Les horaires de travail des employés permanents sont au cœur du désaccord entre la Société des alcools du Québec (SAQ) et le Syndicat des employés de magasin et de bureau (SEMB-SAQ). Actuellement, 43 % d’entre eux (744 personnes) sont à l’horaire du lundi au vendredi. Les autres travaillent une ou deux journées pendant la fin de semaine.
La SAQ souhaite que 200 employés réguliers additionnels travaillent les samedis et dimanches, résume la présidente du SEMB-SAQ, Katia Lelièvre. Cela aurait un impact sur « environ 700 personnes qui changeraient d’horaire et de succursale », évalue-t-elle, en raison de la cascade de supplantations que cela provoquerait.
De son côté, la société d’État affirme qu’il est logique que ses employés soient à l’œuvre quand il y a un maximum d’achalandage dans les succursales, c’est-à-dire du jeudi au dimanche.
Elle précise que 75,6 % de ses ventes sont réalisées pendant ces quatre jours. Une réalité qui n’est pas nouvelle. Il y a 12 ans, les achats étaient encore plus concentrés la fin de semaine, puisque 76,9 % des ventes étaient conclues pendant cette période, selon des données fournies à La Presse par la SAQ.
« L’idée n’est pas de dire : “on arrête de travailler en début de semaine”. On a besoin de main-d’œuvre pour préparer les succursales », a expliqué en entrevue Jacques Farcy, vice-président Exploitation des réseaux de vente, marketing, dons et commandites.
« On part du principe que cette flexibilité va nous permettre de continuer à offrir les services que les clients attendent et à améliorer l’efficacité de la SAQ. »
— Jacques Farcy
La SAQ veut aussi pouvoir assigner les employés à temps partiel en fonction du nombre d’heures qu’ils ont à leur actif plutôt qu’en fonction de l’ancienneté. « Donc, si tu refuses un quart de travail de soir parce que tu as des enfants ou que tu vas à l’école, tu recules dans la liste ! », dénonce Mme Lelièvre.
Divisions géographiques
Les succursales de la SAQ sont regroupées au sein de divisions qui comptent une poignée de magasins chacune. Les employés sont liés à une division et non pas à une succursale.
La SAQ se dit incapable de pourvoir certains quarts de travail en raison des règles dans la convention « qui sont très strictes et complexes ». « Il ne suffit pas de dire à une personne qu’il y a un quart de travail [libre]. Il y a certains quarts de travail qu’on ne peut pas proposer à certaines personnes parce qu’elles ne sont pas dans la bonne localité géographique », donne en exemple M. Farcy.
Concrètement, un employé à temps partiel peut décider de ne pas vouloir travailler dans toutes les succursales de sa division, explique le porte-parole de la SAQ Mathieu Gaudreault, ce qui force l’embauche d’un plus grand nombre d’employés.
« Si cette flexibilité est disponible dans nos conventions, on va être capables de plus faire travailler les personnes à l’emploi de la SAQ sans avoir besoin d’intégrer comme on le fait systématiquement chaque année de nouvelles personnes […] à qui on n’arrive pas à donner suffisamment d’heures pour qu’elles se développent et restent à l’emploi de la SAQ. »
La société d’État veut aussi réduire la taille de certaines divisions, s’étonne Mme Lelièvre, qui s’y oppose fermement avec le même argumentaire, ironiquement, que la SAQ.
« Ça rapetisse le bassin d’heures de travail disponibles, alors ça précarise le monde. Nous, on pense qu’ils devraient agrandir les divisions pour que nos membres travaillent plus d’heures et qu’il y ait une meilleure rétention du personnel. »
— Katia Lelièvre, présidente du SEMB-SAQ
Le « gain Couillard »
Les employés temporaires reçoivent leur horaire de travail le jeudi soir pour la semaine qui commence le dimanche. Les syndiqués, nombreux à avoir un autre emploi en parallèle, souhaitaient obtenir leur horaire plus tôt.
Ils ont gagné. Le délai sera allongé. Mais…« c’est un gain qu’on doit [au premier ministre Philippe] Couillard, pas à la SAQ ! », précise Katia Lelièvre, puisque la récente réforme sur les normes du travail prévoit qu’un employé peut refuser d’entrer au travail s’il n’est pas informé au moins cinq jours d’avance de son horaire.
La SAQ rétorque qu’elle souhaite faire encore mieux. « On pourrait se contenter de cinq jours, mais nous, on veut aller le plus loin possible », assure M. Farcy, évoquant la possibilité que les horaires soient prêts 10 jours d’avance.
Les questions salariales, quant à elles, n’ont pas encore été abordées.
Rétention du personnel difficile
Malgré les salaires offerts dans les succursales de la SAQ, la rétention du personnel est un problème. Là-dessus, le SEMB et la société d’État s’entendent.
« Le problème auquel on fait face, ce n’est pas de recruter, c’est de garder les gens qu’on recrute longtemps. Si les gens entrent avec une perspective d’avoir vite un grand nombre d’heures et qu’on ne peut pas leur offrir […], notre enjeu est de les garder », révèle M. Farcy.
Selon le SEMB, ce nombre réduit d’heures offert aux employés temporaires provoque un cercle vicieux improductif.
« On ne peut plus travailler uniquement à la SAQ, déplore Mme Lelièvre. Il faut se trouver un autre emploi. Avec un autre emploi, les gens se rendent peu disponibles, de sorte que la SAQ doit embaucher des gens. Ça fait qu’il y a beaucoup trop d’employés à la SAQ actuellement. Il y en a entre 700 et 800 par semaine qui ont zéro heure. Ces gens-là se tannent et ne se mettent plus disponibles. »
Pour M. Farcy, le nombre d’employés ne semble pas être un problème. « On n’a pas l’objectif d’augmenter le nombre d’employés, de la même manière qu’on a l’objectif de le réduire. » Mais au lieu de recruter, il aimerait donner plus d’heures aux employés actuels.
Selon le SEMB-SAQ, il y a eu 213 embauches depuis le 24 juin dernier.