COVID-19

Le Québec doit se préparer à une quatrième vague

Le 18 mai, le DHoracio Arruda a affirmé qu’une quatrième vague de COVID-19 est « possible », mais « peu probable » au Québec. À propos du variant Delta, il a ajouté : « Il semblerait que ce variant-là est beaucoup plus transmissible, mais qu’il répond quand même aux vaccins dans la majorité des cas. » On pourrait donc penser qu’il n’y aura pas de quatrième vague de COVID-19 au Québec.

Pour en avoir le cœur net, le 9 juin, nous avons examiné les courbes épidémiques des 20 pays les plus vaccinés du monde (deux doses). Des pays comme l’Angleterre (vacciné à 42 %), le Chili (45 %), la Mongolie (49 %), Bahreïn (49 %) et les Seychelles (67 %). Hélas, 5 des 20 pays les plus vaccinés subissent actuellement une vague de COVID-19. Ce sont les cinq nommés ci-dessus.

On peut aussi examiner les résultats préliminaires d’études scientifiques. Elles suggèrent que les vaccins seraient moins efficaces contre certains variants.

Par exemple, selon une étude de la Santé publique de l’Angleterre, on serait protégé contre le variant dit indien à seulement 33 % après avoir reçu une dose du vaccin Pfizer (et à 88 % après avoir reçu deux doses).

De même, on serait protégé contre le variant dit sud-africain à seulement 10 % après avoir reçu le vaccin AstraZeneca, même après deux doses, selon une étude publiée dans le réputé New England Journal of Medicine. L’Afrique du Sud a d’ailleurs mis de côté le vaccin AstraZeneca (elle utilise maintenant les vaccins Johnson & Johnson et Pfizer).

Alors, est-ce que les vaccins sont inutiles ? Bien sûr que non. Les personnes vaccinées sont moins malades et meurent moins de la COVID-19, peu importe le variant. Mais force est de constater que leur protection varie. Et que même les pays les plus vaccinés au monde ne sont pas à l’abri de nouvelles vagues de COVID-19. Aussi, il faut le dire : nous ne vaccinerons pas toute la population. Certaines personnes hésitent. D’autres refusent carrément. Et d’autres encore ne peuvent pas être vaccinées, pour des raisons médicales. En cas de quatrième vague, comment les protéger sans reconfiner tout le monde ?

Sources d’inspiration

On peut s’inspirer des pays qui contrôlent le mieux la pandémie. Dans ces pays, relativement peu de gens ont succombé à la COVID-19. Mentionnons la Nouvelle-Zélande (26 décès en tout), Singapour (34 décès), le Viêtnam (55 décès), le Cambodge (278 décès), Taïwan (308 décès), l’Australie (910 décès), la Thaïlande (1297 décès) et la Corée du Sud (1977 décès). Prenons le cas de l’Australie. Ce pays a près de trois fois la population du Québec (25,4 contre 8,5 millions d’habitants). Or, seulement 910 personnes y sont mortes (contre 11 164 au Québec). Il y a donc eu près de 38 fois plus de décès par million d’habitants au Québec qu’en Australie. Fait remarquable, il y a eu moins de confinement en Australie qu’au Québec et seulement 2,49 % des Australiens ont reçu deux doses d’un vaccin COVID-19.

Plus près de chez nous, le Canada se classe dans le premier tiers des pays les plus endeuillés au monde. Le Québec fait encore pire, avec près de deux fois les décès de l’Ontario et quatre fois les décès de la Colombie-Britannique. Et ce, malgré des mois de confinement.

En cas de quatrième vague au Québec, ferons-nous mieux ? S’il doit y avoir une quatrième vague, on peut s’attendre à ce qu’elle frappe à l’automne 2021 (en septembre ou en octobre).

Heureusement, grâce aux vaccins, on peut aussi s’attendre à ce qu’elle soit moins grave et moins mortelle que les précédentes. Mais nous devrons réagir quand même. Que ferons-nous ? Confiner ? À quel prix ? Sur le plan économique seulement, pour l’année 2020-2021, le Québec anticipe déjà un déficit de 13,3 milliards.

L’objectif souhaité par tout le monde doit être d’assurer le contrôle de l’épidémie sans retourner en confinement. Pour y arriver, on peut notamment :

  1. Mieux contrôler les entrées aux frontières (y compris celles avec les provinces canadiennes, en particulier quand les cas remontent).
  2. Dépister les cas et isoler leurs contacts plus rapidement.
  3. Permettre aux laboratoires régionaux de cribler les variants.
  4. Faciliter l’accès aux tests de dépistage rapides antigéniques (en Slovaquie, ces tests ont permis de réduire la transmission de 70 %).
  5. Appuyer les quartiers défavorisés les plus touchés.
  6. Mieux ventiler nos écoles et nos lieux de travail.

Plus ces mesures seront appliquées, plus on éloignera le confinement. De nombreux pays donnent déjà l’exemple.

Nous invitons aussi les lecteurs à se faire vacciner complètement (deux doses). Nous avons l’été pour nous préparer (trois mois). Il n’en tient qu’à nous.

*Cosignataires : Roxane Borgès Da Silva, professeure, École de santé publique, Université de Montréal ; Marie-Pascale Pomey, professeure, École de santé publique, Université de Montréal ; Richard Marchand, infectiologue, Institut de cardiologie de Montréal ; François Béland, professeur, École de santé publique, Université de Montréal ; Bryn Williams-Jones, professeur, École de santé publique, Université de Montréal ; Maximilien Debia, professeur, École de santé publique, Université de Montréal ; Ludwig Vinches, professeur, École de santé publique, Université de Montréal ; Marc-André Verner, professeur, École de santé publique, Université de Montréal ; Jean-Sébastien Fallu, professeur, École de psychoéducation, Université de Montréal ; Maude Laberge, professeure, Université Laval ; Valérie Hurteloup, urgentologue, Institut de cardiologie de Montréal ; Alain Vadeboncœur, urgentologue, Institut de cardiologie de Montréal ; Benoit Trottier, professeur agrégé de clinique, département de médecine familiale, Université de Montréal ; Joseph Dahine, intensiviste ; Amélie Boisclair, interniste-intensiviste ; Michel Belley, président, Sceptiques du Québec ; Marie-Michelle Bellon**, spécialiste en médecine interne, médecin en unité COVID-19 ; Bruno Bernardin**, spécialiste en médecine d’urgence ; Anne Bhéreur**, spécialiste en médecine de famille ; Nimâ Machouf**, chargée d’enseignement clinique, École de santé publique, Université de Montréal ; Michel Camus**, épidémiologiste retraité de Santé Canada ; Stéphane Bilodeau**, ingénieur et docteur en génie mécanique ; Manuelle Croft**, ingénieure ; Nancy Delagrave**, physicienne

**Membre du collectif COVID-STOP

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