RENÉ DEROUIN

L’intérieur du migrateur

René Derouin est de retour… sur les routes de l’art. Le plus migrateur de nos créateurs a entamé cet été une autre de ses pérégrinations avec l’expo itinérante Les derniers territoires, installée jusqu’au 25 septembre au Musée des beaux-arts de Sherbrooke, avant de se rendre à la galerie Montcalm de Gatineau puis au Centre d’exposition de Rouyn-Noranda.

Depuis plus de 50 ans, René Derouin n’a de cesse de s’inspirer de ses voyages pour graver son chemin intérieur dans le bois et le papier. L’expo Les derniers territoires est l’occasion de faire un survol des créations de 2000 à 2013 de ce maître de l’art québécois et de passer un bon moment parmi ses progénitures de papiers découpés et de bois pyrogravés. Des œuvres élaborées au Mexique, en Europe, en Gaspésie, sur la Côte-Nord et dans son atelier de Val-David.

La grande salle du musée sherbrookois expose des bois reliefs de sa période Les derniers territoires, de 2013, quand il avait travaillé dans l’atelier de l’ancienne papeterie La Rolland, à Sainte-Adèle. S’inspirant de sa Série des lacs de 2001, il s’était mis à créer des œuvres immenses (de 8 pi sur 8 pi ou 8 pi sur 16 pi) comme Les derniers territoires IV, un bois découpé qui évoque une carte géographique ou encore des blocs de glace s’entrechoquant sur un lac au printemps.

De la Série des lacs, on a quelques exemplaires de dessins au crayon feutre photocopiés et collés réalisés lors de son séjour dans un chalet du lac Labelle. Un hommage à la nature laurentienne et en même temps une cartographie locale. Pour laisser une trace.

VITRAIL DE PAPIER

Mais à Sherbrooke, c’est son « vitrail de papier », La chapelle/La Capilla, une œuvre monumentale débutée à Percé en 2009, qui est en vedette. Un film de Michel Arsenault de 29 minutes nous présente l’élaboration de cette œuvre dans la villa James, en face du rocher Percé. René Derouin y était en résidence pour ce projet inspiré d’une émotion vécue dans une chapelle de Puebla, au Mexique.

Le film déroule les étapes du processus créatif de Derouin. On le voit dessiner, sur de grandes feuilles de papier, des motifs qui découlent de ses observations sur la plage de Percé (roches, varech, poissons) et quelques-unes de ses figures récurrentes, notamment ses baigneuses.

Il procède ensuite au découpage des dessins avec un couteau à lame rétractable. Il assemble et colle ses papiers découpés et troués sur une autre feuille. Puis, utilise un appareil-photo pour prendre du recul et décider de changer, ici ou là, un aspect de ce « chantier d’art ».

À la fin, « peu à peu émergent de cette masse complexe et informe un personnage, un vitrail », dit René Derouin dans le catalogue de 132 pages, Derouin – Les derniers territoires, qui accompagne cette exposition itinérante.

La chapelle\La Capilla comprenait à l’origine 12 panneaux que Derouin avait exposés chez Circa, à Montréal, en 2009. Neuf d’entre eux forment l’œuvre définitive. Exposé à Sherbrooke selon un demi-cercle, ce bel ensemble rétroéclairé circonscrit un espace qui rappelle une chapelle d’église. Un banc permet d’admirer, assis, ces grands panneaux de 1,20 m sur 0,79 m qui laissent passer la lumière comme un vitrail.

Graver la terre

Dans le reste de la salle, on a accroché son œuvre Graver la terre, conçue pour l’édition 2015 de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières : deux tondi en bois avec des reliefs qui leur confèrent l’allure de planètes, et un vieux râteau à foin pour nous remettre les pieds sur terre.

Le musée expose aussi des créations plus anciennes de Derouin et placées sous vitrine. Un dessin de 1985, Terremoto, qui évoque un tremblement de terre qu’il a vécu à Mexico. Et des œuvres de jeunesse, comme Le soleil, à l’encre et aquarelle, qui fait partie d’un coffret de 35 dessins sorti en 1963. Ou encore quelques-uns de ses 51 dessins du coffret Michouette, de 1959-1960, réalisés dans son atelier de l’époque, à Saint-Eustache. Un exemplaire unique qui permet de constater que se dessine déjà, chez le jeune Derouin, cet attrait pour le mystique et l’humanisme avec une pointe de surréalisme, comme on le constate avec son dessin no VI dans lequel il lance un clin d’œil appuyé à Dalí…

À noter que René Derouin présentera aussi son exposition Rapaces à la Galerie Éric Devlin (550, avenue Beaumont, à Montréal), du 8 septembre au 2 octobre. Il a également conçu une œuvre murale, en cours de réalisation sur la rotonde de la bibliothèque de Mont-Tremblant, en partenariat avec l’organisme MU. Elle sera inaugurée le 29 septembre lors des Journées de la culture.

Les derniers territoires, de René Derouin

Au Musée des beaux-arts de Sherbrooke (241, rue Dufferin, Sherbrooke), jusqu’au 25 septembre

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