Vaccination

En mai, on ouvre les vannes

Le ministre de la Santé a voulu offrir un peu d’espoir aux Québécois pris dans la troisième vague : la vaccination  contre la COVID-19 pourrait être élargie à la population générale à la fin de mai. Et peut-être même plus tôt, si la vaccination avec les doses d’AstraZeneca peut être élargie à d’autres groupes que les 55 ans et plus.

Québec envisage d’élargir l’accès au vaccin d’AstraZeneca

Québec — La vaccination pourrait être ouverte à la population générale à la fin de mai, selon le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé. La prise de rendez-vous démarrerait d’ici les prochaines semaines. Et le vaccin d’AstraZeneca pourrait permettre d’atteindre les visées encore plus rapidement, alors que la Santé publique envisage d’élargir son administration.

Le ministre de la Santé veut donner un peu d’espoir aux Québécois, alors que la troisième vague ne s’essouffle pas. De passage en Beauce, où la situation est critique, il s’est exprimé sur une étape attendue de la campagne de vaccination : le début de celle de la catégorie 10, soit le « reste de la population adulte ».

Le Québec vaccine pour l’heure les groupes 8 et 9 – les malades chroniques et les travailleurs essentiels. Selon le ministre, cette phase pourrait être terminée entre la mi-avril et la fin de mai. Ce groupe représente environ 1 million de personnes.

« Ce qui veut dire que, vers la fin de mai, on va être capables d’avoir réglé les catégories 8 et 9 et on va pouvoir passer à la population générale », a lancé le ministre Dubé, en mêlée de presse. Le gouvernement Legault maintient toujours son objectif d’avoir vacciné tous les Québécois de plus de 16 ans qui le souhaitent d’ici le 24 juin.

La province a administré 67 708 doses de vaccin mercredi, ce qui porte le total de doses administrées à 2 145 925. Donc, 25,1 % de la population a reçu sa première dose jusqu’ici. Avec 2 828 685 doses reçues jusqu’à maintenant, le gouvernement Legault dispose actuellement d’une réserve de plus de 680 000 doses de vaccin.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a précisé que « 168 500 des 176 400 doses de Moderna attendues cette semaine ont été livrées en région, et 7900 doses sont toujours en transit ».

Alors que La Presse a révélé, chiffres à l’appui, que l’administration du vaccin d’AstraZeneca tourne au ralenti dans le Grand Montréal, le ministre Dubé a fait savoir que la Santé publique pourrait, d’ici quelques jours, transmettre une recommandation pour autoriser l’administration de ce vaccin à d’autres groupes d’âge.

« La Santé publique est en train de regarder si on changerait les catégories d’âge pour l’AstraZeneca », a-t-il confirmé.

« Je vous le dis, on est sur le point – et je m’avance déjà beaucoup en le disant –, mais il y a tellement de pression et il manque tellement de vaccins en ce moment que j’espère que la Santé publique va s’ajuster dans les prochains jours. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, à propos des groupes d’âge qui peuvent recevoir le vaccin d’AstraZeneca

L’Institut national de santé publique du Québec a confirmé que l’analyse était en cours. « Le Comité sur l’immunisation du Québec [CIQ] a reçu la question et est en train d’en débattre », indique le DGaston De Serres, qui précise que l’avis sera rendu public lorsqu’il sera prêt. Pour l’heure, l’administration du vaccin d’AstraZeneca est suspendue pour les 55 ans et moins.

Si le CIQ donne son aval à Québec, le gouvernement disposera d’une plus grande marge de manœuvre. Mercredi, le MSSS a confirmé à La Presse que quelque 287 000 doses du vaccin d’AstraZeneca restaient en stock malgré l’ouverture de cliniques sans rendez-vous pour l’administrer et son ajout en pharmacie.

« Comme il nous reste quelque 200 000 vaccins d’AstraZeneca, ce qui n’était pas prévu, ça pourrait nous permettre d’accélérer [la vaccination] de la population générale avant la fin de mai, si on réussit à vacciner nos gens avec [la quantité de vaccins d’]AstraZeneca qui nous reste », a assuré le ministre Dubé.

Dans le Grand Montréal, les établissements usent de toutes sortes de stratégies pour attirer des clients, allant jusqu’à accrocher des passants au hasard.

