Paris — Après les scandales de harcèlement qui ont grandement terni son image en 2020, Ubisoft cherche désormais à « faire avancer » la diversité et l’inclusion sous l’impulsion de Raashi Sikka, vice-présidente chargée de promouvoir ces valeurs chez l’éditeur français de jeux vidéo.
Nommée en février 2021 par le PDG d’Ubisoft, Yves Guillemot, la dirigeante de nationalité indienne a pour mission de mettre en place une « stratégie globale » sur la diversité, l’inclusion et l’accessibilité autour de plusieurs « piliers », comme « notre personnel, notre lieu de travail, et notre contenu », expose-t-elle dans un entretien avec l’AFP.
La meilleure manière, selon elle, de « prévenir » à l’avenir toute dérive dans les relations au travail au sein du groupe.
À la suite de plusieurs témoignages parus dans la presse à l’été 2020, dénonçant harcèlement et tentatives d’agression sexuelle, plusieurs dirigeants d’Ubisoft ont été poussés vers la sortie ou ont démissionné, dont le numéro deux du groupe, Serge Hascoët.
« Tout le travail que nous essayons de faire consiste à éduquer, à sensibiliser et à créer un système pour que ces choses n’arrivent pas », explique Raashi Sikka, qui travaillait auparavant pour l’entreprise américaine Uber.
Le cas d’Ubisoft est loin d’être isolé dans l’industrie du jeu vidéo et d’autres grands éditeurs sont concernés, à l’image d’Activision-Blizzard, visé l’an dernier par une série d’accusations de discrimination et de harcèlement ayant entraîné des arrêts de travail et la création d’un syndicat.
Groupes-ressources
Après avoir été bloquée à Amsterdam en raison de la pandémie lors de son entrée en poste, Raashi Sikka a pu visiter en deux ans une vingtaine de studios, sur la quarantaine que compte Ubisoft à travers le monde, pour diffuser cette nouvelle « culture d’entreprise », auprès d’un réseau de 20 000 salariés, dont 26 % de femmes, où cohabitent plus de 90 nationalités.
Parmi les innovations marquantes de son équipe en matière de diversité : la création de sept « groupes-ressources employés » globaux, c’est-à-dire des forums dirigés par des salariés et construits autour d’identités communes, sur le plan ethnoculturel (« Latine/Hispanique », « Asie/Pacifique »…) ou du genre (« femmes et non-binaires », « LGBTQIA2S »).
Grâce à cette organisation, deux conférences en interne à l’occasion du mois de l’histoire des Noirs ont par exemple été organisées par le groupe dénommé B.E.A.U. (Black Employees at Ubisoft).
« Nous voulons nous assurer que les membres de notre équipe sont en mesure d’être eux-mêmes. Ils contribuent réellement à sensibiliser, à parler des différentes cultures. »
— Raashi Sikka, vice-présidente, diversité et inclusion, chez Ubisoft
Sur le plan du recrutement, un travail a été mené en partenariat avec la direction des ressources humaines pour favoriser la formation des gestionnaires ou mettre en place des « descriptions de poste inclusives ».
Signe de l’engagement d’Ubisoft sur ces questions, la signature en février de la charte de « L’Autre Cercle », marquant le lancement d’un plan sur trois ans pour promouvoir l’inclusion des personnes LGBTQ+ au sein du groupe.
Dès la conception des jeux
Pour créer à l’avenir des jeux vidéo davantage « représentatifs du monde en général » et accessibles aux personnes en situation de handicap avec des fonctionnalités permettant « à plus de personnes » d’y jouer, chaque production doit désormais prendre en compte l’« inclusion » dès sa « conception », souligne Raashi Sikka.
À l’image du jeu mobile Soldats inconnus : Frères d’armes, sorti fin janvier et qui met notamment en lumière la présence de soldats afro-américains aux côtés des Alliés pendant la Première Guerre mondiale, l’objectif est de « nous aider à raconter des histoires qui n’ont jamais été racontées auparavant ».
Et ce, « pour représenter des personnes et des cultures qui ont été soit non représentées, soit mal représentées, dans les jeux », insiste la dirigeante.