Baisses d’impôt

L’exemple patent d’une gouvernance à courte vue

Pour financer une baisse d’impôt, la Coalition avenir Québec (CAQ) propose de réduire les versements au Fonds des générations de 39 % en les limitant à 3 milliards de dollars par année. Pour satisfaire les électeurs à court terme, on nuit à l’équilibre à long terme des finances publiques québécoises.

La CAQ peut ainsi se targuer de baisser les impôts sans réduire les services publics offerts à la population. En effet, la pandémie a révélé que des réinvestissements massifs dans nos services publics sont nécessaires et il semble qu’une majorité de citoyens le pense aussi. En revanche, en amputant le Fonds des générations, la CAQ nuit aux services publics futurs.

Le Fonds des générations vise à rembourser la dette publique et à atteindre une forme d’équité intergénérationnelle. Le gouvernement y verse près de 3,5 milliards cette année, une somme qui croît chaque année. La cagnotte est investie sur les marchés boursiers et le rendement est généralement plus élevé que les intérêts sur la dette publique, de sorte que celle-ci se rembourse plus rapidement que si on la réduisait directement à l’aide de surplus budgétaires. Des versements ponctuels sont ensuite réalisés pour réduire la dette.

En partie grâce au Fonds des générations, la dette publique a atteint un niveau soutenable. Or, les finances publiques du Québec vont se détériorer à moyen terme, à moins d’un miracle.

Entraînées par les coûts des innovations technologiques et par le vieillissement de la population, les dépenses de santé vont augmenter considérablement. Les prévisionnistes ne s’entendent pas tous, mais les dépenses de santé devraient passer d’environ 9 % du PIB en 2019 à entre 13 % et 16 % du PIB d’ici 2050.

Une telle augmentation représente à peu près autant que le budget actuel de l’éducation publique, un montant supplémentaire que les Québécois devront payer chaque année. Or, le vieillissement de la population va réduire le potentiel de croissance de l’économie de sorte que les gouvernements devront effectuer des choix difficiles pour faire face à la hausse des coûts de la santé.

Il importe donc d’être prudent. La prudence suggère que le gouvernement réduise sa dette en vue de se donner la marge de manœuvre nécessaire pour faire face aux contraintes fiscales des prochaines décennies. Autrement, le gouvernement pourrait investir dans des programmes qui nous permettront de nous préparer aux défis de demain, en augmentant notre résilience environnementale, ou en améliorant la santé de la population, par exemple.

Réduire les revenus de l’État n’est pas un signe de prudence.

Dépendamment de ses modalités, la baisse d’impôt de la CAQ réduira la valeur du Fonds des générations de 8 à 10 milliards d’ici la fin du mandat du prochain gouvernement, lui qui vaut actuellement environ 15,7 milliards. Ce montant, qui permettra de satisfaire les électeurs à court terme, ne sera pas disponible pour résoudre les défis des générations futures.

Il faut reconnaître que les citoyens actuels font face à une inflation sans précédent et que le gouvernement doit réagir. L’envoi de montants périodiques aux citoyens me semble une avenue à privilégier, alors que le gouvernement peut cibler certaines catégories de la population en fonction de leur revenu, sans nuire à ses finances publiques à moyen terme.

A contrario, les baisses d’impôt réduisent la capacité fiscale du gouvernement de façon permanente et ne profitent qu’aux contribuables, qui représentent 4,5 millions de personnes sur 8,45 millions de Québécois.

Certes, la CAQ a raison de souligner que le Québec maintient le fardeau fiscal le plus élevé en Amérique du Nord. Par contre, les Québécois reçoivent aussi beaucoup plus de services publics que les autres Nord-Américains.

Pour ne donner que quelques exemples, nos politiques familiales sont de loin les plus généreuses du continent, le soutien aux personnes vulnérables est mieux développé, l’accès à l’éducation est considérablement moins cher et nous sommes les seuls à avoir une assurance médicaments publique.

Ces services publics sont certes tous perfectibles, mais ce n’est pas en baissant les impôts qu’on y parviendra.

La CAQ a affiché une politique fiscale plutôt centriste dans son premier mandat, en ne diminuant pas le fardeau fiscal des Québécois (en proportion du PIB) et en investissant dans les services publics. Cette baisse d’impôt la positionne plus clairement à droite, peut-être en réaction à la montée du Parti conservateur du Québec.

En réduisant les impôts maintenant, le gouvernement diminue la marge de manœuvre fiscale des gouvernements à venir, limitant ainsi les augmentations potentielles des dépenses publiques. De plus, puisqu’il est politiquement difficile pour un gouvernement d’augmenter ses revenus, des baisses d’impôt se traduisent souvent par des diminutions subséquentes des services publics lorsque la situation économique se détériore.

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