Électricité

La grande industrie se défend d’être une profiteuse

Avant de penser à bâtir de nouvelles centrales hydroélectriques pour répondre à la demande croissante, Hydro-Québec et son actionnaire devraient reconsidérer la décision d’exporter massivement vers les États-Unis de l’énergie qui serait plus utile ici.

Les entreprises installées au Québec qui consomment beaucoup d’électricité, comme les alumineries, n’ont pas apprécié d’être considérées comme des profiteuses dont les tarifs sont subventionnés par les autres catégories de consommateurs.

« Contrairement à ce qui a été véhiculé dans certains médias, les clients industriels d’Hydro sont soumis à des tarifs d’électricité qui se situent non pas en deçà, mais bien au-delà du coût moyen encouru par Hydro-Québec pour les servir », rectifie l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE), qui représente les plus grands clients industriels d’Hydro-Québec, dans une lettre ouverte publiée dans la section Débats.

Son président, Jocelyn Allard, estime que le débat ouvert par la PDG d’Hydro-Québec sur l’utilisation des ressources hydroélectriques du Québec est parti sur de mauvaises bases. Selon Sophie Brochu, les nouveaux approvisionnements en électricité coûtent 11 cents le kilowattheure et on ne peut plus continuer à vendre cette énergie 5 cents le kilowattheure aux entreprises.

« Pourquoi Hydro-Québec utilise-t-elle son coût moyen (3 cents le kilowattheure) pour mesurer la rentabilité de ses exportations et son coût marginal (11 cents le kilowattheure) pour évaluer la rentabilité des projets industriels qu’on veut faire ici ? », relève-t-il lors d’un entretien avec La Presse.

Les entreprises d’ici, comme les alumineries, « ont fait leurs preuves et ont contribué au développement du Québec », dit-il.

Le Dollarama de l'électricité

La déclaration récente de la PDG d’Hydro-Québec qui s’inquiète de voir le Québec se transformer en Dollarama de l’électricité continue de soulever des vagues dans l’industrie.

Avant de prendre la décision de construire des barrages, il faut se poser les bonnes questions, estime Jocelyn Allard. À commencer par celle-ci : est-il plus rentable de conserver notre électricité et de s’en servir pour développer notre économie, ou de l’exporter aux États-Unis ?

Selon Hydro-Québec, le kilowattheure vendu aux États-Unis rapporte plus que celui vendu au Québec. C’était peut-être le cas en période de surplus, convient le président de l’AQCIE, mais ce n’est plus vrai quand on est rendus à avoir le pied sur le frein (des projets d’investissement au Québec) parce qu’on a peur d’en manquer.

La rentabilité des exportations d’électricité doit être évaluée en fonction des avantages que l’économie du Québec peut en retirer, et pas seulement sous l’angle des profits qu’elles génèrent pour Hydro-Québec. Il est évident qu’il est plus avantageux de s’en servir pour développer le Québec, assure Jocelyn Allard.

À la demande de l’Association de l’aluminium du Canada, l’Institut du Québec (IDQ) a comparé l’impact sur le produit intérieur brut d’un kilowattheure d’électricité exporté et d’un kilowattheure utilisé dans une activité industrielle au Québec. Il en arrive à la conclusion que les exportations ajoutent seulement 0,34 cent au PIB par kilowattheure alors que la production d’aluminium génère 8,96 cents de plus par kilowattheure.

Les surplus d’électricité sont en voie de disparition. « On est dans un autre monde », souligne Jocelyn Allard. C’est le temps, selon lui, de remettre en question les exportations massives aux États-Unis, et notamment la signature de deux contrats fermes avec le Massachusetts et New York pour environ 20 térawattheures pendant 25 ans.

« Avec ces 20 térawattheures, de l’éolien et de l’efficacité énergétique, on peut penser qu’on pourrait répondre aux besoins du Québec sans avoir à construire de nouveaux barrages avant longtemps », croit le porte-parole des entreprises qui consomment 33 % de l’électricité vendue au Québec.

Le gouvernement québécois, qui veut attirer des investisseurs sur le sol québécois dans des secteurs d’avenir comme les batteries pour véhicules électriques, devrait envisager toutes les options, y compris celle de mettre la pédale douce sur les exportations, estime Jocelyn Allard.

Il faut faire les meilleurs choix pour les Québécois, « et ce n’est pas à Hydro-Québec de décider ça ».

Dans son étude, l’Institut du Québec souligne que si un des deux gros contrats d’exportation d’électricité devait tomber à l’eau, ce serait plutôt une bonne nouvelle pour le Québec. « Cela permettrait au Québec de retrouver une marge de manœuvre sur le plan énergétique, à condition que les institutions responsables du développement économique réussissent à exploiter davantage ce levier de développement », estiment les auteurs.

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