Encore un casse-tête

Pour le deuxième printemps de suite, Marc Bergevin se retrouve dans une bien drôle de position

En 2019, le Canadien avait lutté pour une place en séries éliminatoires jusqu’à la fin et en avait été exclu à la veille de son 82e match.

Résultat : l’équipe avait la pire position possible à la loterie du repêchage et s’est retrouvée avec le 15e choix. C’était le pire des deux mondes : pas de séries et un premier choix relativement tardif.

Cette année, le Canadien n’allait pas se battre jusqu’à la fin. Après 71 matchs, les séries étaient déjà hors de portée. Il était donc logique d’échanger les joueurs en fin de contrat Ilya Kovalchuk, Nick Cousins, Nate Thompson et Marco Scandella, ce qu’a fait Marc Bergevin. La fin de saison s’annonçait pénible, mais les chances d’obtenir un des trois premiers choix auraient été meilleures que l’an dernier.

Au bout du compte, avec les paramètres annoncés mardi par la LNH, le Tricolore aura la chance de poursuivre sa saison, à l’occasion d’une série trois de cinq contre les Penguins de Pittsburgh, dans la phase de qualification qui précédera les « vraies » séries.

Montréal le fera toutefois sans quatre vétérans qui rendaient de fiers services. Et avec des chances moindres d’améliorer son sort au repêchage.

La loterie

« C’est un peu compliqué et je m’en excuse. »

C’est ainsi que Gary Bettman nous a prévenus avant d’amorcer son explication de la loterie, et il ne mentait pas. Tentons d’y voir clair.

Cette loterie pourrait avoir lieu en deux temps. Le 26 juin, un premier tirage sera tenu. Il impliquera les sept équipes exclues des séries (positions 31 à 25 au classement général). Or, en temps normal, les 15 équipes qui ratent les séries ont leur chance à cette loterie. Pour arriver à un tirage équivalent, huit équipes « fictives » (équipe A, équipe B, ainsi de suite jusqu’à H) seront dans la loterie. Ces huit « équipes » deviendront concrètement celles qui seront éliminées lors de la phase de qualification.

Scénario le plus simple : les trois premiers choix reviennent aux sept équipes exclues des séries. Dans ce cas, il n’y aurait pas de phase 2 à la loterie.

Scénario plus complexe : une ou plusieurs équipes « fictives » gagnent une des trois premières combinaisons. Il y aurait une phase 2 de la loterie, qui aurait lieu après la ronde de qualification. Les huit équipes éliminées en qualification auront alors des chances égales (12,5 % chacune) de gagner le ou les choix à l’enjeu.

Et c’est là que, si on considère que Pittsburgh a de bonnes chances de triompher, ça devient damnant pour le Canadien, qui était 24e au classement général au moment de l’interruption des activités. Dans cette position, le rang le plus probable du CH au repêchage était le 8e.

« Le problème, c’est que le Canadien avait la meilleure position parmi les équipes [24 à 17] », souligne Christian Léger, professeur titulaire de statistiques au département de mathématiques et statistique de l’Université de Montréal.

« Sous l’ancienne distribution, Montréal avait 6 % de chances d’obtenir le premier choix. Aujourd’hui, les chances que le Canadien ait ce choix sont de 3,06 %. Il y a une perte pour le deuxième et le troisième choix aussi. »

— Christian Léger, professeur au département de mathématiques et statistique de l’Université de Montréal

Pour le deuxième choix, les chances du CH passent de 6,3 % à 3,29 %. Pour le troisième : de 6,7 % à 3,56 %. Grosso modo, c’est la moitié des chances du gros lot que le Canadien perd. De petits pourcentages, certes. Mais de l’autre côté du spectre, les pourcentages sont tout aussi petits que le Tricolore profite de cette chance de prolonger sa saison pour faire un long parcours en séries.

Des scénarios fous

Sur papier, les chances du Canadien de surprendre les Penguins sont minces. Mais l’ordre des évènements viendra ajouter de l’intrigue.

C’est que la loterie aura lieu avant la reprise des activités. Or, même si le système annoncé mardi réduit les chances du Canadien d’y améliorer son sort, il ne les réduit pas à 0 pour autant. Il y aura 24,5 % des chances que le premier choix aille à une des huit équipes qui seront défaites en ronde de qualification. Ces 24,5 % étant répartis de façon égale entre huit équipes, on arrive au 3,06 % susmentionné.

De leur côté, les Penguins étaient virtuellement assurés de participer aux séries, avant le début de la pandémie. Donc de n’avoir aucune chance à la loterie. Dans leur cas, les chances d’un premier choix passent donc de 0 à 3 %, si Montréal devait l’emporter.

« Ce sera une série de trois de cinq. Mathématiquement, il y a plus de chances qu’il y ait une surprise, puisque la série est plus courte, rappelle Christian Léger. Ensuite, est-ce que ce sera vraiment une surprise dans le contexte particulier actuel ? L’équipe favorite le sera-t-elle toujours trois mois plus tard ? »

Vous imaginez les Penguins qui ajoutent Alexis Lafrenière à leur groupe déjà pas trop vilain d’attaquants d’élite ? Dans l’Ouest, les Oilers d’Edmonton vivent la même situation que les Penguins. Que dire d’un trio Draisaitl-McDavid-Lafrenière ?

On pourrait continuer longtemps ainsi…

Le cas Romanov

Pendant qu’on essayait tous de se retrouver dans le complexe système de la loterie, Bill Daly a laissé tomber un autre bout d’information qui touchera directement le Canadien.

Le commissaire adjoint a été interrogé sur les joueurs qui évoluaient en Europe cette saison et qui souhaitent faire le saut dans la LNH. La question venait d’un collègue de New York, où les Islanders attendent avec impatience le gardien Ilya Sorokin.

Mais elle valait aussi pour le Canadien, qui a une entente de principe avec le défenseur Alexander Romanov. Le joueur et l’équipe souhaitaient profiter de la pause des activités pour faire entrer en vigueur le contrat dès la présente saison.

Or, Daly n’a pas semblé très enthousiaste face à ce scénario. « Il faudra régler ça avec l’Association des joueurs, comme d’autres questions de contrat. Mais notre position est qu’aucune équipe ne peut signer de nouveaux contrats pour la saison en cours. Ce serait injuste de laisser participer ces joueurs au reste de la saison. Les équipes avaient préparé leurs formations en vue des séries. »

On ne parlera pas ici d’une jambette faite au Canadien ; sans la COVID-19, il aurait fallu attendre à octobre prochain avant de voir à l’œuvre Romanov. Seulement, le jeune homme a vu sa saison prendre fin en mars, et pourrait ne pas jouer avant, au mieux, novembre, voire janvier. Pas le scénario idéal pour un jeune homme de 20 ans.

Cela dit, en ces temps de pandémie, le scénario idéal n’existe pas, au hockey comme ailleurs.

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