La mairesse Valérie Plante a appelé les Montréalais à aller se « faire vacciner dès maintenant » s’ils font partie de la clientèle admissible. « La vaccination ne roule pas comme on le souhaiterait à Montréal. Il y a plusieurs rendez-vous disponibles, il n’y a presque pas d’attente pour la vaccination sans rendez-vous », a-t-elle écrit sur Twitter.

Legault « satisfait »

François Legault ne dresse pas le même portrait. « D’abord, je ne suis pas d’accord avec [Mme Plante] », a-t-il indiqué jeudi à La Presse, interrogé sur le faible achalandage des centres de vaccination dans le Grand Montréal. « Quand on regarde les résultats, les faits [mercredi], on a eu 67 700 vaccins, dont 19 000 avec l’AstraZeneca, alors moi, je suis très satisfait des résultats », a-t-il ajouté en mêlée de presse.

Son gouvernement n’a pas l’intention de modifier sa stratégie à Montréal, bien que des intervenants aient réclamé qu’on ouvre la vaccination à plus de clientèles ou qu’on redistribue les vaccins, craignant de perdre des doses. Le premier ministre a rappelé que le Québec disposait d’un « certain nombre de doses » et « pas assez à [son] goût ».

M. Legault assure néanmoins que « d’ici la fin de mai, tout est attribué et tout va être utilisé » au sein de la population.

Au Salon bleu, le ministre Dubé a assuré que ce ralentissement était attribuable au volume de vaccins disponibles. « Je pense qu’il faut que les gens réalisent que des centres de vaccination qui sont moins occupés, ce n’est pas parce que les gens ne peuvent pas y aller. On n’a pas de vaccins pour vacciner les gens, on est limités par le nombre de vaccins qu’on reçoit », a-t-il expliqué, questionné par Québec solidaire.

Quant à la Beauce, il a précisé que le gouvernement avait pris la décision d’ouvrir de nombreux centres de vaccination pour être en mesure de vacciner jusqu’à 125 000 personnes par jour et, donc, qu’il « savait qu’au début, des gens allaient se tourner les pouces ». Christian Dubé a rappelé que le Québec devait recevoir 4 millions de doses en juin.

— Avec Ariane Lacoursière et Henri Ouellette-Vézina, La Presse

Retour sur le masque extérieur

Critiqué de toutes parts pour sa communication au sujet du port du masque à l’extérieur, François Legault a refusé, jeudi, de parler de cafouillage et défendu sa décision d’annoncer que son gouvernement reculait sur Facebook. « J’ai vu [mercredi] qu’il y avait des précisions à apporter sur le port du masque à l’extérieur et j’ai voulu corriger rapidement [le tir], donc j’ai commencé par le faire sur les médias sociaux. Puis, ce matin [jeudi], je suis ici devant vous pour répondre à vos questions », a affirmé le premier ministre. Cette façon de faire a provoqué l’ire des partis de l’opposition. « Tout ça se termine par un décret Facebook, une gouvernance par Facebook où est-ce qu’on n’a pas besoin de rencontrer les journalistes », a pesté le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

M. Legault estime que la « majorité » des Québécois comprennent les règles. « Tout le monde est de bonne foi, servons-nous du gros bon sens », a-t-il ajouté. Le port du masque à l’extérieur est obligatoire lorsque des personnes résidant à des adresses différentes ne peuvent maintenir en tout temps une distance de deux mètres. Et à Dominique Anglade, qui réclame que le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire soit débattu par les parlementaires, il a répondu cela : « C’est comme si elle a une solution à la recherche de problèmes. C’est ésotérique […] qu’on doive débattre de : “Y a-t-il, oui ou non, une urgence au Québec ?” »

— Fanny Lévesque, La Presse

Vaccination au ralenti à Montréal

« On attend et on perd du temps »

Faut-il ouvrir la vaccination sans rendez-vous à plus de Québécois ? Devant une campagne de vaccination avec les doses d’AstraZeneca qui ralentit dans le Grand Montréal, des experts et des médecins appellent les autorités à se prononcer rapidement. Déjà, la Santé publique envisage la possibilité d’offrir ce vaccin « à d’autres catégories d’âge ».

