LA DEUXIÈME VAGUE DÉFERLE PLUS QUE JAMAIS

ET MAINTENANT, ON FAIT QUOI ?

Brutal retour à la réalité après la période des Fêtes. Les cas et les hospitalisations sont en hausse, à la lumière du plus récent bilan. Un déconfinement la semaine prochaine tel que prévu par Québec est peu envisageable, selon plusieurs experts. Pendant ce temps, des voyageurs de retour du Sud rencontrés par La Presse ne crachent pas sur l’aide financière offerte par Ottawa, qui, face au tollé, souhaite rectifier le tir.

premier bilan après les fêtes

C’est une « catastrophe », SELON DES EXPERTS

À la lumière des 7663 nouvelles infections étalées sur trois jours rapportées dimanche, déconfiner la semaine prochaine comme prévu est peu envisageable, selon plusieurs experts, qui soupçonnent que des rassemblements durant les Fêtes seraient à l’origine de cette flambée de cas.

« C’est catastrophique », s’inquiète Roxane Borgès Da Silva au sujet du dernier bilan.

Des rassemblements ont eu lieu pendant les Fêtes, si on se fie aux données des trois derniers jours, ajoute l’experte en santé publique.

On recense 7663 cas supplémentaires de COVID-19 et 121 nouveaux décès liés au virus depuis les trois derniers jours. De ces nouvelles infections, 2869 ont été enregistrées dans la journée de samedi. On rapporte également 2808 nouveaux cas pour le 31 décembre et 1986 pour le 1er janvier.

Sur les 121 décès déplorés depuis 3 jours, 11 sont survenus dans la dernière journée. Au total, 8347 Québécois ont succombé à la COVID-19 depuis le début de cette pandémie.

Les hospitalisations sont en hausse : 1225 personnes sont hospitalisées, soit 150 de plus qu’au dernier bilan. Parmi ces patients, 179 se trouvent aux soins intensifs. Il s’agit d’un bond de 13 par rapport aux dernières données.

« Malgré les mesures du temps des Fêtes, les cas et hospitalisations sont en hausse. Ça montre que la transmission communautaire est importante, ce qui a un impact majeur sur notre réseau de santé et sur notre personnel. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, sur Twitter

« On se serait attendus à une baisse avec les mesures contraignantes et les fermetures du 25 décembre. Là, on ne peut même pas dire qu’on est rendus à un plateau. J’ai été étonnée de ça », affirme Marie-France Raynault, cheffe du département de médecine préventive et santé publique du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

On ne peut pas, en ce moment, montrer du doigt les écoles ou les voyageurs, il s’agit de transmission communautaire, poursuit Mme Borgès Da Silva. « Ça risque de nous amener à ce qu’on voulait éviter : un confinement strict et une fermeture totale de l’économie. »

Seule une baisse significative du nombre de cas permettrait qu’on rouvre les secteurs non essentiels. Si les chiffrent continuent d’avoisiner les 2000 ou 2500 cas quotidiens, on ne peut envisager une réouverture dans une semaine, croit également Benoit Barbeau, expert en virologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Ça va dépendre des prochains bilans, mais de rouvrir et de se relâcher alors que les cas augmentent enverrait un message incohérent à la population. »

Vers un prolongement du confinement ?

L’arrivée d’un nouveau variant plus transmissible ainsi que la lassitude et la confusion de la population face aux consignes pourraient avoir pesé dans la balance, explique l’expert. « Il ne faut pas se comparer aux autres pays en termes de nombre de cas, mais penser à la capacité de nos hôpitaux. En ce moment, on frôle dangereusement le seuil que le milieu hospitalier québécois ne peut dépasser. Déconfiner le 11 janvier semble peu envisageable. »

Pour la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Marie-Pascale Pomey, la question d’un confinement prolongé au-delà de la mi-janvier est sur la table. « Mais ce qu’on doit réellement se demander, c’est pourquoi on a toutes ces mesures restrictives et qu’on ne voit pas les effets. Ça ne sert à rien de poursuivre quelque chose qui ne donne pas d’effets. »

