Duplessis, sors de ce chèque !

En coulisses, on l’appelait le ministre du « patronage ». Mais en réalité, il était le ministre de la Voirie et son mandat officieux au sein de l’Union nationale consistait à dérouler des routes flambant neuves pour convaincre les électeurs de voter du « bon bord ». C’était la politique des « bouts de chemin » de Maurice Duplessis.

Aujourd’hui, c’est beaucoup plus simple : on envoie un chèque à tout le monde !

À six mois des élections, le gouvernement Legault transforme son quatrième budget en tremplin électoral. La Coalition avenir Québec (CAQ) débloque 3,2 milliards de dollars pour offrir une somme ponctuelle de 500 $ à tous les adultes québécois qui gagnent moins de 100 000 $. Autant dire à l’ensemble des contribuables, car seulement 6 % de la population, soit 400 000 personnes, empochent davantage que ce montant.

On ne peut pas reprocher au gouvernement de vouloir aider les gens à encaisser le choc de l’inflation qui dépasse 5 %, du jamais vu en 30 ans. Sauf que nous ne sommes pas tous égaux face à l’escalade des prix.

Il aurait été plus judicieux de réserver cette aide aux moins nantis qui consacrent une part beaucoup plus grande de leur budget aux dépenses essentielles, comme Québec l’avait fait l’automne dernier dans son mini-budget.

Et en distribuant de l’argent à presque tout le monde, Québec ne fait que jeter de l’huile sur le feu, alors que l’économie québécoise roule déjà à plein régime – avec 6,3 % de croissance en 2021 – et que le marché du travail est revenu au plein emploi – avec un taux de chômage de 4,5 %, le plus bas au Canada.

Conséquence : l’aide de 500 $ que les contribuables recevront automatiquement en faisant leurs impôts ce printemps – comptez sur le gouvernement pour mettre ce cadeau en évidence dans la déclaration de revenus – ne fera que propulser l’inflation dont on cherche pourtant à contrer les effets.

Bref, c’est contreproductif.

On s’explique mal pourquoi le ministre des Finances, Eric Girard, a choisi cette option, lui qui a si bien expliqué qu’il ne voulait pas mettre de l’huile sur le feu dans un autre domaine : l’immobilier.

Il a bien raison : un coup de main aux acheteurs serait populaire auprès de la classe moyenne qui peine à accéder à la propriété, mais cela ne ferait que pousser le prix des maisons davantage à la hausse.

La crise du logement découle d’un problème d’offre, pas de demande. Pour le résoudre, il faut donc construire des maisons. Mais sur ce point, le budget de la CAQ laisse les ménages sur leur faim.

Oui, le gouvernement débloque des fonds pour différents programmes de construction de logements abordables et d’aide au loyer pour les plus démunis. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan qui ne haussera pas le nombre de ménages aidés de beaucoup plus que 1 %. Et le problème de la spéculation immobilière reste entier.

Manifestement, la crise du logement n’est pas une priorité pour la CAQ qui vient par ailleurs d’annoncer 22 milliards de nouvelles dépenses sur cinq ans.

On ne se plaindra pas que le gouvernement réinvestisse dans la santé qui a montré toutes ses failles durant la pandémie, dans nos infrastructures qui tombent en ruine, dans l’éducation qui constitue notre avenir et dans les organismes communautaires qui tirent le diable par la queue.

Le plus beau de l’affaire, c’est que le gouvernement a la marge de manœuvre pour le faire, tout en dépassant son objectif de réduction de la dette. Sur un horizon de cinq ans, les dépenses de programme vont croître de 3,4 % en moyenne par année, exactement le même rythme que la hausse des revenus.

Tout s’équilibre, à l’image des chaussures New Balance enfilées par le ministre des Finances.

Ah, mais un détail : la croissance des dépenses sera de 14,8 % cette année. Tiens, tiens… juste avant les élections, comme ça tombe bien !

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