Une première étape dans  La défense planétaire

Peu après 19 h lundi soir, la sonde DART de la NASA va foncer dans un astéroïde dans le but de dévier sa trajectoire. Qu’on se rassure : l’astéroïde Dimorphos est inoffensif. Mais si elle fonctionne, la tactique pourrait être réutilisée contre une vraie menace.

DART et Licia

Lancée en novembre dernier, la sonde DART – l’acronyme anglais signifie « Test de redirection d’un astéroïde double » – de la NASA cible Dimorphos, une lune de l’astéroïde Didymos. Ensemble, ils forment un astéroïde binaire. L’objectif est de mesurer combien l’orbite de Dimorphos autour de Didymos aura changé après la collision. « En théorie, c’est une tactique viable pour éloigner un astéroïde qui se dirige vers la Terre, mais il faut voir si ça fonctionne en pratique », explique Sabina Raducan, astrophysicienne de l’Université de Berne, en Suisse. Elle ne participe pas à la mission, mais étudie ce type de stratégie.

La collision sera filmée par un petit satellite, le CubeSat italien léger pour l’imagerie d’astéroïdes (LICIACube), qui a été éjecté de DART le 12 septembre. Dimorphos a été choisi parce que son mouvement autour de Didymos est facile à observer. Il ne faudra que 38 secondes pour que les photos de LICIACube arrivent sur Terre. En 2026, la sonde européenne Hera arrivera près de Didymos pour confirmer avec précision le changement d’orbite de Dimorphos. Didymos a été découvert en 1996 et Dimorphos, en 2003.

Hayabusa et Osiris-Rex

La grande inconnue dans cette manœuvre est la composition de Dimorphos. « Avant, on pensait que les astéroïdes étaient relativement compacts, particulièrement les petits, dit Mme Raducan. Mais la mission japonaise Hayabusa en 2005, et Osiris-Rex en 2020, ont montré que des astéroïdes qu’on pensait pleins sont en fait des agglomérations de roches. Si Dimorphos est un seul roc, son orbite ne changera que de quelques secondes, mais si c’est un amas de roches, la différence pourrait aller jusqu’à une demi-heure. » L’orbite de Dimorphos dure 12 heures. Mme Raducan étudie les effets d’impacts comme celui de DART de manière numérique – et aussi physiquement, avec un amas de sable où se trouvent des roches. Hayabusa a ramené des échantillons d’astéroïdes en 2010 et Osiris-Rex ramènera les siens en septembre prochain.

Navigation autonome

DART est aussi la première sonde spatiale à s’approcher d’un astéroïde grâce à un logiciel de navigation autonome. Les corrections d’itinéraires (pour que l’impact ait lieu au centre de Dimorphos) ne pourront être faites efficacement à partir de la Terre dans les quatre heures précédant la collision, en raison du délai de communication. « Avant, on envoyait les commandes à l’avance et on espérait que ça marche comme prévu, explique Nathalie Ouellet, astrophysicienne à l’Université de Montréal. On a utilisé la navigation autonome pour la première fois avec l’atterrissage de la sonde martienne Perseverance en 2020. » Le logiciel de navigation autonome a été testé la semaine dernière avec l’observation de la lune Europe de Jupiter.

25 000 menaces

Environ 500 astéroïdes voisins de la Terre (NEA, near-Earth asteroids), d’un diamètre supérieur à 150 mètres, sont identifiés chaque année. Mais seulement 10 000 des 25 000 NEA estimés sont connus. Cela inclut 97 % des NEA de plus de 1 km. À titre de comparaison, l’astéroïde qui a signé l’arrêt de mort des dinosaures il y a 65 millions d’années faisait 10 km de diamètre, et celui qui a blessé près de 1500 personnes en Sibérie en 2013, 20 m de diamètre. Le télescope spatial NEO Surveyor (NEO pour objet voisin de la Terre), que la NASA prévoit de lancer en 2026, devrait compléter l’identification des NEA de plus de 150 mètres d’ici le milieu de la décennie 2030.

Patrouille

Il sera difficile de déterminer à distance la composition solide ou agglomérée d’un astéroïde menaçant la Terre, selon Mme Raducan. « Ce sera essentiel pour savoir quelle puissance d’impact avoir pour le dévier. » Elle pense donc que des sondes comme NEA Scout, un CubeSat (satellite très petit) qui sera lancé avec la mission lunaire Artemis I, pourraient jouer un rôle crucial dans la défense planétaire. NEA Scout sera propulsée par une voile solaire lui permettant d’acquérir des vitesses importantes, avec très peu de carburant. Les concepteurs de NEA Scout ont avancé que des centaines de sondes comme NEA Scout pourraient patrouiller dans les environs de notre planète et se diriger vers un astéroïde menaçant pour mieux le caractériser. Un astéroïde aggloméré serait-il moins dangereux s’il frappait la Terre ? « Pas nécessairement, parce qu’un astéroïde pourrait frapper le sol sans exploser en altitude », dit Mme Raducan.

Tracteur

Pour les astéroïdes trop gros ou denses pour être déviés par un impact, une autre tactique est envisagée. Il s’agirait pour la sonde de s’accrocher à l’astéroïde et dévier sa trajectoire avec un moteur ionique ou une voile solaire, ou alors de le dévier simplement en restant à ses côtés, par gravité.

325 millions US

Coût de la mission DART

SOURCE : NASA

60

Nombre d’astéroïdes binaires voisins de la Terre

SOURCE : NASA

Les astéroïdes au cinéma

Don’t Look Up (2021)

Leonardo DiCaprio incarne un scientifique incapable de convaincre les politiciens et les médias de s’inquiéter d’un astéroïde qui menace la Terre.

Armageddon (1998)

Bruce Willis sauve la Terre d’un astéroïde en le scindant en deux avec une bombe nucléaire.

Deep Impact (1998)

Le président des États-Unis (Morgan Freeman) planifie en secret une mission de destruction d’astéroïde qui connaît un échec partiel, provoquant une catastrophe planétaire.

Meteor (1979)

Sean Connery convainc un scientifique soviétique de participer à une mission commune de destruction d’astéroïdes menaçant la Terre, avec des missiles nucléaires en orbite.

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