Itinérance en hiver

Où sont les haltes chaleur ?

L'auteure s'adresse au premier ministre François Legault, au ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, et à la mairesse de Montréal, Valérie Plante

Depuis trop d’années que les mesures d’urgence hivernales sont défaillantes et rien ne s’améliore. Au contraire, nous sommes confrontés à une diminution de ressources adaptées en itinérance, telles que celles qui répondent aux besoins des personnes qui n’ont pas recours aux refuges comme les haltes chaleur. Les haltes chaleur sont un lieu à haut seuil de tolérance, où les personnes peuvent entrer et sortir à leur guise, un endroit où elles peuvent boire un café ou se réchauffer et s’y référer en cas de besoin. Nous avons dû déplacer des montagnes pour avoir accès à ce type de ressource 24/7 à Montréal et, d’un coup de dés, les décideurs les réduisent considérablement en ignorant à quels besoins criants cela peut répondre. C’est inquiétant !

Nous sommes conscients qu’il faut cesser de penser les ressources selon les saisons. Cependant, en ce moment, les ressources offertes n’auront pas les reins assez solides pour répondre à la demande des personnes en situation d’itinérance cet hiver.

Le CIUSS et la Ville de Montréal sont d’avis que 1600 lits en refuge sont suffisants. Par contre, nous savons tous que les besoins ne se réduisent pas à un seul lit et que la réalité est que ces lits ne sont pas accessibles pour l’ensemble de la population itinérante.

Les refuges génèrent des exclusions et beaucoup de personnes ne peuvent pas y avoir accès. Sur les 1600 places que l’on considère comme permanentes, les lits d’urgence se font rares car la majorité sont destinés aux personnes en démarche pour intégrer un logement.

Bien que ce type d’accompagnement, qu’on appelle transitoire, soit nécessaire, la crise du logement rend la recherche longue et fastidieuse, et les critères associés aux subventions au loyer (PSL) sont tellement nombreux et mal adaptés aux réalités des personnes en situation d’itinérance que leurs séjours en refuge s’étirent sur plusieurs mois, voire parfois plus d’une année. Par conséquent, un lit libre n’est pas nécessairement une place disponible en raison des nombreuses contraintes d’accessibilité auxquelles les personnes en situation d’itinérance doivent faire face.

Dans les faits, les ressources en hébergement actuelles ne sont pas adaptées à l’ensemble des personnes en situation d’itinérance, ce qui amène plusieurs d’entre elles à habiter dans la rue. Toutefois, ces personnes continuent d’être exclues en étant criminalisées ou évincées des espaces publics, et en voyant leur campement démantelé. Cette année, de plus, elles devront composer avec un système qui semble les laisser derrière, en réduisant les ressources adaptées à leur réalité comme les haltes chaleur. Seules quelques places arriveront à être offertes de manière précaire en raison du manque de financement récurrent et de locaux nécessaires pour ce type de ressource.

Le CIUSS ainsi que la Ville de Montréal ont une grande part de responsabilité dans la mise en place des mesures en itinérance et, cette année, leurs décisions concernant le plan d’urgence hivernal doivent être remises en question. L'inaction est une action en soi qui met à risque la vie des personnes qui se voient exclues des refuges ou qui n’y ont pas recours pour des raisons légitimes.

Les morts n’arrivent pas seulement quand il fait -40 oC. Il est crucial, à l’heure où on se parle, d’agir rapidement pour sauver des vies.

Quand vous tardez ainsi, vous augmentez non seulement la détresse de ces personnes, mais aussi les risques de mortalité.

Nous avons la responsabilité en tant que société d’offrir une vie décente à l’ensemble de la population itinérante, y compris celle qui n’a pas recours aux refuges. Pour ce faire, il faut que les décideurs soutiennent mieux le réseau communautaire, car il est en train de craquer, qu’ils rendent disponibles plus de ressources adaptées telles que des haltes, été comme hiver, et qu’ils cessent les démantèlements, car les personnes qui habitent dans la rue ont aussi besoin d’une stabilité comme tout autre être humain, et ce, sur une étendue municipale, mais aussi nationale.

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