Jardinage

Des végétaux qui n’ont pas peur du froid

La saison agricole est courte au Québec. Miser sur les végétaux qui ont fait leurs preuves dans les rigueurs de notre climat est une stratégie gagnante pour maximiser les chances de réussite au jardin et au potager. Le point sur les facteurs de rusticité.

Les zones de rusticité

Certaines variétés et certains cultivars, prolifiques là où les étés sont plus longs, peinent à évoluer dans la courte fenêtre de chaleur qui leur est allouée au Québec. Ces spécimens arriveront peut-être à pousser et même à produire quelques fruits dans nos conditions, sans toutefois donner leur plein rendement ou bien résister aux maladies et aux envahisseurs. C’est pourquoi la rusticité est un facteur primordial lors de la sélection de végétaux. Elle garantit qu’ils auront la capacité d’épouser les conditions qui leur sont offertes. Ils exigeront par le fait même moins de soins pour arriver à des résultats similaires ou supérieurs à ceux d’autres végétaux moins bien adaptés.

Les chiffres associés aux zones de rusticité du Québec s’étendent entre 0 et 5b. Ils sont une référence pour catégoriser le territoire en fonction des températures minimalement atteintes en hiver. Plus le chiffre est petit et plus l’hiver est froid sur un territoire donné. Si vous habitez dans une zone 4b, par exemple, le choix de végétaux qui peuvent s’adapter à cette zone et à d’autres plus fraîches (1a, 1b, 2a, 2b, 3a, 3c, 4a, 4b) est conseillé, la lettre « b » indiquant une zone plus chaude que « a ». Certaines conditions de culture peuvent faire fluctuer légèrement ces données : l’altitude, la quantité d’ensoleillement du terrain, le fait que la plante soit protégée ou non du vent, qu’elle croisse en terre ou en pot…

Dans le doute, on peut améliorer ses chances de succès en donnant à la plante des conditions plus chaudes qu’à la normale dans la zone. Mais puisque l’étiquette qui accompagne les végétaux du commerce affiche la zone de rusticité minimale tolérée par la plante, s’en tenir à une sélection adaptée à sa zone de rusticité est généralement gage de succès.

La rusticité des annuelles

On utilise principalement les zones de rusticité comme référence pour classer les arbres, arbustes et vivaces qui passent l’hiver au jardin. Les annuelles, qui ne vivent qu’une saison dans nos conditions, ont aussi une « rusticité », terme auquel on se réfère pour décrire leur capacité à tolérer un climat plus ou moins frais.

« Quand on choisit des semences, on se réfère principalement au nombre de jours avant de se rendre à maturité du semi, ou transplant, à la récolte », indique la semencière Catherine June Wallenberg, de Semences nordiques. La plante devra bénéficier de ce nombre de jours pour conclure son cycle avant que les températures ne lui soient plus favorables, ce qui varie selon les zones de rusticité.

Les annuelles tendres

Celles-ci doivent être semées à l’intérieur quelques semaines avant la mise en terre au jardin, et plus ou moins tôt selon les familles de végétaux. Au potager, la catégorie comprend entre autres les tomates, les aubergines, les concombres et le basilic, et du côté des fleurs, le coléus, la nicotine ou l’œillet d’Inde. Les annuelles tendres doivent être semées ou transplantées au jardin quand le mercure ne descend pas en deçà des 10 °C.

Les annuelles semi-rustiques

Endives, chou chinois, laitue, pomme de terre, capucine, pétunia, rudbeckie et autres s’accommodent de températures fraîches sans pour autant tolérer le gel. On pourra gagner du temps pour la récolte en démarrant leurs semis au chaud, à l’exception des pommes de terre qu’on commence directement au jardin. Avant de les transplanter ou de les semer au potager, il faudra toutefois patienter jusqu’à ce que tout risque de gel au sol soit écarté.

Les annuelles rustiques

Choux, carottes, épinards, navet, radis, pois, brocolis, tournesols, coquelicots et soucis, tous moins frileux, peuvent être semés ou plantés avant même les derniers gels, dès que le sol peut être travaillé, autrement dit, dès qu’il est drainé de son excédent d’eau ou environ trois à quatre semaines après la fonte des neiges.

Une frilosité variable

La rusticité varie au sein d’une même famille et d’une même espèce de plante. Prenons l’exemple de la tomate. Comme tous les végétaux de la famille des solanacées, qui englobe les poivrons, les aubergines ou les pétunias, elle doit être semée à l’intérieur plusieurs semaines avant sa mise en terre pour avoir une chance de développer ses fruits avant le retour du froid.

Toutefois, sa rusticité diffère aussi selon sa variété botanique ou son cultivar (variété cultivée). Une sélection « nordique » comme la « Black Prince », qui est une tomate ancestrale de Sibérie, est en mesure d’offrir un beau fruit même dans un climat frais, explique Catherine June Wallenberg qui, comme une majorité de semenciers du Québec, s’applique à développer et préserver les végétaux qui ont du succès dans nos conditions.

« Juste le fait de cultiver et de récolter certains végétaux génération après génération dans un environnement comme le nôtre génère une sélection. Si j’ai sur ma ferme un gel le 3 juin, comme il m’arrive bien souvent d’en avoir, je peux perdre 40 % de mes plants de courges, mais je sais que les 60 % qui demeurent auront une certaine tolérance à notre biorégion », donne-t-elle en exemple.

Les semences rustiques au Québec offrent une certaine résistance au froid et viendront plus rapidement à maturité dans une courte saison. Elles seront en mesure de germer à de basses températures et résisteront à certaines maladies connues dans nos conditions fraîches et humides. « Les végétaux adaptés à des conditions nordiques auront souvent en commun un fruit plus petit, note-t-elle. Une tomate de la grosseur d’une prune ou d’une pêche a plus de chances de venir à maturité rapidement qu’une autre qui pèse 2 lb, et c’est pareil pour un melon d’eau. Ici, au Québec, on ne fait pas de gros melons de 20 lb ! »

Si une laitue se rend sans problème à maturité au Québec sans qu’il soit nécessaire de s’intéresser à son cultivar ou à sa variété, il en va autrement pour les végétaux plus sensibles au froid, précise Catherine June Wallenberg. « Dans le cas d’une tomate, on a vraiment avantage à en choisir une qui a fait ses preuves dans un climat nordique. On maximise ainsi les chances d’obtenir de beaux fruits, en belle quantité. »

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