COVID-19

Qu’êtes-vous prêt à sacrifier pour un étranger ?

Seule une fraction de la population peut éprouver des complications après avoir contracté la COVID-19. Or, tout le monde a une responsabilité qui lui revient. C’est une question de conscience sociale. Et le concept sera plus que jamais mis à l’épreuve au cours des prochaines semaines.

Évènements annulés, télétravail, isolement volontaire au retour de l’étranger… À l’annonce de cette série de mesures prises par le gouvernement Legault, le premier réflexe humain est d’égoïstement penser aux conséquences qu’elles auront sur soi.

« La crise va tous nous toucher au point de vue personnel. Le plus dur dans les moments comme ceux qu’on vit, le vrai défi, c’est de ne pas céder à la panique et de faire des choix nécessaires. Et, oui, il y aura des choix déchirants », estime le DFrançois Marquis, interniste et intensiviste au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Des mariages sont en suspens, des parents ne savent pas si leurs enfants auront une gardienne la semaine prochaine, d’autres pensent remettre un voyage à plus tard. Les mesures sont pour l’instant volontaires et, donc, les responsabilités sont individuelles et collectives.

Jeudi après-midi, Audrey-Maude, 25 ans, qui ne veut « vraiment pas » s’empêcher de sortir de chez elle, écrivait le message suivant (non corrigé ici) sur un groupe de voyageuses : « Tu ne veux pas être “contaminer” reste chez vous, mais n’empêche pas les autres d’aller où ils veulent. C’est aux gens qui ont des plus gros risques de prendre des précautions […] La planète appartient à personne. »

« À tous ceux qui se croient invincibles, l’idée n’est pas de se protéger, soi, mais de protéger les plus vulnérables. »

— Le Dr François Marquis, interniste et intensiviste au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

« À moins que tu vives en dessous d’une roche, tu vas rencontrer des gens qui n’ont pas ta santé. Et ils sont peut-être plus proches de toi que tu ne le penses », dit-il.

Est-ce que cela veut dire qu’on doit s’isoler à la maison avec des provisions jusqu’à l’automne ? Non, dit le médecin. Ça veut dire que c’est la responsabilité de chacun d’entre nous de faire de notre mieux pour « ne pas être un maillon de la chaîne de transmission » et limiter la propagation de ce virus qui est en train d’ébranler des nations, humainement et économiquement.

« On est tous dans le même bateau. On est tous dans le trouble, et il va falloir qu’on fasse tous attention. C’est un beau test social », rappelle le Dr Marquis.

« Le problème qu’on a, c’est que le système de santé roule déjà à 100 %. Donc, par exemple, si les patients des soins intensifs utilisent les ressources, les [interventions chirurgicales non vitales] en salle d’opération vont être annulées. Ce sera un sacrifice social, et les gens devront accepter de se faire repousser leur [opération] », illustre le médecin, qui recommande aux gens d’éviter les examens de routine non essentiels.

« Je dirais : ne va pas te pointer dans un centre de prélèvements bourré de monde pour savoir si tu es anémique. Ce n’est peut-être pas le moment pour les petits bobos. Et les gens ne sont pas habitués à ça », avertit le Dr Marquis.

Le meilleur de l’urgence

Or, tout n’est pas noir, estime le professionnel de la santé. Il croit même que la situation pourrait entraîner des changements positifs en nous forçant à prendre des risques et en changeant nos paradigmes.

« Comme étaler l’heure de pointe ou permettre le télétravail. On va peut-être se rendre compte que rien ne s’effondre et que ça fonctionne très bien et ça va rester en place par la suite. »

— Le Dr François Marquis, interniste et intensiviste au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

« C’est peut-être l’occasion de changements de mentalité et, dans 5 ans, 10 ans, si on a une maladie infectieuse, notre employeur comprendra et peut-être que, socialement, ce sera aussi gênant de rentrer au bureau en morvant et en toussant que ça l’est maintenant de fumer dans une garderie. »

Le Dr Marquis voit aussi se profiler des moments précieux en famille, des rapprochements, la naissance de nouvelles passions et… de nombreux bébés dans neuf mois.

« Chaque fois que les gens ont une pression de mort ou qu’ils sont confinés, il y a un boom de natalité ! »

Comme quoi, il y a toujours un peu de positif quelque part.

Que faire pour éviter la propagation ?

– Éviter les rassemblements de gens

– Établir qui sont les gens vulnérables dans son entourage et prendre des précautions

– Regarder par où le virus pourrait passer autour de soi

– Faire les choix nécessaires pour ne pas être un maillon dans la chaîne de contagion

– Éviter d’engorger inutilement le système de santé

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.