« Il faut repérer les sources de propagation pour pouvoir agir vite d’ici une semaine. On ne pourra pas demander aux gens d’être confinés indéfiniment. »

— Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

La sous-utilisation des tests rapides et l’enjeu de la rapidité du traçage demeurent un souci, pense l’experte. « Si on décide de rouvrir certains secteurs le 11, il va falloir réagir plus vite. Avoir des tests de dépistage rapides pour les personnes symptomatiques et un suivi plus rapide avec les gens déclarés positifs. Il faut se donner les moyens pour pouvoir rouvrir. »

Écoles

On s’inquiète d’ailleurs d’une fermeture des écoles primaires et secondaires, même si Québec ne s’est pas prononcé sur cette possibilité.

« Je ne prône pas la fermeture des écoles. Mais si rien ne change, peut-être faudra-t-il imposer aux écoles secondaires l’enseignement à distance pour circonscrire les éclosions. »

— Roxane Borgès Da Silva, experte en santé publique

Elle ne voit pas de raisons de fermer les établissements d’enseignement primaire. « Ce qu’on voit avec les chiffres, c’est que les écoles ne sont pas de forts milieux de propagation. Il y a des conséquences à priver les enfants de contacts sociaux. »

D’ici les deux prochains mois, les gens vont devoir s’autodiscipliner et limiter leurs contacts, renchérit la Dre Raynault. « Les six prochaines semaines sont assez cruciales puisque la campagne de vaccination bat son plein. »

Rien ne sert de pénaliser les enfants et les adolescents, estime-t-elle. « Il y a eu des rassemblements pendant les Fêtes alors que les écoles étaient fermées, on le voit dans les chiffres. Donc au lieu de rajouter des restrictions, il faut faire respecter celles qui sont en vigueur. »

Si le nombre de cas demeure en augmentation, le gouvernement devra réfléchir à retarder la rentrée de janvier. « Ça risque d’être une décision impopulaire, mais le gouvernement n’a pas le choix d’y songer », juge pour sa part Benoit Barbeau.

Vaccins

Depuis le changement de cap de Québec dans sa stratégie de vaccination, on utilise toutes les doses de vaccins disponibles au lieu de garder en réserve la deuxième dose.

Seulement 1140 doses ont été administrées depuis le 31 décembre, dont 798 dans la journée du 2 janvier. À ce jour, 28 762 Québécois ont été vaccinés. Québec indique qu’à la suite de vérifications additionnelles, « un ajustement du nombre total de doses de vaccin administrées a été réalisé depuis la dernière mise à jour. Ainsi, 1628 doses ont été retirées du total ».

« Il faut se rappeler que le bilan présente des données en date d’hier le 2 janvier et que ça a été annoncé le 31 décembre, explique le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). C’est donc tôt pour voir un effet. »

L’administration des doses libérées n’a débuté que dimanche et se poursuivra au courant des prochains jours au fur et à mesure des livraisons, explique le MSSS.

Le DBarbeau est sans équivoque : il va falloir miser sur une vaccination à vitesse grand V pour espérer une baisse des morts et des hospitalisations, et donc des mesures restrictives.

« C’est le nerf de la guerre. Il faut mettre les ressources nécessaires pour vacciner rapidement, mais nous n’en sommes qu’aux balbutiements. Une campagne de vaccination massive demande beaucoup de logistique. »

Prestation de 1000 $

Des voyageurs se réjouissent

La majorité des voyageurs rencontrés par La Presse à leur retour du Sud, dimanche soir, étaient prêts à recevoir l’aide financière de 1000 $ offerte par le gouvernement fédéral.

« Moi, je suis bien content du 1000 $, mais ça fait beaucoup de jaloux », a dit Dirk Waardenburg, voyageur croisé dimanche soir à l’aéroport Montréal-Trudeau à son retour d’Orlando, en Floride, avec sa conjointe Judith Rodier.

La Presse a révélé samedi qu’Ottawa pourrait rembourser jusqu’à 1000 $ pour couvrir les pertes de revenus des voyageurs qui se placent en quarantaine, grâce à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE). La nouvelle a fortement fait réagir, mais les voyageurs, eux, sont prêts à en profiter.

