Lionel Messi débarque à Montréal

« Tu veux montrer que tu peux rivaliser »

« Je ne pense pas qu’il y a de secret. Je ne vais pas défendre différemment. […] D’un côté, tu veux faire la job, mais tu ne veux pas avoir l’air fou non plus ! »

Pour Samuel Piette, qui a prononcé ces mots au cours d’une longue entrevue avec La Presse il y a maintenant près de deux semaines, le défi Messi qui attend le CF Montréal ce samedi est évidemment particulier.

Mais le capitaine sait qu’il ne peut pas trop s’éloigner de ses patrons de jeu habituels.

« Je vais jouer mon jeu comme je le joue normalement, disait-il. C’est le plus grand joueur de tous les temps. J’ai un peu cette attitude-là avec n’importe qui. Si je sais qu’un tel joueur est meilleur que moi, il n’y a pas de mal à concéder la victoire, tant que tu donnes une bonne bagarre, que tu donnes tout, que tu essaies de minimiser les trucs. Au moins, tu auras fait ce que tu avais à faire, et tu auras essayé. »

Il ne disait pas ça parce qu’il pensait que le match était perdu d’avance, loin de là. C’était surtout pour signaler qu’il n’y a pas de gêne à être battu sur un duel contre Lionel Messi. D’autant que dans sa forme du moment, l’Argentin casse tout sur son passage. Il a marqué 1 but et enregistré 5 passes décisives, un record… le tout, au sein du seul et même match, samedi dernier, contre les Red Bulls. Au total, c’est 10 buts et 12 passes en 8 apparitions cette saison en MLS.

Outre Messi, Luis Suárez et Sergio Busquets devraient aussi fouler la pelouse du stade Saputo. L’Inter Miami est sur quatre victoires consécutives, six matchs sans défaite, et trône au sommet de la MLS. La troupe à Gerardo Martino veut continuer de récolter les bons résultats avant que bon nombre de ses joueurs, dont la Pulga, quittent le club pour rejoindre leurs équipes nationales en vue de la Copa América, en juin. Jordi Alba sera écarté, se remettant d’une blessure.

« Il y a des joueurs contre qui je veux bien faire, continue Piette. Je pense à [Aidan] Morris à Columbus. C’est un bon joueur […], mais j’aimerais avoir le dessus sur lui. »

« Contre Messi, c’est bizarre, parce que tu veux bien faire, mais tu ne veux pas non plus être celui qui le blesse ! »

— Samuel Piette, capitaine du CF Montréal

Vendredi, à la veille du match, Piette a ajouté qu’il doit « parfois se pincer » pour croire ce qui est sur le point de se produire. « Il vient d’une autre planète », a lancé le milieu de terrain.

« Ça va être une grosse tâche. C’est une de mes idoles. J’ai grandi en tant que fan de Barcelone. […] Mais d’un autre côté, j’ai mon côté compétiteur. [Ce samedi], je veux performer au meilleur de mes capacités. Pour moi, et pour le club. »

« Vous méritez de vivre ce moment »

Laurent Courtois a quant à lui parlé du « danger » et de la « beauté » de jouer devant des joueurs à ce point idolâtrés.

« Tu veux montrer que tu peux rivaliser, dit-il. Tu veux montrer que tu es proche de leur niveau et que tu mérites d’être sur le même terrain. »

Il revient à sa formule utilisée presque toutes les semaines lorsqu’il est interrogé sur l’adversaire du moment. « Contrôle ce que tu peux contrôler. Mais est-ce que tu peux contrôler Messi ? J’ai reçu deux, trois textos qui me disent de le forcer à jouer sur son pied droit ! »

Ce qui provoque l’hilarité dans la salle de conférences du Centre Nutrilait. Pour la petite histoire, Messi a marqué 451 buts du pied gauche au fil de sa carrière… contre seulement 89 du pied droit.

« Qu’est-ce qu’on peut manipuler autour, pour limiter son champ d’action ? Après, je ne vais pas faire une causerie anti-Messi. J’ai bien trop de respect pour les autres joueurs de l’équipe. Et il y a bien plus de priorité à donner à mes joueurs. »

— Laurent Courtois, entraîneur-chef du CF Montréal

Gabriel Gervais, dont les épaules ont semblé se détendre lorsque la question sur Messi est finalement venue après toutes les interrogations sur la gouvernance du CF Montréal, s’est dit « très, très fébrile » en vue du match de samedi.

« Vous devez comprendre que nos équipes travaillent tellement fort depuis le début de l’année. »

Il fait l’énumération, en incluant le sportif, mais aussi les gens « administratifs », « aux ventes », « au marketing », « aux partenariats ».

