Quand le libertinage change une vie
Cela fait seulement trois ans. Trois petites années que son couple, vieux de 30 ans, est officiellement libertin. Et Roxane n’est plus du tout la même depuis. Récit d’une « renaissance ».
C’est le mot qu’elle emploie pour parler de ce changement de vie : « Je me suis sentie renaître. » Tout un revirement, quand on connaît son cheminement. Un parcours qu’elle ne se fait pas prier pour raconter, avec plusieurs allers-retours entre son passé « refoulé », comme elle dit, et son présent teinté d’ouverture, et surtout de liberté.
« J’ai été élevée très religieusement », lance aussi, et d’entrée de jeu, la quinquagénaire aux longs cheveux blonds de sa voix douce et posée, rencontrée dernièrement dans un bistro du DIX30. « J’allais à l’église jusqu’à 16 ans. La masturbation, c’était mal. » Ça vous donne une idée d’où elle vient.
« Je culpabilisais quand je me touchais. »
— Roxane
Elle vit tout de même ses premières expériences sexuelles autour du même âge (« très court ! », résume-t-elle en souriant), rencontre une poignée de garçons, avant de rencontrer son mari (d’abord à 16 ans, puis à 18 ans, deux ans plus tard et pour de bon). « Et on ne s’est jamais lâchés », dit-elle, pas peu fière.
Au lit ? « Lui, il avait beaucoup d’expérience, se souvient-elle. Et c’est lui qui a fait mon épanouissement sexuel. »
D’emblée, il aborde avec elle la question de l’échangisme (subtilement et sans jamais mettre de pression, précise-t-elle). Mais pour Roxane, il n’en est pas question. « Je ne voulais même pas en entendre parler. Avec le recul, je crois que je n’étais pas bien dans mon corps. Je me trouvais grosse ! »
Leurs relations sont « correctes » à ses yeux. Mais pour monsieur, « vraiment pas assez ». « Mais moi, je n’étais pas sexuelle, relate-t-elle. Non, ce n’est pas vrai : mais c’était refoulé. »
Puis arrivent les enfants, fin vingtaine. « Et c’est tombé mort. » Si ç’a été un enjeu ? « Mais c’est sûr ! répond Roxane sans hésiter. Ce que je pense, c’est que la monogamie entraîne des frustrations. Une seule personne n’est pas capable de combler tous tes besoins. Je comprends ça aujourd’hui ! » Il faut dire qu’elle revient de loin : « Je l’ai fait souffrir énormément : il n’avait pas le droit de se masturber ! »
Outre la maternité, Roxane a, à peu près à la même époque, divers soucis de santé qui l’envoient régulièrement à l’hôpital. « Je souffrais. Je n’avais vraiment pas la tête à “ça” », précise-t-elle. Conséquence : ils ne font plus l’amour que quelques fois par année. « Mais pour moi, c’était ben correct. »
« Moins je le fais, moins j’en ai envie. Plus je le fais, plus j’en ai envie… »
— Roxane
Et le couple, dans tout ça ? « Il n’était pas fâché, mais il avait des frustrations. Alors il s’est éloigné, et il est devenu froid. Mais c’est normal ! » De son côté, Roxane, en mal d’« affection », vivait ses propres frustrations. De cela découle ceci : « On avait des frustrations des deux côtés. »
Jusqu’à tout récemment, en fait. Jusqu’à ce que Roxane plonge dans une profonde dépression, idées noires incluses. C’était il y a trois ans. « Je n’avais plus de vie. Juste le travail. J’ai l’impression que je suis morte. Et puis je suis re-née. »
Nous y voilà. Il faut dire que depuis, tout a déboulé. « Et quand je suis sortie de ma dépression, je me suis dit une chose : j’allais dire oui à la vie. »
Vous la voyez venir ? « J’allais arrêter d’avoir peur, poursuit-elle, dire oui, essayer. J’allais arrêter de me mettre des barrières. » Et c’est là que tout naturellement, elle a osé, et carrément relancé son mari sur cette idée d’échangisme. Pourquoi là, après toutes ces années de refus ? « Moi, j’avais la libido dans le tapis. Lui ? Zéro... »
De fil en aiguille, elle se renseigne sur les clubs échangistes, les règles et autres codes à respecter. Doute un peu (« est-ce que ça allait briser mon couple ? »), puis plonge (« juste pour voir »). « Mais finalement, ça n’a pas été juste ça », dit-elle, les yeux pétillants, en racontant sa toute première soirée (« je suis entrée en transe ! J’ai perdu la carte ! »). Et surtout son dénouement : « Après, j’avais l’impression de voler ! Comme si je m’étais reconnectée à la vie ! »
La démarche a l’immense mérite de l’avoir rapprochée de son mari. Pas à moitié. « Ça nous a réunis. En 33 ans, on n’avait jamais parlé de tout. Ç’a été le début : on s’est ouverts complètement. On a communiqué, communiqué, communiqué. On n’a plus de jardin secret ! » Et leur intimité en a aussi bénéficié. « Ç’a été très intense. Comme ça n’avait pas été depuis longtemps. »
« Ç’a été très, très, très bénéfique pour nous. Je ne retournerais jamais en arrière. »
— Roxane
Parce qu’on l’a dit, elle n’est plus la même depuis. Et pas que sexuellement, « spirituellement » aussi. « J’ai évolué spirituellement énormément grâce au libertinage. Parce que ça nous amène à travailler sur nous-mêmes. Quand tu vois ton mari faire l’amour à une autre femme, illustre-t-elle, ça te travaille. Les premières fois, il faut prendre du recul. Des fois, ça nous ramène dans le passé très loin, dans des blessures d’enfance. Ça nous amène à travailler ça, pas le choix ! Alors veux, veux pas, ça nous amène dans le développement personnel ! »
D’ailleurs, depuis, elle est en « mission ». « Il faut abolir les tabous autour de la sexualité, lance-t-elle. Et autour des différents modèles de couple, autres que la monogamie. Tout le monde a le droit d’être libre. [...] Pourquoi on se priverait de ça ? »
* Prénom fictif, pour protéger son anonymat