Opinion : Arrêts cardiaques

À quand une loi pour améliorer la survie au Québec ?

Le 15 juillet 2009, mon père, Jacques de Champlain, est décédé subitement d’un arrêt cardiaque alors qu’il faisait une randonnée à vélo dans la région des Cantons-de-l’Est. Comme c’est le cas dans environ 80 % des arrêts cardiaques, l’utilisation d’un défibrillateur externe automatisé (DEA) dans les premières minutes suivant l’arrêt cardiaque aurait probablement pu lui sauver la vie. Dans son cas, un DEA n’était pas très loin de sa position, mais personne ne connaissait son emplacement, pas même le répondant médical de la centrale de communication du 911.

À chaque minute qui passe suivant l’arrêt cardiaque, les chances de survie diminuent de façon vertigineuse, soit de 10 % par minute qui s’écoule.

Sans intervention rapide avant l’arrivée d’une ambulance, le décès est pratiquement inévitable. La science ne laisse planer aucun doute sur le fait que l’utilisation d'un DEA augmente grandement les chances de survie d’une personne en arrêt cardiaque et en plus, ils sont très simples d’utilisation, même sans formation préalable.

Le Québec, mauvais élève

Une étude canadienne récente examinant les registres des provinces canadiennes place le Québec en avant-dernière position avec 27 DEA par 100 000 habitants, loin derrière le Manitoba avec 324 DEA par 100 000 habitants. Cela s’explique lorsqu’on sait que depuis 2013, le Manitoba dispose d’une loi exigeant la présence de DEA dans des lieux désignés pour améliorer l’accès public à la défibrillation. Cette loi rend également obligatoire l’enregistrement des DEA dans un registre centralisé, qui est lié aux centrales de communication santé du 911. En juin 2020, le gouvernement de l’Ontario a également adopté une loi semblable et celui de la Colombie-Britannique est en voie de le faire.

En 2014, un rapport intitulé Services préhospitaliers : Urgence d’agir et commandé par le ministère de la Santé et des Services sociaux recommandait l’imposition d’une réglementation sur le déploiement et l’accessibilité optimale des DEA sur le territoire québécois. Il est donc primordial que le Québec emboîte le pas et suive l’exemple des autres provinces et adopte à son tour une loi pour améliorer l’accès aux DEA et ainsi préserver des vies humaines.

Jean-Philippe LaRose, porte-parole de la Fondation, avait 37 ans lorsqu’il a fait son arrêt cardiaque en jouant au hockey cosom. Eric Berger, son coéquipier, avait remarqué un DEA à proximité du gymnase où se déroulait la partie.

Il a pris la situation en main et après un choc donné par le dispositif, Jean-Philippe était revenu à la vie. Aujourd’hui, il n’a aucunes séquelles physiques, il a repris son travail et il profite de chaque moment de la vie avec sa conjointe et ses enfants. Il fait partie des 5 à 10 % de survivants « chanceux » parmi quelque 40 000 personnes de tous les âges souffrant d’un arrêt cardiaque annuellement au Canada, soit plus de 9000 citoyens au Québec.

En fait, il est estimé que 6 millions de personnes décèdent annuellement dans le monde d’une mort subite d’origine cardiaque, soit trois fois plus que de la COVID-19 durant la dernière année. C’est donc une pandémie des arrêts cardiaques soudains qui sévit année après année et pour laquelle le seul vaccin sera celui de l’adoption de politiques d’accès aux DEA et l’intégration de formation sur des techniques de réanimation simples dans les écoles. C’est donc un enjeu de santé publique !

Messieurs François Legault et Christian Dubé, je m’adresse donc à vous en ce mois de sensibilisation sur les maladies du cœur pour aller de l’avant rapidement avec l’adoption de cette loi qui devrait faire consensus, puisqu’elle est indépendante de toutes allégeances politiques et démontre un principe fondamental de notre société québécoise, soit la bienveillance.

Les survivants d’un arrêt cardiaque traité rapidement et efficacement, grâce au DEA, ont toutes les chances de maintenir une vie sociale et professionnelle active. En plus, un traitement précoce se traduit généralement par un rétablissement plus rapide et un séjour hospitalier plus court, ce qui contribuerait à alléger la pression à laquelle est actuellement soumis notre système de santé. En tous points, cette législation représente un réel investissement. Et les survivants et leurs familles seront à jamais reconnaissants des efforts de nos élus.

* La Fondation Jacques-de Champlain (www.jacquesdechamplain.com/) a comme mission l’amélioration des soins de réanimation au Québec. Depuis 2015, la Fondation, financée par des dons privés, a mis sur pied un registre provincial des DEA dans les endroits publics, lié à une application mobile gratuite pour téléphone intelligent (DEA-Québec).

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