Opinion

Les bébés de 2021

Les photos des premiers bébés de l’année sont empreintes de bonheur. Mais en 2021, difficile de ne pas avoir un pincement au cœur. Quelles traces de la crise garderont ces bébés ?

L’arrivée d’un enfant est un événement hautement significatif dans la vie des parents. La grossesse, l’accouchement et la nouvelle vie avec bébé exigent des facultés d’adaptation et un investissement d’énergie considérables. Dans l’environnement hostile que nous connaissons et en l’absence des proches, cette fragilité est exacerbée.

Sans surprise, les parents ne sont pas tous égaux pour affronter cette adversité. Si plusieurs parviennent à protéger leur bébé de leurs angoisses et à compenser les câlins que les proches ne peuvent pas offrir, de nombreux parents sont en mode survie : ceux qui étaient déjà dans une situation précaire, qui souffrent d’isolement, qui vivent une séparation, qui ont recours aux banques alimentaires…

Dans de telles conditions, le bébé est plus à risque de voir son développement compromis.

L’épigénétique nous enseigne que le stress vécu durant la grossesse a une influence défavorable sur l’expression des gènes plus tard dans la vie. De plus, le spectre de la maltraitance plane puisque l’isolement, la pauvreté et le stress en sont des facteurs de risque.

Or, des parents isolés, angoissés et démunis de multiples façons se terrent et hésitent à demander de l’aide.

Une première analyse présente une possible baisse du tiers des femmes en suivis Olo en octobre par rapport à février dernier. Le Réseau des Centres de ressources périnatales du Québec (RCRPQ) observe aussi une baisse de la participation, laquelle est plus marquée chez les femmes vivant une situation plus précaire. Ce serait en partie parce que le référencement entre les milieux communautaires et de la santé est altéré.

Ainsi, malgré des besoins plus répandus et plus profonds, des freins importants empêchent des femmes enceintes d’aller chercher les services dont elles et leurs bébés pourraient bénéficier. En affirmant que l’utilisation des services est inférieure aux besoins, nous rejoignons les directrices de l’Observatoire des tout-petits, de la Fédération québécoise des organismes communautaires famille et de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.

Avant la pandémie, le RCRPQ et la Fondation Olo étaient engagés à accroître les ressources. Estimant que deux femmes enceintes admissibles sur trois bénéficiaient du suivi Olo, la Fondation réclamait un réinvestissement pour accroître le nombre d’intervenantes Olo dans le réseau.

Quant au RCRPQ, déjà présent dans 12 régions, il multipliait les actions pour ouvrir plus de points de services et mieux répondre aux besoins des femmes de toutes les régions du Québec.

Heureusement, certains décideurs ont compris que l’avenir des tout-petits commence dès la grossesse. Nos organisations tiennent à souligner que les réinvestissements faits dans les 15 derniers mois sont des premiers pas dans la bonne direction. Dès 2019, Mme Régine Laurent nous invitait collectivement à construire un cercle de bienveillance.

Plus que jamais, poursuivons dans la voie de la prévention. Les bébés de la pandémie, plus que les autres, auront besoin de cette protection.

Nos organisations ne sont pas en reste. Chacune tâchera de répondre à des besoins plus nombreux et plus profonds. Ça signifie de s’attaquer à des enjeux récurrents d’accessibilité et de qualité des services tout en s’adaptant à une réalité changeante. Ça suppose de porter notre regard sur les bébés invisibles : ceux que l’angoisse de la mère isole et prive de l’effet protecteur d’un accompagnement. Amenons ces femmes courageuses, mais vulnérables, à cogner à nos portes et à tisser avec une intervenante un lien de confiance salvateur.

Ensemble, pour les bébés à naître, faisons de 2021 l’année de la prévention et de la bienveillance.

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