« L’enjeu actuellement, c’est qu’on ouvre à un groupe d’âge, puis il y a un gros rush, et ça s’épuise. Mais dans l’intervalle, on attend et on perd du temps, en voulant absolument que les autres régions rattrapent Montréal. Il ne faut plus niaiser comme ça », affirme Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Jeudi, La Presse a révélé que le ralentissement force les établissements à trouver toutes sortes de stratégies pour attirer des personnes de 55 ans et plus dans les cliniques sans rendez-vous, allant jusqu’à accrocher des passants au hasard. À Laval, mercredi, on avait vacciné 250 personnes en fin d’après-midi, alors qu’il y avait 2200 places disponibles, avec ou sans rendez-vous, pendant la journée. « Il n’y a pas un chat », a d’ailleurs résumé la directrice de la vaccination, Isabelle Parent.

Pour Mme Da Silva, il est « dramatique » d’en arriver là, en pleine troisième vague et alors que les variants continuent de se propager.

« Sur papier, le gouvernement a raison d’être satisfait, mais le problème, c’est que ça pourrait aller plus vite. On pourrait encore s’améliorer. »

— Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Jeudi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a soutenu que d’autres groupes d’âge pourraient être ajoutés bientôt, annonçant du même coup que la vaccination de la population générale pourrait être ouverte à la fin mai.

D’une certaine façon, il est « compréhensible » que le gouvernement Legault joue de prudence, vu les délais dans la livraison des doses du vaccin de Moderna depuis quelques semaines, affirme Roxane Borgès Da Silva. « L’approvisionnement est une clé, c’est vrai, mais il reste que si on a les doses, il n’y a pas d’excuses à avoir », insiste-t-elle toutefois.

Une solution ou une autre

Spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif, le DMatthew Oughton est du même avis. « Après les immenses files d’attente de la semaine dernière, on doit se poser la question clairement : est-ce qu’on a comblé les besoins des gens de 55 ans et plus qui voulaient venir à la base ? Si oui, ça veut dire qu’on devrait ouvrir à d’autres groupes prioritaires », lance-t-il.

« Si c’est un enjeu d’accessibilité aux cliniques sans rendez-vous, il faut rapidement repenser nos mesures de transport et de mobilité. »

— Le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif

À ses yeux, une autre approche à étudier serait de proposer des unités mobiles complètes de vaccination, comme l’ont fait les bus de la Société de transport de Montréal (STM) qui ont servi d’unités de dépistage le printemps dernier. « L’avantage, ça serait qu’on pourrait aller directement dans les quartiers où il y a une forte prévalence de personnes âgées de 55 ans et plus, et où le virus est très présent », dit le DOughton.

Certes, les processus seraient « plus complexes », étant donné que les vaccins doivent être conservés sous certaines conditions, mais l’opération n’est pas impossible pour autant, soutient ce dernier. « Plusieurs pays le font. Sur le fond, le principe est brillant. On amène le service à la population, et non l’inverse. »

Roxane Borgès Da Silva, elle, estime qu’il serait judicieux de donner « plus d’autorité et de latitude » aux directions de santé publique régionales. « À Montréal et à Laval, elles sont sous tension parce qu’elles savent que ça peut déraper et partir en fou tous les jours, avec les cas de variants. Ça prend une planification adaptée », plaide-t-elle.

À quand la deuxième dose dans les CHSLD ?

Au-delà de la campagne populationnelle de vaccination, la deuxième dose se fait par ailleurs attendre dans bien des centres d’hébergement au Québec, affirme la Dre Sophie Zhang, coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD (CPMC).

« Si on exclut les tout premiers établissements à avoir reçu le vaccin, il y a très peu d’usagers qui ont reçu leur deuxième dose. Pourtant, ils ne sont que 40 000. Au rythme où on va actuellement, tout ça serait faisable en une seule journée. »

— La Dre Sophie Zhang, coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD

Pendant ce temps, de nombreux centres sont de nouveau aux prises avec des éclosions, rappelle Mme Zhang. « On voit des cas réapparaître en Beauce et à Belœil, notamment. Ça nous inquiète », avoue-t-elle. À Saint-Georges, plus de 40 cas de COVID-19 ont été recensés en quelques jours au CHSLD Champlain, où une forte majorité des résidants ont reçu leur première dose.

