Retour en classe

De la nécessité d’avoir un plan de gestion des risques clair

L’éducation est un pilier important de toute société. Non seulement elle est fondamentale pour le développement des enfants, mais c’est également un déterminant important de la santé de la population. Le fait d’aller à l’école permet à nos enfants de s’épanouir, tout en acquérant des connaissances et des compétences ; l’école comble leurs besoins de socialisation, contribue à leur développement cognitif et psychologique, et leur inculque les bases de la vie en société.

L’éducation et la scolarisation doivent donc demeurer une priorité au Québec. Les enfants doivent aller à l’école pour leur propre bien-être, mais également pour le bien-être de leurs parents et de la société au complet, qui a du mal à se passer des travailleurs qui doivent garder leur enfant à la maison.

Loin d’être terminée, la cinquième vague frappe très fort le Québec, au point que les capacités de dépistage sont dépassées. Seuls les clientèles prioritaires et les travailleurs essentiels sont admis dans les centres de dépistage. Nous n’avons plus un portrait clair de la prévalence des cas et des lieux d’éclosion. Dans le contexte, les seuls indicateurs qui peuvent nous guider sont le taux de positivité aux tests et les hospitalisations.

L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a admis le 6 janvier ne plus être en mesure de fournir des projections robustes sur les hospitalisations. Or, le nombre de personnes hospitalisées suit une croissance soutenue tous les jours.

La sous-ministre à la santé, la Dre Lucie Opatrny, a également indiqué lors du point de presse du 6 janvier que « le niveau de délestage 4 ne sera pas suffisant pour aller chercher la capacité hospitalière dont on aura besoin pour traiter tous les patients qu’on va avoir dans les prochaines semaines ».

Un milieu propice aux éclosions

Le retour à l’école est prévu le 17 janvier. Les écoles, au mois de décembre, représentaient 50 % des milieux en éclosion avec environ 1500 nouveaux cas par jour, alors que le variant Omicron beaucoup plus transmissible n’était pas encore installé partout au Québec. Les enfants développent très rarement des symptômes graves, mais ils contribuent à la transmission de la COVID-19 dans leur famille. Tout comme chez les adultes, ce sont les enfants non vaccinés qui sont le plus à risque de développer des symptômes graves. Or, la couverture vaccinale plafonne chez les 5 à 11 ans depuis quelques semaines. Au Québec, 1 % seulement des enfants avaient reçu deux doses de vaccin le 9 janvier et l’aval pour la troisième dose des élèves du secondaire n’avait pas encore été donné.

Actuellement, un grand nombre de milieux de travail, au Québec et dans les pays du monde touchés par Omicron, expérimentent un fort taux d’absentéisme dû aux contaminations et à l’isolement COVID-19, entraînant une perturbation des services essentiels.

Dans les pays qui ont rouvert les écoles, on note un fort absentéisme aussi bien du côté des élèves que du personnel scolaire.

Il faudra certainement se préparer pour y faire face. Dans plusieurs de ces pays, les protocoles sanitaires dans les écoles ont été renforcés, notamment par la mise en place d’un dépistage obligatoire par test antigénique rapide pour les enfants avant de revenir en classe.

Nous souhaitons un retour à l’école sécuritaire et rapide de nos enfants pour leur santé mentale, physique et émotionnelle (et également celle de leurs parents), mais il est essentiel de le faire dans des conditions sécuritaires pour tous. Cela ne peut se faire qu’avec la mise en place d’un protocole sanitaire rigoureux et strict pour s’assurer que les enfants ne contribuent pas à la propagation du virus dans leur famille et au Québec, ce qui contribuerait à la saturation de la capacité hospitalière anticipée par la Dre Opatrny. Connaissant les conséquences négatives de l’école à distance sur le développement des enfants, nous nous devons de rapidement mettre en place un plan de gestion des risques, et ce, avant le retour en classe.

Ce protocole sanitaire devra s’appuyer sur un dépistage systématique des enfants par tests rapides antigéniques, l’autorisation pour le personnel scolaire qui le souhaite de porter un masque N95 et une filtration de l’air améliorée.

Ces conditions pour créer un environnement sécuritaire d’apprentissage ne sont actuellement pas au rendez-vous. Nous ne sommes pas prêts !

D’autant plus que le Québec ne reconnaît toujours pas la contamination par aérosols, maintenant reconnue par l’Organisation mondiale de la santé, le Canada et de nombreux pays dans le monde.

Le Québec doit se doter d’indicateurs basés sur les données probantes et récentes pour informer l’évolution de la crise sanitaire, ainsi que de cibles grâce auxquelles il sera possible de prendre le risque d’envoyer nos enfants à l’école sans avoir à mettre en œuvre le protocole de priorisation des interventions chirurgicales ou des soins.

L’Europe, qui nous précède de quelques semaines dans les vagues, n’a pas encore atteint son plateau de contamination. Mais l’Europe a une plus grande capacité hospitalière que le Québec. Il nous reste probablement encore plusieurs semaines de croissance de cas à vivre et, conséquemment, des hospitalisations qui vont continuer de monter. Offrons un milieu d’éducation sécuritaire à nos enfants et évitons qu’ils contribuent disproportionnellement à la contamination et donc à la saturation du système de soins de santé dès leur entrée en classe.

*Cosignataires : David Juncker, professeur au département de génie biomédical de l’Université McGill ; Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM ; Simon Bacon, professeur au département de santé, kinésiologie et physiologie appliquée de l’Université Concordia ; Amélie Boisclair, médecin intensiviste ; Maximilien Debia, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal ; Kim Lavoie, chaire de recherche du Canada en médecine comportementale et professeure au département de psychologie de l’UQAM ; Francois Audet, professeur à l’UQAM et directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire ; Joanne Liu, professeure à l’École de santé des populations et de santé mondiale à l’Université McGill ; Anne Bhéreur, médecin de famille et professeure adjointe de clinique à l’Université de Montréal ; Josiane Cossette, présidente du conseil d’établissement de l’école Saint-Pierre-Claver ; André Veillette, immunologiste à l’Institut de recherches cliniques de Montréal ; Nimâ Machouf, consultante en épidémiologie des maladies infectieuses, chargée de cours à l’École de santé publique de l’Université de Montréal ; Catherine Haeck, professeure au département des sciences économiques de l’UQAM ; Olivier Drouin, pédiatre et clinicien chercheur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal

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