Action collective autorisée contre 13 sites de réservation d’hébergement

C’est assez frustrant, lors d’une recherche en ligne, de tomber sur un hôtel parfait… avant de réaliser que la facture sera beaucoup plus élevée qu’annoncé au départ.

Pas moins de 13 sites web de réservation d’hébergement qui auraient « illégalement » affiché « des prix décomposés et inférieurs au prix ultimement exigé » devront s’en défendre en cour. Ils sont visés par une action collective que la Cour supérieure a autorisée lundi.

Les sites en question louent des chambres d’hôtel ainsi que des propriétés privées un peu partout dans le monde. Il s’agit de Priceline, Hotwire, Homeaway (maintenant Vrbo), Accor, Bedandbreakfast.eu, Canadastays (maintenant Vrbo), Hilton, Six Continents Hotels, Orbitz, Hyatt, Wyndham, Kayak et Benjamin & Brothers (site reservations.com).

Selon le cabinet Trudel Johnston & Lespérance, qui pilote le dossier en collaboration avec Grenier Verbauwhede Avocats, ces entreprises « violent de manière systématique et en toute connaissance de cause la Loi sur la protection du consommateur (LPC) » en ne précisant pas d’entrée de jeu le montant total qui sera facturé au client.

Cette façon de faire, plaide le cabinet, contrevient à l’article 224 de la LPC. Celui-ci précise notamment qu’une entreprise ne peut exiger un prix supérieur à celui annoncé et que le prix annoncé doit tout inclure sauf les taxes de vente.

Souvent, les frais ajoutés à la fin du processus de réservation ne sont pas détaillés, souligne l’un des avocats au dossier, Mathieu Charest-Beaudry. Mais on sait qu’il en existe une quinzaine, dont les « Resort fee », « Booking fee », « Resident fee », « Daily Destination fee » et les « frais hôteliers ».

L’article 224 est aussi à l’origine de l’action collective autorisée en novembre contre U-Haul, dont les camions affichent un prix de location de « 19,95 $ en ville, plus km/frais ».

Il est également au cœur de deux récentes demandes d’action collective visant 157 concessionnaires automobiles. Les avocats au dossier ont dénombré pas moins de 13 types de frais ajoutés aux factures finales.

***

La demande d’autorisation contre les 13 sites de réservation d’hébergement comprend plusieurs exemples de prix finaux supérieurs au prix annoncé. Par exemple, un séjour de trois nuits à New York trouvé sur Hotwire s’est avéré 39 % plus cher qu’annoncé. La facture aurait dû être de 714 $ US plus taxes (3 nuits à 238 $ chacune), mais elle a plutôt grimpé à 993,75 $ US, écrit Trudel Johnston & Lespérance. L’écart de 279,79 $ constaté à la fin du processus de réservation inclut les taxes, mais aussi divers frais.

C’est exactement le type de mauvaise surprise qu’a eue le représentant Chakif Mihoubi, courtier immobilier de la région de Laval, lors de réservations sur le site Priceline. Il souhaite mettre fin « à ce fléau » dans l’industrie de l’hébergement, précise l’action judiciaire. Il réclame aussi un dédommagement équivalent au montant dépassant le prix annoncé et l’imposition de dommages punitifs.

Les sites Vrbo.com and Orbitz ont déjà modifié leur façon d’afficher les prix. Ils s’exposent néanmoins à des dommages punitifs.

On ne sait pas combien de Québécois sont concernés, mais ils devraient se compter par centaines de milliers.

Les sites Expedia.ca, Hotels.com et Travelscape.ca ne sont pas visés, car ils sont déjà montrés du doigt dans une autre action collective autorisée en 2019 relativement à des frais ajoutés au prix final. Le procès se tiendra en juin 2023 au palais de justice de Montréal, précise le cabinet d’avocats Kugler Kandestin.

***

C’est en 2010 que Québec a ajouté un paragraphe dans la LPC forçant l’affichage de prix « tout inclus ». Le législateur voulait ainsi s’assurer que le consommateur puisse facilement comparer deux offres pour prendre une décision éclairée.

Il me semble plutôt simple de s’y conformer, mais dans la pratique, même après 12 ans, cette obligation demeure régulièrement débattue devant les tribunaux dans le cadre d’actions collectives, notamment. C’est sans compter les poursuites pénales entamées par l’Office de la protection du consommateur. En 2021 encore, une poignée de concessionnaires auto ont plaidé coupable d’avoir enfreint l’article 224.

Doit-on en conclure qu’il irrite particulièrement les entreprises ?

« Il y a beaucoup de compagnies étrangères qui exploitent des sites web et qui font des affaires partout dans le monde, et qui ne se conforment pas aux réglementations de chaque [État et territoire], répond MCharest-Beaudry. On ne voit pas beaucoup de recours [sur l’article 224] contre des entreprises québécoises. »

D’ailleurs, une enquête menée au Royaume-Uni par l’équivalent de notre Bureau de la concurrence a mis en lumière les stratégies de vente discutables des sites de réservation d’hôtels en ligne comme Expedia, Trivago et Hotels.com. Les « frais cachés » faisaient partie des pratiques « préoccupantes et généralisées » qui ont été relevées et corrigées volontairement.

Comme quoi les grands acteurs internationaux de l’industrie savent depuis quelques années déjà que leur façon d’afficher les prix ne protège pas adéquatement les consommateurs.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.