Théâtre

Mise en scène magistrale

Don Juan revient de la guerre
Texte : Ödön von Horváth
Traduction : Hélène Mauler et René Zahnd
Mise en scène : Florent Siaud
Au Prospero jusqu’au 25 mars
Trois étoiles et demie

Don Juan revient de la guerre est une production magistrale menée de main de maître par Florent Siaud. Et ce, malgré un texte manquant de relief.

Le don Juan d’Ödön von Horváth est un homme blessé. À la fin de la Première Guerre mondiale, il cherche sa fiancée en vain. Il reprendra peu à peu de sa superbe, retrouvant ainsi son attitude de séducteur impénitent, voire méprisant. 

Les femmes lui font des mamours, puis lui tournent le dos. Elles ont changé, le monde a changé, mais pas lui. Il n’y comprend rien. Et ce sera sa perte.

La parole de von Horváth est élégante, mais séparée ainsi en 24 tableaux, elle ne s’inscrit pas dans une ligne dramatique forte. Heureusement, la mise en scène et l’interprétation amènent ce spectacle à un autre niveau. 

Parfois, on se rapproche d’un symbolisme à la Maeterlinck, qu’accentuent certains traits de la mise en scène – répétition de certaines mimiques et gestuelles notamment –, mais Florent Siaud connaît aussi son Brecht, jeu distancié, et son Grotowski, jeu organique – sur le bout des doigts.

Il en fait sa propre coction pour rehausser l’intérêt d’un texte, qui reste assez plat, en y ajoutant des touches comiques, par exemple. Ödön von Horváth parle d’un monde qui achève, celui d’hommes sexistes dominants, sans laisser entrevoir celui qui pourrait lui succéder. En ce sens, sa dialectique a perdu de son intérêt de nos jours.

On peut justement penser à Donald Trump et à son cirque. Déprimant, certes. D’autant que ce récit désespéré, qui dénonce le donjuanisme, ne voit cependant pas les femmes autrement qu’en victimes. 

Malgré une mise en scène fortissimo, on en vient ainsi à ressentir la froideur de l’ensemble. Comme ce don Juan détestable à souhait qu’interprète un Maxim Gaudette presque effrayant d’arrogance. 

Chapeau aux actrices

Florent Siaud est également ce merveilleux directeur d’acteurs, faut-il rappeler. Il a amené Sophie Cadieux au sublime dans 4.48 psychose l’an dernier. 

Ici, il va chercher chez chacune des femmes de la distribution des traits qui, amplifiés, décrivent à la fois la douleur, la fébrilité et la subtilité de leur personnage. Chapeau notamment aux deux Evelyne, Rompré et de la Chenelière. 

Tout le reste, de la conception sonore aux costumes, en passant par la scénographie et les éclairages, contribuent aussi à un tableau d’ensemble fort impressionnant dans la main d’un chef d’orchestre inspiré. 

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