Les médecins sur twitter, un service essentiel ?

Avec la crise du coronavirus, ils sont devenus LES personnes de référence à suivre sur Twitter. Non seulement les médecins échangent des études entre eux, mais ils répondent à des questions du public et vulgarisent certaines informations qui circulent. « Je vais autant chercher de l’information que j’essaie d’en apporter », résume le Dr Alain Vadeboncoeur.

« Twitter est le médium idéal en situation de crise, lance le Dr Alain Vadeboncoeur. C’est un outil très efficace. »

« On peut échanger, diffuser de l’information et avoir des réponses rapides à nos questions. Je vais même chercher beaucoup de données médicales sur Twitter », souligne le chef du département de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal.

Plus de 31 000 personnes suivent le Dr Vadeboncoeur. C’est beaucoup plus que certaines vedettes.

L’urgentologue est très actif sur Twitter, encore davantage depuis le début de la crise du coronavirus. Il fait partager son expertise et il clarifie certaines informations qui circulaient dans l’actualité. Il y a quelques semaines, il a fait savoir que le « stockage massif » de matériel de protection médicale était inutile, car il y a une date de péremption. Il a expliqué pourquoi la réanimation des patients en CHLSD atteints de la COVID-19 était rarement justifiée.

Le collaborateur au magazine L’actualité a retweeté des articles éclairants sur le déconfinement, mais aussi des messages d’intérêt public de collègues québécois et étrangers. Notamment de la pédiatre, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste Caroline Quach-Tranh du CHU Sainte-Justine et de l’urgentologue Jeremy Faust, qui enseigne à l’Université Harvard.

« J’ai plusieurs rôles », dit le Dr Vadeboncoeur. Celui d’un vulgarisateur scientifique. Et celui d’un « médecin sur le terrain ».

Point important, souligne-t-il : « Je vais autant chercher de l’information que j’essaie d’en apporter. »

« Mes collègues me nourrissent quotidiennement », fait-il valoir.

Le visage « humain » des médecins

Francine Charest, directrice générale de l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques de l’Université Laval, souligne qu’au-delà du « rôle d’information important » qu’ils jouent, les médecins se servent aussi de Twitter pour lever le voile sur la partie plus émotive de leur travail.

« On découvre un visage plus humain des médecins. »

Au début du mois, le Dr Michaël Chassé, spécialiste en soins intensifs au CHUM, écrivait dans un tweet à quel point il avait été difficile d’annoncer au téléphone une première mort causée par la COVID-19. La Dre Guylaine Larose, pédiatre et urgentiste à l’hôpital Sainte-Justine, écrivait : « Ma mère est hospitalisée. Je ne serai autorisée à la voir que s’il y a mort imminente. »

Dans un autre message, la Dre Larose a remercié « les nombreuses personnes inconnues » qui lui ont transmis « des mots soutenants ». « J’avais besoin d’un câlin collectif. Ma mère semble aller mieux », a-t-elle écrit.

« Non seulement ils nous informent sur Twitter, mais les médecins nous sensibilisent à tout ce qu’ils font dans leur pratique, note Francine Charest. On peut sentir qu’ils ont des nœuds dans le ventre quand ils vont travailler. »

Un discours positif

Mélanie Millette, professeure au département de communication sociale et publique à l’UQAM, se réjouit de voir que les interventions des médecins contribuent à quelque chose de « positif » et de « porteur pour la société » sur Twitter. Dans le flot d’opinions qui y circulent, ils apportent aux utilisateurs un contenu de qualité ou des témoignages qui contrastent avec les « fake news » et les « discours conspirationnistes ».

« Les professionnels de la santé ont beaucoup de visibilité et d’attention en ce moment. Ces personnes s’expriment avec un point de vue d’expert, souligne-t-elle. Leur discours est informé et part du terrain. »

Des médecins se font aussi « les avocats du diable » et ils apportent une contre-argumentation aux décisions du gouvernement, observe-t-elle. « Et je trouve que cela fait partie d’un débat sain. »

Sur Twitter, les médecins peuvent choisir « chacun de leurs mots », souligne Mme Millette. Ils ne peuvent donc pas être mal cités. « Ce qui est propre aux réseaux sociaux, c’est d’abattre le filtre éditorial. »

Le médecin accessible

Le Dr Vadeboncoeur a toujours voulu être un médecin « accessible ». Il est par ailleurs en vedette dans la vidéo du gouvernement dévoilée vendredi dernier sur le bon usage du masque ou du couvre-visage.

Avec la crise du coronavirus, est-ce que Twitter prend trop de son temps ?

« Comme je travaille souvent à l’ordinateur, cela s’immisce dans mes tâches. Je n’ai pas l’impression que j’y consacre tant de temps. »

— Le Dr Alain Vadeboncoeur

Il y a quelques semaines, le Dr Alain Vadeboncoeur a néanmoins enlevé la fonctionnalité faisant en sorte que quiconque pouvait lui faire parvenir un message privé. « C’était des questions trop précises sur des sujets trop personnels. C’était un peu trop envahissant. »

« Mais quand les gens m’écrivent des questions sérieuses en réaction à ce que je mets en ligne, je leur réponds. Je fais beaucoup d’interventions publiques donc cela me nourrit, souligne le collaborateur à L’actualité. Cela me nourrit sur ce que les gens veulent savoir. Cela défie mes positions et m’apporte des arguments. C’est constructif et enrichissant. »

Sur Twitter, Alain Vadeboncoeur se permet parfois « de détendre l’atmosphère », mais aussi certains « coups de gueule ». Parfois, il ne mâche pas ses mots. « Pour qui souhaite un monde sans vaccins, voici un monde où manque un seul vaccin », a-t-il tweeté.

Tout est une question de « rester professionnel », dit le Dr Vadeboncoeur, qui a par ailleurs donné des conférences sur la déontologie à adopter sur les réseaux sociaux avec Olivier Bernard (« le Pharmachien »), à l’invitation de différents ordres professionnels.

Participer à la vie sociale

Le Dr Gaétan Barrette se sert beaucoup de Twitter, à la fois comme médecin et comme député libéral et politicien dans l’opposition. Depuis le début de la crise, il a mis la partisanerie de côté, ont souligné plusieurs journalistes. Or, « il faut faire attention » et ne pas être trop « utopiste », souligne Mélanie Millette.

Le Dr Barrette a tout de même des intérêts à défendre. « Il retweete des textes qui expriment des choses qu’il n’aurait pas dites lui-même, remarque la professeure de communication. C’est une forme d’endossement. »

De son côté, le Dr Alain Vadeboncoeur reste à distance de « la politique partisane ». Question de crédibilité. Mais il aime participer à la vie politique au sens de l’organisation de la vie sociale.

« La dernière fois que j’avais été aussi actif sur Twitter, c’était pendant la crise étudiante, souligne le Dr Vadeboncoeur. Twitter est très différent de Facebook. J’aime utiliser Twitter quand il y a des évènements avec beaucoup d’interactions sociales. Pendant des élections, notamment. »

« C’est enrichissant », conclut-il.

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