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Le sapin géant est bon pour l’ego des Montréalais : chaque citoyen trouve que le sien est plus beau.

OPINION

La solidarité sociale, obstacle majeur à l’emploi ?

Dans le cadre de la Consultation publique québécoise solidarité et inclusion sociale tenue au début de l’année, l’Association pour l’intégration sociale de la région de Québec (AISQ) a déposé un mémoire. L’AISQ est un organisme communautaire de défense des droits des personnes vivant avec une déficience intellectuelle.

L’une des orientations proposées dans le document de consultation touche l’accès à l’emploi. Les personnes ayant des limitations d’activité, handicapées à des degrés divers, représentent une grande partie des individus à faible revenu.

Ce sont souvent ceux qui ne détiennent aucun revenu d’emploi, que les économistes désignent comme les « inactifs » sur le marché du travail. Dans la fourchette des 18 à 65 ans, environ 136 000 personnes sont bénéficiaires du Programme de solidarité sociale (PSS) du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS).

Il s’agit de personnes qui répondent à la définition de « contraintes sévères à l’emploi », telle que précisée dans la loi elle-même. Par ailleurs, les prestataires du Programme d’aide sociale (PAS), le deuxième volet de l’aide de « dernier recours », reçoivent une allocation mensuelle de base substantiellement plus faible, car ils (elles) sont considérés comme « aptes au travail ».

Pour favoriser l’accès à l’emploi et valoriser le travail, nous nous sommes inspirés des données de l’étude socioéconomique Analyse de réformes au programme de solidarité sociale du Québec, une étude lancée par l’AISQ et qui a été l’objet du mémoire de maîtrise en économique de Nathaniel Bérubé-Mimeault au département d’économique de l’Université Laval, sous la direction de Jean-Yves Duclos.

Le Programme de solidarité sociale du Québec constitue, paradoxalement, le principal obstacle à l’intégration au marché du travail pour ses bénéficiaires.

Fondés sur une logique sinon une idéologie du « dernier recours », les bénéfices du PSS fondent comme neige au soleil dès qu’un revenu de travail dépasse le seuil de 100 $ par mois. Cette réalité fait appel au concept du taux marginal effectif d’imposition (TMEI), c’est-à-dire le pourcentage du revenu de travail (encore appelé revenu de marché) qui est amputé par le retrait des bénéfices du programme. Ce taux est de l’ordre de 80 %, frôle parfois le 100 %, pour une personne seule avec des « contraintes sévères à l’emploi ». Ce traitement parafiscal, responsable d’un taux marginal effectif d’imposition très élevé, est dissuasif pour la participation au marché du travail.

Ce phénomène, bien connu des économistes, participe de ce qui est décrit comme « le piège ou la trappe de la pauvreté », au sens où la personne qui travaille à temps partiel ou en occupant un emploi relativement précaire au salaire minimum recueille très peu les fruits de ses efforts. En 2016, la prestation de base pour un adulte seul est de 947 $ par mois ou 11 364 $ par année, un revenu disponible largement inférieur aux différentes mesures du seuil de pauvreté.

Il ne s’agit pas ici de bonifier le montant des prestations de solidarité sociale, mais d’inciter les prestataires à intégrer le marché du travail en créant des conditions gagnantes.

Ces propositions répondent aux besoins d’un grand nombre des prestataires du programme et aux capacités inutilisées d’un capital humain dont la participation active au marché du travail constitue l’objectif des changements souhaités. Pour une population déjà marginalisée et économiquement défavorisée, le lien social qu’assure le travail constitue souvent le ciment de leur intégration sociale.

En ce qui concerne les personnes déficientes intellectuelles prestataires du PSS, elles sont souvent en partie dépendantes de leurs parents ou de proches pour les activités de la vie quotidienne et domestique. Il est fréquent que ces aidants naturels quittent le marché du travail ou occupent un emploi à temps partiel afin d’accompagner leur fils ou leur fille qui ne possède pas sa pleine autonomie. Si le travail est un puissant facteur d’inclusion sociale, il favorise aussi l’estime de soi et la participation à la vie économique de la communauté tout en procurant du répit aux proches, souvent les parents.

Quelques amendements à la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles permettraient de réaliser rapidement les changements nécessaires en franchissant un premier pas, modeste certes, vers l’intégration de la sécurité du revenu et de la fiscalité. Ces propositions ciblent une population particulièrement vulnérable.

Les effets de ces propositions d’une réforme du PSS sur les finances publiques du Québec seraient très modestes. Elles pourraient être de l’ordre de 38 à 50 millions par année en coûts supplémentaires si environ 5 % des prestataires du PSS participaient de façon significative au marché du travail. Selon l’un des scénarios proposés, le gouvernement du Québec bénéficierait même d’un gain de 13 millions si 10 % des prestataires (de 13 000 à 14 000 personnes) participaient au marché du travail.

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