenus et optimiser ses processus », lit-on dans le communiqué. Pour l’an prochain, l’administration de Laval s’engage à « limiter grandement les nouvelles embauches ». Elle a également abandonné un mégaprojet d’usine de biométhanisation de 300 millions en début d’année. La Ville de Laval présentera officiellement son budget le 12 décembre. Son budget 2023 s’élevait à un peu plus de 1 milliard.
— Philippe Teisceira-Lessard, La Presse
La hausse des taux d’intérêt ne semble pas avoir de prise sur le budget de la Ville de Montréal. Le service municipal des finances prévoit des frais de financement stables en 2024 par rapport à 2023, en dépit d’une augmentation de la dette de 200 millions.
La Ville a expliqué ce résultat surprenant par le fait qu’elle va renouveler à un taux plus bas en 2024 de vieux emprunts qui arrivent à échéance et qui portent intérêt à taux élevé.
Pour éviter une hausse encore plus rapide de la dette, l’administration paie aussi une plus grande proportion des immobilisations au comptant. En 2024, environ 500 millions seront payés comptant sur des dépenses d’immobilisations de 2 milliards.
Les frais de financement se sont élevés à 451,4 millions en 2023. Peu de changement est attendu en 2024, le budget les établit à 452,9 millions. Pour donner une idée, la Ville dépense annuellement 393 millions pour le service d’incendie.
La facture d’intérêts est néanmoins en hausse de 50 millions par rapport à son niveau d’avant la pandémie.
Le service de la dette représente 16,6 % des dépenses de la Ville.
Selon le budget, la dette nette de la Ville va s’établir à 6,9 milliards à la fin de 2024, comparativement à 6,7 milliards à la fin de 2023.
En dérogation à sa propre politique
La Ville déroge à sa propre politique de gestion de la dette depuis 2019. Selon cette politique, la dette nette directe et indirecte ne doit pas dépasser 100 % des revenus de la Ville. L’administration municipale a pris cette décision pour augmenter les investissements dans les infrastructures. La dérogation fixe à 120 % de ses revenus la limite maximale de l’endettement de la Ville.
Au budget, il est prévu que l’endettement représente 108 % des revenus en 2024. Pour 2023, c’était 105 %. Le retour à un ratio de 100 % est toujours prévu en 2027.
Si la Ville déroge au seuil maximal d’endettement, elle continue de respecter le ratio maximal de la limite du coût de la dette une fois exclu le financement de la dette initiale des régimes de retraite.
La Ville prévoit emprunter 1,2 milliard sur les marchés en 2024. En 2023, elle a finalement levé 900 millions sur les marchés. Le taux d’intérêt nominal pondéré que la Ville paie sur ses emprunts s’établissait à 3,47 % au 31 décembre 2022. L’administration n’a pas fourni de chiffre plus à jour. Ces jours-ci, la province emprunte à 4,65 % pour un terme de 10 ans. Habituellement, le coût d’emprunt de la Ville de Montréal est supérieur à celui du gouvernement du Québec.
Malgré l’endettement des dernières années, la Ville a maintenu sa cote de crédit Aa2 auprès de Moody’s. Standard and Poor’s, de son côté, a bonifié sa cote à AA en 2022.
Le monde des affaires déplore le peu d’efforts consentis par la Ville de Montréal pour réduire ses dépenses en ces temps difficiles. Résultat : les contribuables écopent, tant ceux du secteur résidentiel que du secteur non résidentiel.
« Dans un contexte économique difficile, le budget de la Ville de Montréal déposé [mercredi] est préoccupant, tant pour les particuliers que pour les entreprises. La décision de hausser les taxes foncières globales de 4,6 % – et surtout de 4,9 % pour le secteur résidentiel – pèsera très lourdement dans les finances des Montréalais. […] On cherche en vain dans le budget déposé [mercredi] un exercice de réduction des dépenses de la part de la Ville », dit, dans un communiqué, Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).
Au téléphone, M. Leblanc en rajoute. « Pourquoi la Ville a-t-elle versé de doubles bonis aux cadres ? Pourquoi n’y a-t-il pas de gel d’embauche ? Pourquoi voit-on des hausses d’effectif en 2024 ? », se demande-t-il à voix haute.
Vice-président du comité exécutif, Benoit Dorais a défendu les choix budgétaires en conférence de presse. « On ne voulait pas diminuer les heures d’ouverture des bibliothèques », a-t-il donné en exemple.
De son côté, la mairesse Valérie Plante a défendu sa décision politique d’offrir la gratuité des transports en commun aux 65 ans et plus, une dépense de 34,3 millions. En parallèle, les revenus tirés de la taxe foncière relative au financement des transports en commun passent de 11 à 50 millions, en un an.
Pour ce qui est de la gestion de la dette qui correspond à 108 % des revenus de la Ville en 2024, Michel Leblanc voit venir le goulet d’étranglement. La dette sert à financer les immobilisations.