« Vous méritez de vivre ce moment, disait-il à ceux-ci, cette semaine. Tout le monde, toute la ville, on mérite de vivre ce grand moment de soccer. […] Nos partenaires sont très excités, la clientèle est prête à fêter le soccer. Et quoi de mieux que de voir notre équipe offrir une belle performance ? »

Le match du CF Montréal contre l’Inter Miami sera diffusé à RDS et à Apple TV ce samedi à 19 h 30.

Messi vu par les anciens entraîneurs Valerio Gazzola et John Limniatis

« Tu veux savoir c’est quoi, un joueur intelligent ? »

« C’est un évènement unique, lance Valerio Gazzola. Tout le monde va se rappeler où il était le soir où Messi est venu au stade Saputo. »

L’ancien entraîneur-chef de l’Impact est debout, dans une loge du Complexe Claude-Robillard. À ses côtés, son confrère John Limniatis, aussi un ancien coach du seul club professionnel de soccer québécois. Derrière les deux hommes, l’équipe semi-pro du CS Saint-Laurent s’apprête à affronter le Toronto FC dans une rencontre folklorique en quart de finale du Championnat canadien.

Lorsque nous les croisons, en route vers la galerie de presse juste à côté, le sentiment qui nous habite est sans équivoque : il faut leur parler du moment historique que va vivre, trois jours plus tard, l’équipe qu’ils ont menée à quelques-uns de ses plus grands sommets au fil de plus de 30 ans d’histoire.

Surtout que le groupe de supporters 1642MTL a annoncé que Gazzola sera son sonneur de cloche au stade Saputo, ce samedi. L’entraîneur, aujourd’hui directeur du développement chez Soccer Québec, a mené l’Impact à son tout premier titre en APSL, en 1994.

Il se trouve que Gazzola a « un conseil » pour les nombreux observateurs de cette rencontre, dont il fera partie.

« En plus d’admirer la personne et le joueur, dit-il, regardez les petits détails de ce joueur-là. Surtout les jeunes. Tu veux savoir c’est quoi, un joueur intelligent ? Suivez-le pendant 10 minutes. Il est toujours deux, trois actions à l’avance. C’est incroyable. »

« Il faut en profiter »

Selon vous, Valerio, et vous aussi, John…

« Non, t’as pas besoin de l’inclure ! », lance à la blague le sympathique Gazzola.

Après une courte rigolade, on enchaîne : vous qui faites partie de l’histoire du ballon rond québécois et de l’Impact, que représente ce moment pour le soccer d’ici ?

« Ce n’est pas tous les jours que le meilleur joueur au monde vient [à Montréal]. Déjà, ça, c’est assez », répond simplement Limniatis, de sa voix grave.

Gazzola en dit un peu plus.

« C’est un moment parmi d’autres grands évènements de grandes équipes qui sont venues. Le Real Madrid a quand même fait son camp d’entraînement chez nous. John Limniatis a coaché un match mémorable au Stade olympique, avec au-delà de 50 000 spectateurs [contre Santos Laguna, en 2009] ! »

« Ce sont de gros évènements. Des fois, on pense qu’on n’en a pas assez. Eh bien ! quand on en a, il faut en profiter. »

— Valerio Gazzola, ancien entraîneur-chef de l’Impact

Tout indique qu’autant le club que les partisans en ont bien l’intention. Les billets les moins chers vendus par le CFM, en excluant donc la revente, sont affichés à 450 $. On parle ici d’un droit d’entrée à une section en admission générale – les sièges dans les autres sections sont encore plus chers. Et au moment d’écrire ces lignes, il en reste. Pour le match contre le Crew de Columbus, quatre jours plus tard, ces mêmes billets en AG redescendent au prix standard de 35 $.

À la revente, pour ce samedi, vous pouvez vous trouver des sièges pour des sommes passant de 350 $ à 9000 $… le billet.

Lorsque le calendrier de 2024 et que le match du 11 mai contre l’Inter Miami ont été dévoilés, « on a vu la réaction », raconte Gazzola. Le CFM a vendu, pour la première fois de son histoire, tous les abonnements de saison disponibles, soit 15 000. Cette folie n’est pas que reliée à Messi, mais elle n’est pas anodine du tout non plus.

L’entraîneur revient sur l’idée que l’expérience sera, de toute façon, « mémorable pour tout le monde ». Et lui viennent en tête ces souvenirs de rencontres avec un autre joueur de classe mondiale et légendaire…

« Moi, j’ai deux affiches de Pelé chez nous, qui sont encore là » même après son décès, dit l’homme de foot aujourd’hui âgé de 60 ans.

« Je me rappelle quand j’avais 27 ans, je l’ai rencontré trois fois, Pelé. Au Japon, à Vancouver… C’est spécial. »

La discussion se termine là-dessus, parce que derrière les deux amis, la foule du Complexe Claude-Robillard est debout, et les deux équipes sont prêtes à jouer au ballon. Ce n’est pas votre humble journaliste qui volera une seconde de foot à ces deux monuments du soccer québécois.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.