Élections américaines

Les électeurs de Trump admirent les chefs autoritaires

On tient pour acquis que la démocratie est l’un des piliers fondamentaux des pays développés. Dans leur nouveau livre, Authoritarian Nightmare, Bob Altemeyer, professeur de psychologie à la retraite, et John W. Dean, ancien avocat de la Maison-Blanche dans l’administration Nixon, montrent qu’une majorité d’électeurs républicains sont très attirés par les chefs autoritaires et antidémocratiques, ce qui risque d’influencer la politique bien au-delà des élections de novembre. La Presse s’est entretenue avec Bob Altemeyer, professeur de psychologie de l’Université du Manitoba à la retraite et coauteur du livre.

Nous fonctionnons en Occident avec la conviction que les gens qui vivent ici sont pour la démocratie. Mais vos résultats remettent cela en question…

Exactement. Si un sondeur demandait aux Américains ou aux Canadiens s’ils préfèrent vivre dans une démocratie ou dans une dictature, 95 % des gens répondraient « démocratie ». Mais si un sondeur demandait plutôt : « Le gouvernement devrait-il avoir le droit de persécuter, voire de tuer, des personnes faisant partie de groupes qu’il juge être des ennemis de l’État, y compris certains journalistes ? », la plupart des Nord-Américains diraient non. Mais un nombre surprenant diraient oui.

Ces gens ne saisiraient pas la contradiction qui existe entre le fait de soutenir la démocratie et de soutenir un gouvernement qui agit de manière dictatoriale. Il s’avère que ces gens sont très nombreux, surtout aux États-Unis en ce moment, en particulier lors des rassemblements de Donald Trump.

Et vous dites que les gens sont prêts à se faire justice eux-mêmes ?

L’an dernier, nous avons demandé à la firme Monmouth de mener une enquête auprès d’un échantillon représentatif de près d’un millier d’Américains susceptibles de voter à l’élection présidentielle. L’une des déclarations auxquelles les gens devaient répondre était : « Une fois que nos dirigeants gouvernementaux et les autorités auront dénoncé les éléments dangereux de notre société, il sera du devoir de chaque citoyen patriotique d’aider à éliminer la pourriture qui empoisonne notre pays de l’intérieur. » La plupart des partisans de Trump (52 %) étaient d’accord avec cette affirmation, alors que presque tout le monde était fortement en désaccord. Cette déclaration, en passant, va plus loin que de simplement laisser le gouvernement construire des camps de concentration, enfermer ses ennemis dans des goulags et les torturer à mort. L’accepter signifie que la personne qui participe au sondage dit qu’il serait de son devoir de prendre part à la répression. Dans les faits, elle dit : « Où dois-je m’inscrire ? »

Et c’est seulement l’un des éléments de notre enquête. J’étudie les comportements autoritaires depuis 50 ans, et si je n’avais pas trouvé des résultats de plus en plus troublants, je serais passé à autre chose il y a longtemps.

Au premier abord, les adeptes de Trump semblent impossibles à comprendre. Mais lorsqu’on les examine sous l’angle de l’autoritarisme, tout tombe en place. Par exemple, le refus de porter un couvre-visage durant une pandémie montre jusqu’où ils sont prêts à aller pour démontrer à Trump qu’ils sont loyaux. Aussi, Trump pourrait tirer sur l’un de ses partisans sur la 5e Avenue à New York, et ses adeptes voteraient quand même pour lui. Encore là, lorsqu’on regarde comment l’autoritarisme fonctionne, ce sont des conclusions logiques.

Autre point : on ne peut pas en dire autant des gens de la gauche. Il y a une énorme différence entre les réponses données par les gens de la gauche et des gens de la droite dans notre étude. Les répondants républicains ont historiquement eu des scores plus élevés sur l’autoritarisme, mais aujourd’hui le fossé entre la droite et la gauche est gigantesque.

Jusqu’à quel point êtes-vous inquiet que Donald Trump puisse dire, le 4 novembre, qu’il y a eu une fraude massive orchestrée par les démocrates, et qu’il intentera un recours en justice pour rester au pouvoir ?

S’il devient clair que Trump est sur le point de perdre, il essaiera presque assurément de rester au pouvoir. Il répète depuis des mois que les élections sont truquées. Trump a développé une justification pour rester au pouvoir en cas de défaite, et vous pouvez parier que ses partisans l’accepteront sans hésiter. Pour lui, la façon non violente de le faire est de contester l’élection, d’espérer que cela aboutisse en Cour suprême, où la balance penchera peut-être de son côté.

Si cela devait échouer, Trump pourrait avoir recours aux menaces et évoquer la violence. Il a dit aux milices d’extrême droite de se tenir prêtes. Son prochain geste pourrait être de leur dire de charger leurs armes. Il contrôle aussi des forces armées, via le département de la Sécurité intérieure, qui a obéi à tous ses ordres jusqu’ici. Vous pouvez prédire qu’il utilisera la menace d’une guerre civile, soit publiquement, soit plus subtilement, pour conclure un accord qui lui permettra de rester président, ou du moins d’échapper à la prison pour les crimes qu’il a commis.

