Les étés meurtriers

Entre inquiétude, fatigue et… espoir

Plus tôt cette semaine, dans sa chronique « Les étés meurtriers », Rima Elkouri demandait « si le temps n’[était] pas venu pour les scientifiques de sortir de leur traditionnelle posture officiellement neutre et distante pour exprimer clairement leurs inquiétudes »1. J’offre une réponse à son appel.

Je suis nouvellement médecin de famille, mais depuis plus de 10 ans, parallèlement à mes études, j’ai les deux pieds, la tête et le cœur dans une communauté grandissante de professionnels de la santé qui s’intéresse aux enjeux croisés entre changements climatiques et santé.

Très sincèrement, je suis inquiète, et parfois fatiguée.

Inquiète pour la santé de mes patients, mais aussi celle de mes proches, de ma famille et des enfants que j’aurai. Des pertes que nous encaisserons et des deuils que nous aurons à faire, collectivement. Je ne communique pas souvent mes inquiétudes, car je préfère, le plus possible, me tourner vers l’espoir et l’action.

Et parfois fatiguée, surtout d’entendre ceux et celles qui, en position de pouvoir, préfèrent répéter que « il est temps d’agir » plutôt que de simplement… agir.

La plus grande menace à la santé du XXIsiècle

Depuis trois ans, mon rôle à l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) m’amène à commenter publiquement l’actualité climatique, à vulgariser les questions complexes touchant les perturbations environnementales et notre santé, à traduire en recommandations politiques ce que la science nous dit très clairement.

J’ai parfois l’impression de me répéter – ma grand-mère m’en a d’ailleurs déjà fait la remarque ! –, mais je sais que le message détonne encore, qu’on parle encore trop peu de ce que représentent les changements climatiques pour notre santé et notre bien-être, bien qu’ils soient reconnus depuis des années comme la plus grande menace à la santé du XXIe siècle.

Les évènements météorologiques extrêmes, comme les vagues de chaleur, les inondations et les incendies de forêt, seront responsables de décès, d’une pression accrue sur les services d’urgence et d’une augmentation importante des coûts de santé.

Les changements climatiques aggravent aussi la sévérité des allergies saisonnières, augmentent le risque de certaines maladies infectieuses et vont forcer le déplacement de communautés côtières. Notre radar médical doit s’adapter, et de toute urgence.

Toutefois, de façon étonnante, les changements climatiques ne sont pas encore intégrés pleinement aux questions de santé. L’inverse est d’autant plus vrai.

Un prélude des bouleversements à venir

Ce que nous vivons cet été, et ce que Rima Elkouri décrit très bien – les canicules, les épisodes de smog, les incendies de forêt, les inondations –, c’est plutôt un avant-goût, un prélude des bouleversements à venir. La science est très claire sur ce point : même si demain matin, nous arrêtons d’émettre des gaz à effet de serre, nous subirons les effets des changements climatiques pendant encore des décennies.

Mais même si je suis souvent inquiète et parfois fatiguée, je ne suis pas encore découragée.

Pourquoi ? Bien que la science nous brosse un tableau plutôt sombre de l’avenir, elle démontre qu’en mettant la santé au cœur de la question climatique, nous avons une réelle chance de faire de meilleurs choix – individuels, et surtout, collectifs. Que les politiques climatiques peuvent être bonnes pour la santé. Qu’en misant sur une stratégie nationale d’adaptation, nous pouvons sauver des vies.

Et c’est là le plus beau des projets.

1. Lisez la chronique de Rima Elkouri

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