Vers un leadership mobilisateur pour le mouvement iranien

Le 10 février 2023, à l’Université Georgetown aux États-Unis, s’est tenue une rencontre historique : celle d’opposants au régime iranien annonçant pour la première fois la formation d’une coalition⁠1.

Alors qu’un mouvement révolutionnaire est en train de prendre forme, en Iran comme au sein de la diaspora, depuis cinq mois, il est important pour cette coalition de l’opposition d’avoir un leadership mobilisateur qui prenne en compte le caractère populaire et agile du mouvement, et organise les prochaines étapes.

Femmes de la génération Z

Iran, septembre 2022 : la mort de la jeune Kurde Mahsa Jina Amini aux mains de la police de la moralité pour un voile mal porté déclenche une avalanche. Femme, vie, liberté. Le slogan d’origine kurde devient le cri de ralliement de ce mouvement qui fait écho à plus de 44 ans de discrimination à l’égard des femmes et du peuple iranien dont tous les droits fondamentaux ont été bafoués par le régime islamique.

Ce mouvement Femme, vie, liberté a été décrit par plusieurs comme un mouvement révolutionnaire historique. Il s’agit en effet de la première révolution déclenchée et menée par les femmes de la génération Z.

Dans son combat contre les inégalités ethniques, de genre et de classe, elle ne recherche pas une autorité pour la guider, mais plutôt des porteurs de l’autorité qui sauront démontrer leur légitimité.

C’est d’ailleurs à travers les actions posées par cette génération Z que l’on observe deux des grandes caractéristiques de ce mouvement : son agilité et son caractère populaire.

L’absence d’un leader et l’existence d’un leadership diffus à travers les individus et les associations en est un bon exemple.

Ensuite, la créativité dans les actions qui se propagent rapidement allant de l’écriture de slogans anti-régime sur les murs aux manifestations sporadiques, en passant par les cris « mort au dictateur » provenant des maisons le soir ainsi que l’utilisation de l’art comme expression de la résistance.

Enfin, un mouvement bottom-up, lancé par les jeunes femmes, mais avec une diversité d’acteurs qui ont depuis joint leurs voix à ce mouvement, à savoir des travailleurs, des artistes, des sportifs, des associations professionnelles (médecins, avocats, etc.), toutes les classes sociales et minorités ethnoreligieuses.

Ce mouvement révolutionnaire s’est aussi propagé à l’extérieur de l’Iran, auprès et même au-delà de sa diaspora, et a conduit au même type de mobilisations populaires et agiles.

Vers un leadership mobilisateur

Aujourd’hui, une réflexion sérieuse sur le leadership s’impose, particulièrement dans la diaspora qui dispose de toutes les libertés pour organiser et mener un mouvement dont l’aboutissement et la finalité seront décidés par le peuple et les leaders en Iran une fois que le régime islamiste sera déchu.

Certaines figures de l’opposition iranienne à l’étranger ont récemment fait une annonce prometteuse sur la formation d’une coalition. Il est primordial que le leadership soit capable de mobiliser tous les acteurs, de les guider vers une destination commune tout en préservant l’agilité du mouvement porté par la génération Z.

Mais quels seraient les attributs nécessaires au succès de cette initiative ?

En premier lieu, la capacité de formuler une vision commune (par une charte) d’un Iran après le régime islamique – et d’une feuille de route qui propose des solutions concrètes pour soutenir le mouvement révolutionnaire.

Cette feuille de route devra d’ailleurs refléter les différentes revendications du mouvement et des acteurs qui le représente. Lors de la rencontre du 10 février, les figures de l’opposition ont dit d’ailleurs vouloir travailler à développer un tel plan.

Ensuite, la capacité du leadership à rassembler, connecter et faire collaborer l’ensemble des acteurs engagés autour des actions définies dans la feuille de route.

La capacité à inscrire ses actions dans la transparence sera également déterminante. Un leadership transparent qui communique régulièrement sur ses intentions et défis sera un attribut majeur pour bâtir la confiance et continuer à engager les acteurs du mouvement.

Enfin, la volonté de refléter et représenter la diversité du mouvement au sein du leadership. Parmi cette diversité, les femmes, les jeunes et les minorités ethnoreligieuses se sont démarquées. Mahsa Amini symbolise à elle seule cette diversité et nous sensibilise sur les réalités propres des minorités en Iran. Seul un leadership inclusif aura la légitimité nécessaire pour entreprendre des pourparlers avec la communauté internationale au nom du peuple iranien.

Le mouvement Femme, vie, liberté constitue une opportunité unique et historique de mettre fin au règne de l’un des régimes les plus répressifs au monde. Cette volonté implacable de changement porté par la nouvelle génération nous donne enfin l’élan nécessaire pour nous unir et bâtir l’avenir à ses côtés.

1. Lisez « The Future of Iran’s Democracy Movement » (en anglais)

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