Menaces anonymes envers des écoles

« Une tendance à surveiller »

Onze suspects mineurs arrêtés. Dix écoles du Grand Montréal ciblées. La série de menaces anonymes qui ont visé des établissements scolaires au cours des derniers jours est « une tendance à surveiller », s’inquiètent le Service de la police de la Ville de Montréal (SPVM) et des experts, qui n’iraient toutefois pas jusqu’à parler d’un « phénomène » répandu.

L’école Cavelier-De LaSalle a ouvert ses portes lundi matin sous surveillance policière. Peu avant la cloche, des élèves au pas pressé étaient accueillis par des patrouilleurs aux aguets, stationnés en périphérie de l’établissement.

« Nos parents nous ont dit de faire attention et de donner des nouvelles [au cours de la journée] », a lancé Jeanne, un sac jeté sur l’épaule.

Vendredi, des menaces selon lesquelles un individu armé se présenterait à l’école de LaSalle avaient circulé sur les réseaux sociaux. Conformément à la recommandation du SPVM, l’établissement est demeuré ouvert, mais s’est doté d’une présence policière.

L’école Cavelier-De LaSalle fait partie des huit établissements scolaires sur le territoire montréalais faisant présentement l’objet d’une enquête du module Cyberenquête du SPVM pour des menaces du genre. Six personnes, âgées de 13 à 17 ans, ont été arrêtées en lien avec l’affaire.

Dans tous les cas, le modus operandi des suspects était le même. Ils publiaient des propos violents par le biais de profils anonymes sur Instagram « afin de semer la peur et la confusion », a indiqué le SPVM.

On y lisait, par exemple, qu’un « school shooting » ou une attaque au couteau dans une école voisine aurait lieu le lendemain.

Selon nos informations, l’école secondaire Calixa-Lavallée, à Montréal-Nord, et le Collège Sainte-Anne, à Lachine, ont aussi été visés par des menaces anonymes. Deux écoles en Montérégie, l’une à Châteauguay et l’autre à Pincourt, étaient fermées, lundi, pour les mêmes raisons.

Lundi, le Service de police de Châteauguay a annoncé par voie de communiqué avoir arrêté cinq mineurs et effectué des perquisitions « en lien avec les menaces proférées sur les réseaux sociaux à l’égard des membres du personnel de l’école Louis-Philippe-Paré ». En raison des menaces rapportées dimanche, « il y aura une augmentation de la présence policière autour de l’école », écrit le corps de police de Châteauguay.

Canular inoffensif ou menace réelle ?

Le SPVM croit avoir affaire à un phénomène d’entraînement sur les réseaux sociaux, « une nouvelle tendance à surveiller ». Aussi estime-t-il que le nombre d’écoles visées pourrait grimper dans les prochains jours. « Ce qui est important à comprendre, c’est que plus il y en a qui le font, plus il y en a qui veulent le faire », indique Manuel Couture, porte-parole du SPVM.

La criminologue Maria Mourani n’irait pas jusqu’à qualifier ces évènements de « phénomène » répandu. Pour cela, il faudrait que les cas soient répétés et constants dans le temps. Elle constate plutôt un « effet d’imitation », alimenté par les réseaux sociaux.

« Ce que l’on constate avec les réseaux sociaux et les jeux vidéo, c’est que la nouvelle génération est désensibilisée à la violence. Sur le web, il y a une virtualité qui rend la violence immatérielle. Même les jeunes qui profèrent des menaces ne réalisent pas l’importance de leurs propos. »

– Maria Mourani

La présidente de Mourani-Criminologie plaide pour davantage d’éducation numérique de la part des parents et des écoles.

Faut-il s’inquiéter de l’évènement de lundi pour autant ? Le professeur en criminologie de l’Université de Montréal David Décary-Hétu se veut rassurant, mais prudent.

« Ça reste quelque chose de relativement rare au Québec. Cela dit, le point faible des canulars, c’est qu’on n’a pas le choix de réagir parce que ça se pourrait que quelqu’un en profite pour faire une attaque », estime le professeur, qui souligne la sophistication des capacités de surveillance en ligne des services policiers.

Canular ou pas, l’acte a une portée réelle, et son auteur s’expose à des poursuites criminelles, martèle le relationniste Manuel Couture. « Même si c’est écrit de façon anonyme, on est capables de les retracer. C’est un crime très grave que le SPVM prend très au sérieux », rappelle-t-il.

Des parents inquiets

Dans l’enceinte de l’école Cavelier-De LaSalle, une poignée d’élèves accrochaient leur manteau dans leur casier. Au petit matin, la direction n’espérait plus que la moitié de ses élèves se présentent – les deux tiers, au mieux. De nombreux parents frileux ont préféré garder leurs enfants à la maison.

« Déjà, quand il n’y a pas de menace, je me sens inquiet de déposer [mon fils] à l’école, loin de ma protection. S’il y a un risque en plus, c’est pire », a confié Henfy Thompson, assis au volant de son VUS, dont son fils venait tout juste de sortir.

Non loin de là, des filles échangeaient sur ​​le week-end mouvementé. « Le fait qu’il y a beaucoup de policiers, ça nous sécurise », a estimé Jeanne.

Et son amie, Bobbie, a renchéri : « C’est surtout le fait que ça s’agrandit à d’autres écoles qui me fait plus peur. »

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a remercié le personnel scolaire et la population pour leur vigilance, ce qui a permis que « le pire » soit évité. En mêlée de presse, lundi, le premier ministre François Legault a qualifié les menaces d’« inquiétantes », rappelant les dernières annonces de son gouvernement pour augmenter la présence policière et le soutien aux organismes qui œuvrent auprès des jeunes.

Au cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, on n’a pas souhaité commenter le dossier lundi.

– Avec Henri Ouellette-Vézina et Florence Morin-Martel, La Presse

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