Le mirage vert de la CAQ

Le gouvernement Legault aura beau tourner ça dans tous les sens, il n’y a qu’une conclusion possible : rien, absolument rien, n’indique que le Québec est sur la bonne voie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les chiffres publiés mercredi.

Ce bilan, qui porte sur l’année 2020, est même extrêmement inquiétant pour la suite des choses.

Imaginez. En 2020, alors que des pans entiers de l’économie étaient paralysés ou tournaient au ralenti à cause des mesures sanitaires liées à la COVID-19, la province n’a pas réussi à atteindre ses cibles climatiques.

C’est comme si quelqu’un abaissait pour vous le panier de basketball et que vous tiriez quand même à côté.

Pour 2020, Québec s’était engagé à émettre 20 % de GES de moins qu’en 1990. Or, les réductions n’ont atteint que 13,2 %.

On parle d’une année où les citoyens sont longtemps restés confinés à domicile. Où les écoles, les bureaux et les restaurants ont été fermés de longs mois. Où les routes étaient vides et les avions, cloués au sol.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a bien pris soin de dire qu’il n’y avait « pas de quoi pavoiser » devant les chiffres présentés mercredi. Il a précisé qu’il n’arrivait pas en conférence de presse avec « des tambours et des trompettes ».

Il a raison d’adopter un profil bas.

Mais malgré la piètre performance du Québec, le ministre n’a pu s’empêcher d’affirmer que la cible de 2020, finalement, a été atteinte. Comment ? En s’appuyant sur une béquille. Une béquille qui s’appelle la Californie.

On sait que le Québec et la Californie partagent un marché du carbone.

En 2020, les entreprises québécoises ont acheté des droits d’émission équivalents à 11 mégatonnes de CO2 à des entreprises californiennes. Ce n’est rien de nouveau. Depuis 2015, le Québec achète ainsi des unités d’émission en Californie à coups de centaines de millions de dollars.

Pour la toute première fois, le Québec utilise ces droits pour embellir son bilan.

Au mieux, on peut dire que le Québec fait faire le boulot climatique par d’autres. Cela provoque une fuite de capitaux vers la Californie et ne contribue aucunement à lancer les transformations structurantes qu’il faudra bien finir par effectuer chez nous si on veut que le Québec atteigne la carboneutralité en 2050 comme il s’y est engagé.

Demander au voisin de faire ses devoirs à sa place, c’est rarement un gage de succès à long terme.

Au pire, il s’agit de ce que le professeur de HEC Montréal Pierre-Olivier Pineau appelle un « effet trompeur ». L’affaire est technique, mais l’expert soutient en effet que ces droits d’émission ne correspondent même pas à des réductions réelles effectuées en Californie.

Ne nous demandez pas sur quelle base, mais le gouvernement Legault a trouvé le moyen, mercredi, de publier un communiqué de presse qui clame que « le Québec pourra réaliser ses ambitions à l’horizon 2030 ».

Rien, pourtant, n’indique qu’on soit sur la bonne voie pour ça. Entre des réductions circonstancielles (et largement éphémères) engendrées par la pandémie et l’aide des amis californiens, on n’a pas la moindre preuve que des mesures implantées au Québec ont conduit à des réductions significatives et mesurables.

Avant 2020, nos émissions, loin de descendre, grimpaient. On voit mal ce qui a changé depuis. Statistique Canada nous apprenait d’ailleurs cette semaine que les véhicules continuent d’être toujours plus nombreux et plus gros sur nos routes.

Pour atteindre notre cible de 2030, il faudra générer des réductions trois fois et demie plus importantes que celles enregistrées en 2020, au plus fort de la pandémie, quand le Québec était à moitié paralysé.

Ça montre l’ampleur de la tâche à accomplir. Cela, évidemment, ne se fera pas en fermant des commerces et en brimant les citoyens, mais en implantant des mesures structurantes comme bannir le gaz naturel de nos bâtiments et modifier nos habitudes de transport.

L’heure est à l’action, mais le gouvernement Legault préfère encore se bercer d’illusions.

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