« Quand l’économie allait bien, l’administration municipale s’est servie de sa marge de manœuvre en augmentant son endettement. La marge n’existe plus au moment où l’économie est sur pause. »
— Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
« On voit l’impact : la Ville doit se tourner vers les autres gouvernements pour trouver l’argent pour les infrastructures à l’hippodrome », a-t-il ajouté.
Fardeau fiscal
Autre source d’irritation pour le milieu des affaires, la mise sur pause en 2024 de la stratégie de réduction du fardeau fiscal non résidentiel. Encore aujourd’hui, la taxation non résidentielle pèse quatre fois plus que la taxation résidentielle, souligne François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
« Bien que la hausse soit légèrement moins élevée pour les commerces, l’écart demeure gigantesque. Leur porte-monnaie n’est pas extensible et ici, au lieu d’amoindrir le choc, l’administration Plante vient amplifier le problème », dit-il dans une déclaration écrite. Le propriétaire d’un immeuble commercial de 900 000 $ paie 24 000 $ de taxes au niveau municipal, comparativement à 6000 $ pour le propriétaire d’un duplex.
Même son de cloche de la part de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal (ASDCM), qui regroupe les commerçants de rues marchandes de Montréal comme la rue Sainte-Catherine.
« Cette augmentation des charges fiscales risque de fragiliser la stabilité financière des entreprises locales, déjà mise à l’épreuve par les défis économiques actuels », a indiqué dans un communiqué Sébastien Ridoin, DG par intérim de l’ASDCM.
Des fonctionnaires rémunérés 40 % de plus que dans le privé
L’embauche de fonctionnaires ne passe pas. Le nombre d’employés municipaux a gonflé de 1500 depuis 2020, pour atteindre l’équivalent de 25 000 personnes.
« La Ville ferait mieux de revoir ses dépenses en termes de rémunération ; à la place, on voit une augmentation nette d’environ 400 nouveaux postes, critique Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Quand on regarde le rapport de l’Institut de la statistique du Québec, on est aux alentours de 40 % plus élevés que des emplois similaires dans le secteur privé. L’administration en place gagnerait à s’attaquer à cette question d’une rémunération globale très élevée, plutôt que d’augmenter le fardeau fiscal auprès des Montréalais. »
Valérie Plante s’est excusée d’avoir payé 538 $ de vin avec des fonds publics pendant un voyage en Europe, mercredi, assurant toutefois que cette situation différait de celle de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).
La mairesse s’exprimait pour la première fois de vive voix concernant des révélations de Québecor selon lesquelles un souper de début de mission à Vienne, au printemps dernier, avait été arrosé par huit bouteilles de vin facturées à la Ville. Il s’agissait d’une erreur de bonne foi, a-t-elle juré, promettant de rembourser cette dépense.
« C’est inacceptable », a dit Mme Plante, en marge de la présentation de son budget. « Je comprends que les Montréalais peuvent trouver ça fâchant. Je m’excuse sincèrement parce que ce n’est pas dans nos pratiques, ce n’est pas comme ça qu’on gère l’argent des contribuables. »
« Les citoyens n’ont pas, en aucun cas, à payer pour des dépenses de vin des élus. »
— Valérie Plante, mairesse de Montréal
« On est complètement dans une autre logique de ce qu’on a vu de l’autre côté avec l’OCPM », a-t-elle ajouté.
Car la mairesse a été autrement dure envers l’OCPM. Elle a réitéré mercredi son appel au départ de l’état-major actuel de l’organisation. Le conseil municipal de Montréal et les citoyens de Montréal ont perdu confiance en la présidente actuelle Isabelle Beaulieu et son lieutenant Guy Grenier, a-t-elle assuré.
« En ce moment, ce à quoi on s’attend, c’est que l’OCPM fasse le ménage dans ses finances, dans sa gouvernance, dans sa mission, a-t-elle déclaré. Et puisqu’on a présentement une direction à la tête de l’OCPM qui ne semble pas encline à le faire, […] nous, on va le faire, le ménage. »
L’organisation est au cœur d’un scandale depuis maintenant deux semaines. Pendant des années, ses dirigeants ont voyagé à travers le monde à un rythme important, dépensant des dizaines de milliers de dollars en frais de déplacement et de restaurant. La controverse a emporté la numéro 2 de l’administration Plante, Dominique Ollivier, lundi.
« Éthique élastique »
Du côté de l’opposition officielle, on qualifiait l’administration Plante de « gauche caviar ».
« Dans le code d’éthique des élus de Montréal, c’est clair qu’on n’a pas le droit de se faire rembourser de l’alcool », a lancé le chef de l’opposition, Aref Salem. « Je laisse les Montréalais donner leur opinion là-dessus. »
« Je trouve ça vraiment déplorable, a-t-il ajouté. L’éthique de la mairesse est un peu élastique ces temps-ci. »