PME Innovation

Analyser l’aluminium en fusion en moins d’un clin d’œil

L’innovation

Il ne sera plus nécessaire d’analyser en laboratoire un échantillon prélevé dans un bassin d’aluminium en fusion pour en connaître l’exacte composition chimique. Tecnar a mis au point un appareil qui plonge sa sonde dans le métal liquide (à 800 °C !) pour, en un éclair de laser, faire une analyse spectrométrique de sa composition. L’Alulibs de Tecnar est susceptible d’intéresser toutes les alumineries de la planète.

Qui

Tecnar a été fondée en 1989 par François Nadeau, alors chercheur au Conseil national de recherche du Canada (CNRC) à Boucherville, pour commercialiser son invention relative au soudage automatisé.

Lui-même ingénieur physicien, son fils Alexandre a repris les rênes de l’entreprise familiale en 2016. Sous sa gouverne, Tecnar a notamment mis au point une nouvelle génération de capteurs laser-ultrasons qui mesurent l’épaisseur des tuyaux d’acier sans soudure en cours de production. Elle s’est également intéressée aux analyses de métaux par spectrométrie laser, dont la première application, le Galvalibs, s’applique aux alliages de zinc. L’entreprise lancera au printemps la déclinaison pour l’aluminium.

« Notre produit devrait révolutionner le monde du contrôle dans les alumineries et les sites de coulés. Il permettra aussi de mieux recycler l’aluminium. »

— Alexandre Nadeau, président de Tecnar

Le principe

L’Alulibs fonctionne sur le principe de la Laser-Induced Breakdown Spectroscopy (LIBS), ou spectrométrie sur plasma induit par laser, d’où son suffixe.

De façon simplifiée, un faisceau laser vaporise en surface de l’échantillon une infime part de matière qu’il porte quasi instantanément à l’état de plasma. En refroidissant, ce plasma produit des émissions lumineuses qui sont captées par un détecteur optique. Leurs longueurs d’onde font l’objet d’une analyse spectrométrique pour identifier les éléments chimiques présents.

L’astuce

Voilà pour le principe. Et voici l’astuce.

Utilisant le principe d’un brevet du Conseil national de recherche du Canada, le dispositif mis au point par Tecnar fait son prélèvement en profondeur dans le bassin de métal en fusion. De la taille d’une petite valise, l’appareil est monté sur bras mobile ou robotisé.

Un peu comme la trompe d’un moustique, la sonde plonge profondément son tube de céramique dans le bain, évitant ainsi les oxydes présents en surface.

Un léger souffle d’un gaz inerte, de l’argon par exemple, est poussé dans le tube pour empêcher la remontée du métal. Au contraire de l’air, le gaz inerte empêche toute contamination du métal liquide.

Du boîtier, un rayon laser projette dans l’axe du tube une courte impulsion d’à peine 10 nanosecondes. Elle excite la surface du métal apparaissant au bout du tube et porte sa température à 10 000 °C pour quelques microsecondes. Les émissions lumineuses du plasma en refroidissement sont alors captées par le dispositif spectrométrique situé au sommet du tube. Les données sont analysées par le système de contrôle installé à proximité.

« On fournit une mesure en temps réel plus précise, et on enlève le besoin de main-d’œuvre et de temps pour la mesure chimique », indique Alexandre Nadeau.

Cette technologie, qui a nécessité dix ans de développement, a d’abord été appliquée à l’analyse des bains d’alliage de zinc pour la galvanisation de l’acier.

Avec la version Alulibs, Tecnar s’attaque maintenant à l’aluminium, « qui est un beaucoup plus gros marché, souligne-t-il. C’est un marché où le métal est plus chaud et où il y a plus d’éléments à mesurer ».

Recyclage

La technologie de Tecnar aura également des répercussions positives chez les entreprises spécialisées dans le recyclage et la production d’aluminium de deuxième fusion.

En raison de la variété des sources, il leur est très difficile de connaître la composition chimique des lots d’aluminium recyclés qui leur parviennent. Elles ajoutent donc de l’aluminium de première fusion pour équilibrer les propriétés physicochimiques de leur production.

L’appareil de Tecnar leur permettra de mesurer avec précision et en temps réel la composition du matériau en fusion et ainsi réduire au strict nécessaire l’apport d’aluminium neuf, extrêmement énergivore à produire.

L’avenir

Tecnar, forte d’une cinquantaine d’employés, fabrique elle-même ses appareils dans son usine de Saint-Bruno.

La technologie derrière l’Alulibs est testée depuis deux ans avec succès avec un partenaire américain. L’appareil sera lancé sur le marché cette année lors de foires commerciales, dont la première se tiendra à Québec au printemps.

« C’est un produit qui va avoir beaucoup de popularité au Québec, je pense, mais mondialement aussi, entrevoit Alexandre Nadeau. Il y a environ de 2000 à 3000 sites qui ont besoin d’une mesure chimique quotidienne dans le monde. »

L’entreprise emménage en septembre dans un nouvel immeuble de 32 000 pi 2.

« On a un plan de croissance, assure le président. L’entreprise devrait doubler sur à peu près cinq ans. »

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