Nous sommes entrés dans une ère très politique

Jusqu’au 18 septembre se tient à Montréal le congrès annuel de l’Association américaine de science politique (APSA), la plus importante et la plus prestigieuse rencontre de politologues au monde (eh oui, les États-Unis continuent à dominer le monde scientifique). C’est un moment opportun pour réfléchir au rôle que joue le politique dans nos sociétés, nos économies et notre vie intime.

Si tout n’est pas et ne doit pas être politique, le politique est presque partout. Prenons la situation économique. De l’arsenalisation du gaz par la Russie aux tensions sino-américaines dans le détroit de Taiwan en passant par le confinement sanitaire qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement, ce sont en grande partie des variables politiques qui poussent à la hausse une inflation que nous n’avions plus connue depuis 40 ans.

Les décisions politiques jouent sur l’offre (de gaz russe ou de semi-conducteurs taiwanais) comme sur la demande (par l’intermédiaire de la politique budgétaire, de la réglementation ou de la gestion des risques politiques). Si le marché est régi par ses propres lois, aucune n’échappe à l’emprise du politique.

Autre exemple : la santé.

Qui, dans un Québec qui dépense 13 % de son PIB pour la santé, peut croire que les dysfonctionnements du système ne sont pas attribuables à des forces politiques comme le jeu électoral, le poids du lobby des médecins et l’organisation de l’administration publique ?

Dernier exemple : les droits fondamentaux, eux-mêmes liés à notre vie intime. Si les constitutions et les chartes fondant le pouvoir des juges existent, c’est parce qu’elles sont le résultat de processus politiques qui les ont créées – et peuvent les changer. La révocation de l’arrêt Roe c. Wade sur le droit à l’avortement aux États-Unis nous rappelle qu’in fine, c’est toujours le politique qui devra trancher.

Entre liberté et conflit

Le politique, c’est la capacité d’exercer des choix collectifs en fonction de nos idées et de nos valeurs. Pour le meilleur et pour le pire, car qui dit choix dit liberté, mais aussi conflit et parfois même domination ou violence. Le politique fait des gagnants et des perdants.

Faire fi du phénomène politique, c’est donc au mieux mépriser une grande partie de l’expérience humaine ; au pire, c’est négliger des variables cruciales qui affectent notre niveau et notre qualité de vie, notre dignité parfois, mais aussi la paix, la sécurité et l’environnement à l’échelle de la planète.

Ce qui est une vérité de toujours l’est aujourd’hui de manière singulière. Car nous vivons un moment exceptionnellement politique.

La pandémie et les tensions géopolitiques signalent un retour de l’État : partout, les dépenses publiques augmentent et, dans un nombre croissant de pays, la tendance autoritaire est flagrante. Au nord comme au sud, la mise en exergue des inégalités alimente l’opposition systémique et aiguise les conflits entre les groupes sociaux. À l’échelle mondiale, l’urgence climatique appelle une réponse collective qui devra passer par l’établissement d’institutions politiques à la hauteur de l’enjeu.

Le souci de l’intérêt public

Plus que jamais, le monde a donc besoin de politologues. C’est-à-dire de professionnels ayant reçu une formation rigoureuse sur les phénomènes politiques adossée à un savoir de pointe et au développement de compétences techniques et sociales propres à la science politique.

À rebours des idées reçues, la vaste majorité des politologues ne deviennent pas politiciens. Auprès d’économistes et de juristes qui ont leur propre champ d’expertise, ils et elles travaillent comme analystes, conseillers, relationnistes, diplomates et gestionnaires. Souvent à proximité des élus et des décideurs dont ils et elles peuplent les cabinets et les administrations.

Que ce soit dans l’administration publique, à l’Assemblée nationale, dans une organisation internationale ou, de manière de plus en plus fréquente, dans le secteur privé, les politologues servent le bien public. Sensibles aux phénomènes politiques, agiles et munis d’une vision grand-angle sur le monde, ils et elles diagnostiquent les rapports de force afin de préserver notre liberté d’action.

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