Témoignage

Montréal, je te quitte

Pour représenter la réalité, il faudrait ajouter une expression d’église aux trois-quatre mots. Aussi, notez que le texte a été entamé avant la crise de la COVID-19 et modifié légèrement pendant.

J’ai été propriétaire d’un immeuble à Montréal dans un quartier central pendant 21 ans. J’y ai habité pendant les 12 premières années. Dès le début, je savais que notre relation était étrange. S’il me prenait l’idée d’aller au restaurant ou au cinéma, je tournais en rond pour trouver un stationnement pendant aussi longtemps que le temps de m’y rendre. Sans parler du stationnement à prix exorbitant. Donc, j’avais pris habitude depuis longtemps d’aller en banlieue. Sans trafic, stationnement gratuit, en prenant à peine quelques minutes de plus que d’aller au centre-ville, souvent moins.

L’état du réseau routier à Montréal est en constante détérioration. J’ai lu et suivi de près tout ce qui se dit et s’écrit sur le sujet depuis des années. Il appert que nous sommes en rattrapage, que ça va mieux. Mais pour l’utilisateur moyen, ce n’est juste pas la réalité. C’est complètement en décrépitude. Pour n’importe qui ayant déjà voyagé et comparé, c’est un désastre. Honteux. Et particulièrement dans mon quartier. J’invite n’importe qui à aller faire le tour du quartier en voiture.

On a juste l’impression que notre voiture tombe en ruine tellement il y a des trous partout. Nous sommes les rois des « patchs ». J’ai des amis américains qui sont venus me visiter récemment. J’avais honte. Littéralement.

Donc, depuis 10 ans, j’habite maintenant la banlieue nord de Montréal sans jamais avoir regretté mon choix. Par contre, j’allais régulièrement en ville pour faire l’entretien de mon immeuble et, plus récemment, j’ai eu à y faire des travaux plus importants. J’ai pris la décision de vendre par un beau matin en m’y rendant. Ça m’a pris plus de temps faire les deux derniers kilomètres que les 25 premiers pour me rendre en ville. Ridicule.

J’espère que les grands spécialistes ne se demandent pas réellement pourquoi les gens quittent la ville, l’exode des jeunes familles. Parce que c’est déplaisant. On ne peut stationner, l’état des rues est alarmant, les services ne cessent de se détériorer et le taux de taxation est exorbitant (j’ai payé plus de 100 000 $ en taxes municipales au fil des ans à ma chère ville). Voilà pourquoi.

Alors, plusieurs décident de quitter la ville en sachant très bien qu’ils augmenteront leur budget de voiture et d’essence. Mais ils partent quand même.

Les transports en commun. Allez jeter un œil sur les quais des trains de banlieue le matin. Les usagers ne sont pas satisfaits. Sans compter les grands travaux pour le REM, qui augmentera les délais de déplacement de 40 à 50 minutes et même plus pour certains tronçons. Et pensez-vous que ce sera plus plaisant du côté de la Rive-Sud, avec la fermeture partielle du tunnel qui arrive à grands pas et qui perdurera pendant minimum trois ou quatre ans ?

Dans les semaines avant de vendre, j’ai endommagé ma voiture. Un nid-de-poule. Pas la fin du monde. Environ 600 $. Suffisamment pour me conforter dans mon choix.

C’est assez en ce qui me concerne. C’est vendu et je suis bien content. Soulagé, même. Et, en toute vérité, je ne vois pas le jour ou l’évènement qui fera en sorte que j’y retournerai. Au mieux, une occasion annuelle. Je reste chez moi en banlieue.

Amusez-vous en ville, les malades !

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