ManifestationS À L’APPROCHE DE LA RENTRÉE SCOLAIRE

Colère à Québec, inquiétude à Montréal

Pendant que des milliers de marcheurs rassemblés devant le parlement à Québec s’opposaient au port du masque obligatoire dans les écoles, des parents et enseignants à Montréal dénonçaient le manque de planification et l’absence de mesures adéquates pour gérer les potentielles éclosions dans les classes.

Dans la Haute-Ville de Québec, près de 2000 personnes se sont déplacées du Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’à l’Assemblée nationale dimanche après-midi. L’objet de leurs tourments : le port du masque obligatoire en milieu scolaire pour les enfants dès la cinquième année du primaire.

L’évènement diffusé en direct sur les réseaux sociaux était organisé par l’ex-animateur de radio Éric Duhaime et l’ex-chef d’antenne Josée Turmel.

M. Duhaime a dénoncé le « climat de peur » instauré par le gouvernement et la Santé publique en vue d’une deuxième vague de COVID-19.

« Le gouvernement comprime nos libertés, on veut des justifications, on veut comprendre », explique Éric Duhaime en direct sur Facebook, entouré de plusieurs manifestants qui déambulaient parfois en famille. La majorité des Québécois sont contre le port du masque obligatoire dans les écoles secondaires et préféreraient avoir le choix, pense l’organisateur. Il admet tout de même que le virus existe, même s’il juge exagéré l’ajout de nouvelles mesures.

« Quand on touche à nos enfants, on devient des lions et des lionnes. On veut qu’ils soient libres et vivent dans un beau milieu de vie », a scandé Josée Turmel, micro à la main.

« Contre la peur »

Même si l’imposition du port du masque dès la rentrée était à l’ordre du jour, plusieurs pancartes affichaient des slogans complotistes.

« On veut montrer à nos enfants qu’il faut se tenir debout, forts, et arrêter de se laisser faire enlever des morceaux de notre liberté. La santé financière de nos enfants va déjà être touchée et on va leur laisser des traces psychologiques… Je suis contre le masque, oui, mais surtout contre la peur que ça nous inflige. La maladie ne vaut pas ça. On parle de vaccin obligatoire, de nous tracer avec les téléphones… Jusqu’où ça va aller ? » demande Amélie, mère de trois enfants.

« C’est surtout pour les enfants au primaire [que ça] me dérange. Il y a énormément de manipulations pour l’utilisation d’un masque pour un enfant de 10 ans. Pour les enseignants, gérer tout ça, c’est quelque chose. »

— Valérie, mère et enseignante

Le tout s’est déroulé pacifiquement et n’a nécessité aucune intervention policière. Le Service de police de la Ville de Québec était sur place jusqu’à la fin de la manifestation, vers 15 h.

Une protestation similaire a eu lieu samedi à Saguenay et a rassemblé des centaines de personnes.

À Montréal, des craintes par rapport à la rentrée

La même journée, à Montréal, des parents et des enseignants se sont rassemblés pour exprimer leurs craintes par rapport à la rentrée scolaire.

Ils étaient plus d’une cinquantaine devant les bureaux du ministère de l’Éducation. Les militants estiment que plusieurs questions demeurent sans réponse, notamment quant aux protocoles en cas d’infections à la COVID-19.

Beaucoup ne comprennent pas que le ratio élèves-enseignant soit resté le même qu’avant, alors que la distanciation physique est de mise dans les endroits publics fermés.

« Ça relève de la pensée magique d’assumer que les 35 élèves seront calmes et introvertis et qu’ils se tiendront à distance les uns des autres », selon Alex Pelchat, membre de Travailleuses et travailleurs progressistes de l’éducation (TTPE), collectif à l’origine de la manifestation.

« La meilleure façon de mettre en lumière l’inefficacité du plan [du gouvernement], c’est qu’il n’y a aucun état des lieux sur la ventilation et la qualité de l’air dans les écoles », dénonce l’enseignant au primaire.

Il n’a jamais été question de baisse de ratios ni de rentrée progressive, déplore également Élyse Bourbeau, enseignante de mathématiques au secondaire.

« L’école fait face aux plus grands défis de son histoire et le plan du Québec est un des plus faibles au Canada. »

— Élyse Bourbeau, enseignante de mathématiques au secondaire

Les enseignants, déjà à bout de souffle, ont un gros défi : raviver la flamme des ados qui ont travaillé depuis le mois de mars sans mettre les pieds dans une salle de classe.

« J’ai des élèves complètement déconnectés, qui n’ont pas lu un livre depuis des mois. Leur réapprendre à aimer l’école, ça se fait avec plus de ressources et plus de temps de préparation », explique-t-elle.

Kevin Joe aimerait que l’enseignement se poursuive à distance. Si son fils de 12 ans contracte la COVID-19, la grand-mère de ce dernier deviendra alors à risque. « Il y a eu des éclosions dans les garderies, il y en aura dans les écoles. »

Même son de cloche auprès de Julie Gagné et de Peter Ndlovu, parents de deux garçons. « On est dans le néant pour beaucoup de choses. Est-ce qu’ils vont prendre la température des enfants ? Comment se déroule le dépistage si un cas se déclare ? Que faire si un enfant tousse dans une classe ? J’ajoute ça au fait que les enseignants n’ont pas été consultés avant la rentrée », déplore Mme Gagné, également enseignante au primaire.

— Avec Judith Desmeules, Le Soleil

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