« Les gens sont fâchés qu’on reçoive 1000 $, mais s’ils étaient dans la même situation que nous, je suis sûr que leur avis aurait changé », a ajouté Mme Rodier. D’autres vacanciers ont également fait part de leur intérêt pour obtenir l’aide financière.

Le gouvernement a toutefois précisé que la PCMRE n’avait jamais eu pour but d’encourager les Canadiens à ne pas suivre les directives de santé publique, et souhaite rectifier le tir le plus rapidement possible. « Ça n’a jamais été l’intention, ça n’a jamais été le but. C’était pour aider les travailleurs à ne pas contaminer leurs collègues. C’est une brèche. On n’avait pas prévu ça, on va le régler, c’est inacceptable », a expliqué le leader du gouvernement libéral à la Chambre des communes, Pablo Rodriguez, en entrevue à LCN.

Des mesures satisfaisantes

Les voyageurs étaient également très satisfaits des mesures de prévention mises en place pendant leur voyage, affirmant que c’était bien plus sécuritaire qu’au Québec.

« À Cuba, ils m’ont impressionné, je les ai trouvés très avant-gardistes. Ils sont habillés de la tête aux pieds comme dans un laboratoire quand on sort de l’avion. »

— Un voyageur qui a préféré garder l’anonymat

Il explique que tous les voyageurs sont testés en arrivant à destination et que les personnes déclarées positives sont logées dans un hôtel distinct. « On n’était pas plus à risque là-bas qu’ici », a-t-il ajouté.

Judith Rodier est du même avis. « On peut aussi bien attraper la COVID en allant chercher un café au Tim Hortons qu’à Orlando », a-t-elle affirmé. « C’est même plus safe d’aller en vacances que d’aller au Costco », a renchéri son conjoint Dirk.

Une famille revenant de Punta Cana, en République dominicaine, était également très satisfaite des mesures sur place. « La première semaine de vacances, ils remplissaient l’hôtel à seulement 30 % de sa capacité, c’était super. Les employés portaient des masques en tout temps. Honnêtement, j’ai été vraiment rassurée », a indiqué la mère, qui a préféré garder l’anonymat.

À partir du 7 janvier, les compagnies aériennes devront s’assurer que les voyageurs ont été déclarés négatifs avec un test PCR datant de moins de 72 heures avant d’arriver au Canada. Ceux qui ne réussiront pas à obtenir un test avant leur vol de retour devront annuler le vol ou démontrer qu’il n’est pas possible d’effectuer un test de dépistage dans le pays où ils se trouvent. Dans ce dernier cas, ils devront effectuer leur quarantaine obligatoire dans un site d’hébergement de l’Agence de la santé publique.

Des députés libéraux quittent leur poste

Les députés du Parti libéral du Canada Kamal Khera et Sameer Zuberi ont été contraints de renoncer à certaines fonctions parlementaires après s’être rendus aux États-Unis pendant le temps des Fêtes.

Le député de Pierrefonds-Dollard, Sameer Zuberi, a annoncé dimanche qu’il se retirait des comités parlementaires auxquels il siégeait. M. Zuberi a reconnu avoir « commis une erreur de jugement » après s’être rendu aux États-Unis pour aller voir le grand-père de sa conjointe, dont l’état de santé s’était détérioré. Le député était membre du comité de la justice et des droits de la personne et du comité mixte permanent de l’examen de la réglementation.

De son côté, Kamal Khera a renoncé à ses fonctions de secrétaire parlementaire de la ministre du Développement international après s’être rendue à Seattle, aux États-Unis, pendant le temps des Fêtes.

La députée de Brampton-Ouest, en Ontario, a dit qu’elle s’était envolée pour Seattle le 23 décembre afin d’assister à un petit service commémoratif pour son oncle et son père, morts à quelques semaines d’intervalle plus tôt dans l’année. Elle a affirmé qu’elle était revenue au Canada le 31 décembre.

— Avec La Presse Canadienne

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