À mi-chemin entre l’Amérique et l’Europe
Montréal profite d’une excellente réputation dans le monde, à mi-chemin entre l’Europe et l’Amérique, le paysage ici est unique. Montréal, ce n’est pas New York ni Seattle. Ce n’est pas non plus Boston ni Vancouver. Mais quel est donc l’ADN de notre ville ? Une ville, c’est certainement d’abord sa géographie, sa topographie, ses cours d’eau, ses habitants. Une ville, c’est aussi son architecture, ses rues, ses parcs. Avec cela en tête, comment peut-on dépeindre la beauté de notre architecture ?
L’harmonie. Bien que l’architecture de Montréal soit parfois hétéroclite en raison de la stratification de ses époques, on ressent tout de même un esprit d’ensemble. Comme s’il y avait un calibre intangible régulant l’apparence de la ville. Je pense au point de vue que l’on a sur la montagne lorsqu’on est au pied de la Place Ville Marie. On y voit les 200 ans d’histoire de l’Université McGill se fondre dans la nature et cohabiter avec les tours du centre des affaires. Même chose au pied d’Habitat 67, regardant le Vieux-Port en arrière-plan. Une telle ambiance ne se planifie pas, elle se développe doucement au fil du temps.
C’est un exploit discret que côtoient chaque jour des centaines de milliers de passants. Un projet à la fois, on a forgé un paysage qui forme un tout harmonieux.
Le caractère. Parlant du passé, il est impensable de décrire le paysage de Montréal sans visiter les églises. Mark Twain aurait d’ailleurs baptisé Montréal « la ville aux 100 clochers ». Bien qu’on dénombre quelques chefs-d’œuvre modernes, les églises de Montréal témoignent surtout de notre affection pour l’héritage européen. Parmi les 100 clochers, on peut facilement cataloguer 100 styles différents. Tous des hybrides d’exemples calqués sur le Vieux Continent.
Palais byzantins, colonnades classiques, décorations baroques, audace gothique, tant de textures inspirées de la civilisation occidentale. On y élabore des récits avec l’architecture, l’histoire prémoderne de notre ville. On passe parfois sans lever les yeux, mais les églises représentent pour moi les premiers essais de notre architecture monumentale. On y a mis en commun nos ressources et notre désir de dépassement. En résulte un caractère riche et omniprésent dans tous les quartiers de la ville.
Stations de métro et marchés publics
L’économie de moyens. Au-delà des grands projets, il y a aussi une architecture modeste qui a pourtant un impact structurant sur notre quotidien. Je pense au métro de Montréal. Il y a des stations comme Peel et Champs-de-Mars qui usent à la fois d’audace et de sensibilité au contexte. On a su y transformer des lieux de passage en leçons d’architecture.
À la fin des années 60, on a magnifiquement profité de ces occasions de laisser libre cours à la créativité d’architectes locaux. Quelle belle leçon pour les décideurs d’aujourd’hui, n’est-ce pas ? En effet, qui au Québec avait déjà conçu une station de métro ? Je vous laisse deviner où je veux en venir ici. Avec une palette restreinte de matériaux et des espaces rudimentaires, on a décliné une variété surprenante de combinaisons.
J’affectionne aussi les marchés publics. Ce sont des édifices d’une simplicité pouvant difficilement être réduite. Toutefois, ces structures rudimentaires sont les cœurs battants des quartiers. L’animation qu’on y vit est authentique, si bien que les marchés sont recherchés par les touristes. Comme quoi le succès d’un projet ne dépend pas de l’importance du budget, mais parfois justement de l’économie de moyens dont on fait preuve pour se concentrer sur ce qui importe : les gens.
L’originalité. Lorsqu’on arpente les quartiers résidentiels, une chose est frappante. On peut en effet constater que bien des façades ont subi une cure de jeunesse. Fenestration asymétrique, brique atypique et façades aveugles sont de nouvelles notes dans le rythme des rues.
Le plus beau, c’est l’audace dont on fait preuve dans les ruelles.
On y change la morphologie des maisons, apportant l’arrière-cour en sous-sol, ouvrant les façades ou apportant des couleurs toniques sur le revêtement. Tout cela sans parler des intérieurs, au diapason avec la vie familiale. Je lève ici mon chapeau à tous ces gens qui s’investissent dans leur logis. Je salue tous ces architectes qui forgent des visions intimes de la ville. C’est un terreau original, duquel on devrait s’inspirer davantage.
En somme, l’ADN de notre architecture passe selon moi par l’harmonie, le caractère, l’économie de moyens et l’originalité. C’est par ces quatre facettes que je trouve l’architecture de Montréal unique. Nous avons une ville vibrante et humaine. Il faut préserver ce que nous avons réussi à édifier, sans pour autant nous réserver.
Une grande partie du succès de l’architecture montréalaise passe en effet par le fait qu’on a approché les époques en prenant des risques. Ce qu’on doit retenir, c’est que la beauté de Montréal repose sur tous ceux qui ont osé proposer un regard différent sur la ville. C’est cela, selon moi, ce qui définit l’architecture de notre ville.