Cyclisme
L’improbable retour de Dominique Rollin
La Presse
Poussé vers la sortie, Dominique Rollin a mis plusieurs mois avant d’officialiser l’inévitable : sa retraite du cyclisme sur route. « Ce n’est pas facile, avouait-il au printemps. J’ai passé 19 ans de ma vie sur un vélo. Ma vie tournait autour du sport. Aujourd’hui, c’est fini, je passe à autre chose. »
Mécontent de la façon dont les choses s’étaient terminées avec FDJ.fr, son équipe des trois dernières années, Rollin se désolait de ne pas avoir accompli certains de ses rêves, dont ceux de participer au Tour de France et aux Jeux olympiques. « Mon seul regret est de ne pas avoir eu le choix du moment où j’arrêtais le cyclisme. Ç’a été forcé. Merci, bonsoir. Je prends ça un peu dur. »
Quelques semaines plus tard, un appel de Nacer Bouhanni, le seul chez FDJ.fr à être resté en contact avec lui, allait tout changer. Déjà en froid avec sa formation, le sprinter français s’informait de l’état de forme du Québécois et de ses plans pour 2015.
« Je ne m’attendais aucunement à quelque chose de ce genre-là », s’étonne encore Rollin, joint au début du mois à Gérone, en Espagne, où il prépare tranquillement son retour à la compétition pour l’équipe française Cofidis. « C’est lui qui m’appelait pour que je lui donne un coup de main l’an prochain. Ç’a été un des plus beaux compliments qu’on pouvait me faire. »
Dans les semaines qui ont suivi, Bouhanni a gagné trois étapes au Tour d’Italie en plus du maillot rouge du classement aux points. Laissé de côté pour le Tour de France au profit de son coéquipier Arnaud Démare, ce qui n’a pas manqué de soulever la controverse, le bouillant sprinter a remis ça au Tour d’Espagne en empochant deux autres étapes .
L’embauche de Rollin faisait partie des conditions édictées par Bouhanni pour son transfert chez Cofidis. « Dominique sera là pour lancer mes sprints », a-t-il signalé en août à , au tout début de l’entrevue officialisant ses nouvelles couleurs.
« C’est quelqu’un qui a un gros moteur, qui m’a fait gagner à la FDJ. L’an dernier, j’avais fait savoir que je souhaitais qu’on le garde. Malheureusement, on n’avait pas renouvelé son contrat et il avait arrêté le vélo. Je suis allé le rechercher. »
Belle marque de confiance de la part de l’un des cyclistes de l’heure, sur qui la France comptera pour la course sur route des Championnats du monde de Ponferrada, dimanche. La venue de Rollin a aussi été facilitée par ses liens avec le directeur général de Cofidis, Yvon Sanquer. Ce dernier a été directeur sportif à la FDJ.
« En 2012, j’ai fait le Giro avec lui, raconte Rollin. C’était lui le directeur sportif qui était derrière quand j’avais failli être tué par une voiture. On a eu des moments d’émotions fortes. J’espère que les prochains vont être plus heureux que catastrophiques ! »
La relation entre Rollin et Bouhanni s’est cristallisée vers la fin de la dernière saison. Le cycliste de Boucherville a contribué aux succès du Vosgien au Tour du Poitou-Charentes (trois étapes) et au Grand Prix de Fourmies (victoire devant André Greipel). Au Tour de Pékin, au début du mois d’octobre, Rollin a servi de poisson-pilote pour les deux victoires d’étape de Bouhanni. Ce furent ses derniers moments dans le maillot au trèfle à quatre feuilles.
« De course en course, on gagnait en confiance, se souvient Rollin. À Pékin, on a fait un super boulot ensemble. On a construit une communication, un mode de travail. »
Il est encore tôt, mais le spécialiste des « accélérations longues » s’attend à prendre l’avant-dernier relais dans le futur train Cofidis, grosso modo la portion de 1500 à 500 m avant la ligne. Geoffrey Soupe, autre FDJ.fr recruté par Bouhanni, servirait alors de dernier lanceur.
Très critique de la direction sportive chez FDJ.fr, Rollin est emballé à l’idée de jouer un rôle bien précis dans chaque course. « Ça me motive encore plus, s’enthousiasme-t-il. Ça me permet de me donner à 100 % pour un coéquipier, ce que j’ai toujours pris plaisir à faire. Je sais que ça revient toujours si le travail est bien fait. »
Bouhanni a ciblé deux objectifs bien précis pour la prochaine saison : les classiques printanières, dont Milan-San Remo, et le Tour de France. Si tout se passe bien, Rollin sera de la partie. « C’est sûr que mon but est de revenir avec la forme nécessaire pour être au départ du Tour de France et d’être capable d’accomplir mon boulot en tant que coéquipier », convient celui qui compte à son actif deux participations au Giro et à la Vuelta.
L’athlète, qui aura 32 ans dans un mois, reconnaît que Cofidis a pris un « pari » en engageant un coureur à la retraite. Il a cependant tenu la forme entre ses engagements personnels, dont une tournée sur le Tour comme accompagnateur des clients commerciaux de l’équipe Garmin-Sharp. Il estime avoir franchi 10 000 km en selle, soit moins de la moitié de son volume habituel à ce temps-ci de l’année.
« J’ai encore quatre mois pour faire 8000 à 10 000 km, calcule-t-il. Ça ne m’inquiète pas, j’ai le temps. En ce moment, je retravaille le fond. J’augmente donc mes heures d’entraînement de semaine en semaine. Ensuite, ce sera d’ajouter l’intensité au bon moment pour être capable d’arriver en compétition à temps. Les courses de début de saison seront une bonne préparation pour reprendre mes repères dans le sprint et lire le peloton. »
À l’exception des coureurs suspendus, il est rare qu’un cycliste revienne dans le peloton après un arrêt d’une saison complète. Rollin aura cette chance, grâce à du travail bien accompli et à une complicité tissée au gré des victoires.
(1) Bouhanni a été suspendu pour le reste de la saison par FDJ.fr après une entrevue où il a émis des propos jugés offensants envers le patron de l’équipe, Marc Madiot.