Cerfs au parc Michel-Chartrand

Une décision éclairée et basée sur la science

L’Association des biologistes du Québec et l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec soutiennent la décision de la Ville de Longueuil de suivre les recommandations émises par la Table de concertation sur l’équilibre écologique du parc Michel-Chartrand.

Nos deux organisations sont d’avis que les membres de cette table de concertation ont respecté un processus rigoureux et basé sur la science afin d’analyser la problématique à laquelle le parc Michel-Chartrand fait face. Les enjeux analysés étant complexes et attribuables à un ensemble de facteurs, nous reconnaissons que l’expertise variée des membres de cette table de concertation était nécessaire pour l’émission de recommandations efficaces visant le rétablissement de l’équilibre écologique du parc.

Le rapport fait état des « problématiques multiples dont les effets combinés ont sérieusement affecté l’équilibre écologique du parc ». Cette dégradation est principalement attribuable à l’effet dévastateur de l’agrile du frêne sur la forêt, la propagation d’espèces exotiques envahissantes altérant la composition naturelle de la flore et le broutage intensif de la végétation par le cerf de Virginie, surabondant dans le parc. L’absence de prédateur jumelée à un succès reproducteur élevé pour l’espèce expliquent notamment cette surabondance. La destruction de la végétation et de l’habitat qui en résulte pourrait éventuellement compromettre la survie de la population de cerfs.

Parallèlement, certains usagers nourrissent les cerfs, rendant ces derniers plus tolérants à la présence humaine. Voilà un enjeu important pour la santé des usagers, car le cerf est un vecteur de propagation de la tique à pattes noires, qui peut transmettre aux humains la bactérie responsable de la maladie de Lyme. S’ajoute à cela la présence accrue de cerfs aux abords du parc, qui a mené à une hausse des accidents de la route impliquant le cervidé.

Le rapport conclut que la meilleure solution pour assurer la reprise végétale, la conservation de la biodiversité de même que la sécurité du public passe par le contrôle de la population de cerfs, et ce, en procédant, malheureusement, à la stérilisation des cerfs jumelée à l’euthanasie d’une soixantaine de cerfs.

Les intervenants spécialisés en bien-être animal consultés sont arrivés au même constat : l’euthanasie représente l’option à préconiser dans l’optique où la population de cerfs doit être réduite considérablement, en opposition à une relocalisation.

À cet effet, bien que cette dernière option puisse paraître – à première vue – plus intéressante pour les animaux visés par l’euthanasie, il est important de comprendre pour quelles raisons elle ne peut être préconisée dans le contexte. Il faut savoir que déplacer des cerfs qui sont, pour la plupart, hôtes de la tique à pattes noires à l’origine de la maladie de Lyme représente un risque important d’introduire le parasite au sein de populations actuellement épargnées. De plus, ces animaux ne peuvent survivre dans un environnement qu’ils ne connaissent pas. Complètement déstabilisés et sans repères, cela les conduira à un état de vulnérabilité important et, donc, à une mort certaine, dans un contexte de détérioration de leur bien-être.

Nous reconnaissons d’emblée que les solutions proposées ne sont pas idéales et qu’elles sont difficiles à accepter. Elles demeurent toutefois nécessaires pour préserver l’équilibre écologique de cet écosystème au bénéfice des résidants et des générations futures.

Regard plus large

Il importe de rappeler que les problématiques soulevées dans le rapport de la Table s’observent dans plusieurs autres milieux naturels du sud du Québec. En effet, les pressions anthropiques des dernières décennies sur les milieux naturels ont favorisé un aménagement du territoire limitant la capacité des écosystèmes à se réguler naturellement. Ainsi, de nombreuses communautés seront aux prises avec des situations similaires au cours des prochaines années.

L’intervention humaine étant omniprésente sur le territoire, il est donc attendu qu’il faille intervenir pour assurer la pérennité des milieux naturels, qui soutiennent une riche – mais fragile – biodiversité, qui doit être préservée.

Nous sommes d’avis que l’analyse de ces enjeux complexes et l’élaboration d’un plan d’action visant 1) à clarifier la gouvernance et la gestion du parc, 2) à rétablir l’équilibre écologique du parc et 3) à informer et sensibiliser la population sur ces enjeux, doivent être réalisées par des professionnels compétents dont l’expertise est reconnue. Selon nous, dans un tel contexte, l’avis d’experts permet d’éviter un clivage des opinions découlant parfois d’une sursimplification des problématiques écologiques complexes telles que celles du parc Michel-Chartrand. Les préoccupations du public et des résidants de Longueuil, notamment, doivent aussi s’insérer dans de telles décisions.

En ce sens, nous croyons que les membres de la Table de concertation et les experts consultés étaient les mieux placés pour trouver des solutions aux défis auxquels fait face le parc.

Les biologistes, par leur connaissance poussée des interactions entre nos écosystèmes et la faune, et les médecins vétérinaires, par leur expertise en santé et en bien-être animal, unissent aujourd’hui leur voix afin de donner leur appui aux recommandations de la Table de concertation. Les enjeux de fragmentation et de connectivité des milieux naturels sont des défis majeurs qui doivent être mieux intégrés dans la planification future de nos espaces. Les médecins vétérinaires et les biologistes seront toujours au rendez-vous pour défendre les décisions concertées et basées sur la science.

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