Vous dites que les partisans de Trump choisiront dans l’avenir un leader autoritaire semblable à Trump. Êtes-vous en train de dire que c’est désormais ainsi que fonctionnera le Parti républicain pendant des années ?

Le Parti républicain a fait l’objet d’une refonte de l’intérieur, de A à Z, de sorte qu’il réunit désormais presque tous les électeurs hautement autoritaristes aux États-Unis, et très peu d’autres électeurs. Les groupes « Jamais Trump », composés d’anciens piliers du Parti républicain, n’ont aucune chance de réformer le parti. Vous pouvez être certain que divers dictateurs en herbe planifient depuis un certain temps déjà une accession au sommet au moment où Trump échouera, manquera de temps ou décédera. Ils seront beaucoup plus intelligents que lui et poseront une menace bien plus sérieuse pour le reste du monde.

17 %

C’est le pourcentage d’électeurs républicains qui ont répondu non à la suggestion voulant que l’élite du Parti démocrate soit impliquée dans un trafic sexuel d’enfants, la théorie centrale (et sans fondement) de la mouvance d’extrême droite QAnon, selon un récent sondage Yahoo/YouGov. Quelque 50 % des électeurs républicains ont dit croire que l’affirmation était vraie, tandis que 33 % ont dit ne pas être certains.

Amy Coney Barrett se rapproche de la Cour suprême

Le Sénat a franchi jeudi un premier cap dans la confirmation de la juge nommée par Donald Trump à la Cour suprême, sans les démocrates, qui ont boycotté un processus jugé « illégitime » si près du scrutin du 3 novembre. Les 12 élus républicains de la commission judiciaire du Sénat ont voté pour transmettre le dossier d’Amy Coney Barrett à l’ensemble de la Chambre haute du Congrès avec un avis « favorable ». Ce vote de procédure ouvre la voie à un vote final en séance plénière, peut-être dès lundi. « C’est un grand jour pour l’Amérique », a tweeté Donald Trump, qui mise sur la nomination de cette magistrate de 48 ans, fervente catholique, mère de sept enfants et opposée à l’avortement, pour galvaniser les électeurs de la droite religieuse. Mais selon la sénatrice Kamala Harris, colistière de Joe Biden, rival démocrate de M. Trump, « ce processus de nomination est une honte ». À l’instar de ses neuf collègues démocrates de la commission judiciaire, elle a donc boudé le vote jeudi. Sur leurs sièges avaient été placées de grandes photos d’Américains qui pourraient, selon eux, perdre leur couverture maladie si la juge Barrett était confirmée. La Cour suprême doit examiner le 10 novembre un recours contre la loi emblématique de l’ex-président Barack Obama sur l’assurance santé, l’Obamacare, sur laquelle la juge a exprimé des réserves dans le passé. Le Sénat se retrouvera dans l’hémicycle dès vendredi pour débattre de sa candidature. Malgré la défection annoncée de deux élues républicaines, Lisa Murkowski et Susan Collins, la juge Barrett devrait obtenir le feu vert du Sénat, indispensable selon la Constitution. — Agence France-Presse

Donald Trump votera samedi en Floride

Le président Donald Trump votera de manière anticipée samedi en Floride, a annoncé jeudi la Maison-Blanche. « Le président Trump a prévu de voter par anticipation samedi à West Palm Beach », a indiqué un porte-parole. M. Trump doit rejoindre la Floride vendredi où il doit participer à des rassemblements de campagne. L’élection aura lieu le 3 novembre, mais les Américains ont la possibilité de voter par anticipation dans de nombreux États. En raison notamment de l’épidémie de COVID-19 et des craintes de contamination le jour J, les chiffres ont explosé cette année : plus de 45 millions d’Américains ont déjà voté par courrier ou en personne, soit plus de 30 % de la participation totale en 2016, selon l’organisation indépendante Elections Project. M. Trump a annoncé fin 2019 qu’il abandonnait New York et faisait de Palm Beach sa nouvelle résidence principale, et donc fiscale. « J’adore New York, et les New-Yorkais, et ce sera toujours le cas, mais malheureusement, en dépit des millions que je paie en impôts à la municipalité, aux collectivités locales et à l’État chaque année, j’ai été très mal traité par les élus, à la fois de la ville et de l’État », avait-il expliqué.

— Agence France-Presse

Des sanctions annoncées après une « tentative d’ingérence » de l’Iran

Les États-Unis ont sanctionné jeudi les Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de Téhéran, ainsi que des médias iraniens pour « tentative d’ingérence » dans les élections américaines du 3 novembre, malgré les démentis outrés de l’Iran. « Le régime iranien a visé le processus électoral des États-Unis avec des tentatives éhontées pour semer la discorde parmi les électeurs en répandant la désinformation en ligne et en menant des opérations malintentionnées pour les induire en erreur. Des entités du gouvernement iranien, déguisées en médias, ont visé les États-Unis afin de miner le processus démocratique américain », a déclaré le Trésor américain dans un communiqué. Mercredi, le renseignement a aussi visé la Russie, estimant que Moscou et Téhéran avaient tenté d’« influencer l’opinion publique » en lien avec l’élection. L’Iran a martelé jeudi que ces accusations du renseignement américain étaient « infondées ». — Agence France-Presse

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