« Au début, avec la pénurie de vaccins, on comprenait qu’on préfère vacciner plus de monde. Je comprenais tout à fait, mais actuellement, avec le nombre de doses disponibles, je pense qu’on aurait pu ajuster certaines choses dans la stratégie vaccinale », conclut la Dre Zhang.

Retards de livraison des doses de Moderna

Encore des maux de tête en vue pour les provinces

Ottawa — Les retards dans la livraison des doses du vaccin de Moderna depuis quelques semaines causent des maux de tête aux provinces qui sont responsables de la campagne de vaccination, a reconnu jeudi le major-général Dany Fortin, vice-président de la logistique et des opérations à l’Agence de la santé publique du Canada.

Les autorités fédérales estiment que les délais pour la prochaine livraison de doses du vaccin sont d’environ 1 semaine à 10 jours. Selon le major général, le Canada devrait ainsi recevoir environ 1,2 million de doses durant la dernière semaine d’avril, d’après le dernier calendrier confirmé par l’entreprise. Au départ, cette livraison devait être faite durant la troisième semaine d’avril.

« Cela a un impact direct sur notre capacité à livrer aux provinces », a-t-il indiqué au cours d’une conférence de presse pour faire le point sur le déploiement des vaccins.

Les délais dans l’expédition s’expliquent par les retards qu’accuse Moderna dans l’examen de « l’assurance de la qualité ».

La même incertitude plane sur les 2,8 millions de doses du vaccin de Moderna prévues en mai. Pour l’heure, ces doses doivent arriver en deux livraisons, l’une au début du mois et la deuxième à la fin du mois.

« Quand nous aurons l’horaire précis, nous allons le communiquer le plus tôt possible aux provinces, dès que nous allons avoir l’information. »

— Le major-général Dany Fortin

« Par mesure de prudence, nous avons identifié des créneaux de livraison en mai qui vont permettre aux provinces de planifier avec un peu plus d’assurance leur campagne et les rendez-vous. Et si ça bouge plus tôt que prévu, on sera en mesure de faire les ajustements nécessaires. Mais pour l’instant, je pense que nous avons une approche très prudente avec les provinces avec un délai d’un peu plus d’une semaine », a-t-il indiqué.

Dans l’intervalle, le vaccin de Pfizer-BioNTech continue d’être livré à un rythme prévisible à raison d’environ 1 million de doses par semaine d’ici la fin mai. En juin, l’entreprise prévoit remettre 2 millions de doses par semaine aux autorités canadiennes.

« Les provinces demandent plus de prévisibilité. Nous travaillons très fort pour leur donner le plus de clarté possible pour qu’elles soient en mesure d’accélérer leur campagne de vaccination. »

Retards décriés à la Chambre des communes

Jusqu’ici, le Canada a reçu 12,7 millions de doses des vaccins de Pfizer, de Moderna et d’AstraZeneca. Le gouvernement Trudeau a affirmé que l’on doit recevoir en tout 44 millions de doses d’ici la fin juin.

Aux Communes, le Parti conservateur a affirmé que les retards dans la livraison des doses du vaccin de Moderna forceront les provinces comme le Québec et l’Ontario à imposer des mesures de restriction plus longtemps.

« La livraison de 1,2 million de doses de Moderna qui devait arriver la semaine prochaine est repoussée au début du mois de mai. Mercredi, le premier ministre disait qu’il pourrait y avoir certains retards de quelques jours, mais là, on parle de semaines », s’est indigné le député conservateur Pierre Paul-Hus.

« Le Québec est revenu à des mesures de confinement et l’Ontario doit fermer des cliniques de vaccination, faute de vaccins. »

— Pierre Paul-Hus, député conservateur

La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Anita Anand, a défendu le bilan du gouvernement, rappelant avoir réussi à devancer les livraisons des vaccins d’autres fabricants.

« Nous continuerons à gérer nos chaînes d’approvisionnement pour les vaccins anti-COVID-19, tout en accélérant les livraisons de vaccins approuvés. À l’heure actuelle, 12,7 millions de doses ont déjà été livrées au Canada. Et des millions de doses supplémentaires s’en viennent. Nous avons pu devancer la livraison de 22 millions de doses d’un trimestre. Nous allons continuer de travailler pour que les vaccins soient acheminés aux provinces », a dit la ministre.

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