De plus en plus de cabinets de dentistes détenus par des firmes cotées en Bourse

Votre dentiste est-il son propre patron ? Au moment où le gouvernement fédéral s’apprête à offrir davantage de soins gratuits aux enfants, de grandes sociétés cotées en Bourse achètent à la vitesse grand V des cabinets dentaires établis au Canada.

La plus grande d’entre elles, la torontoise dentalcorp, en est à 526 cliniques au pays et annonce avoir 4,5 millions de visites annuelles de patients. Son chiffre d’affaires est de 1,3 milliard de dollars.

Mais la concurrence lui souffle dans le dos depuis la fusion cet été des deuxième et troisième acteurs de l’industrie (123dentist de Vancouver et Altima Dental de Toronto). En mars, avant leur fusion, Desjardins estimait leurs chiffres d’affaires respectifs à 270 millions et 120 millions. Le Groupe Lapointe du Québec est l’un de ceux qui font maintenant partie de ce groupe.

Cette fusion a fait dire plus tôt cette année aux analystes de Desjardins Gary Ho, Chi Le et Justin Cal que la récente fusion confirme « la tendance à la consolidation » des cabinets dentaires au Canada. C’est également le cas aux États-Unis.

Ils soulignent aussi que, « par essence, le marché des soins dentaires résiste bien aux récessions ».

En jeu : la conquête du marché canadien de la dentisterie, qui vaut 18 milliards de dollars, selon Desjardins, et qui pourrait croître avec le programme national de soins dentaires annoncé par les néo-démocrates et les libéraux.

L’opinion de l’Ordre des dentistes

En entrevue, le DGuy Lafrance, président de l’Ordre des dentistes du Québec, explique que son organisation fait depuis 20 ans des démarches auprès du gouvernement du Québec pour que les dentistes, comme c’est le cas pour les pharmaciens, soient les seuls à pouvoir être propriétaires des cabinets.

Actuellement, n’importe qui peut être propriétaire d’une clinique dentaire. Il suffit, explique le DLafrance, qu’un dentiste soit en place puisqu’il est le seul autorisé à être gardien des dossiers de patients.

Pourquoi l’Ordre juge-t-il important que les dentistes soient propriétaires ?

« Pour assurer la pérennité, la gestion » des cabinets et « pour que le patient sache à qui appartient le cabinet. Actuellement, il peut appartenir à une entreprise et le patient ne le saura pas », répond le DLafrance.

Peu importe le modèle d’affaires des dentistes, en pratique solo, de groupe ou au sein de grandes sociétés, il est essentiel, enchaîne le DLafrance, que « nos dentistes conservent leur indépendance professionnelle pour mettre l’intérêt du patient au centre de leurs préoccupations ».

Dans une note faite pour l’IRIS intitulée La finance à l’assaut des soins dentaires, les chercheurs Colin Pratte et Bertrand Schepper soulignent que « les conditions actuelles de la pratique dentaire au Canada peuvent expliquer l’intérêt de certains acteurs financiers pour ce secteur. En raison des innovations technologiques importantes de la pratique dentaire, les capitaux requis à l’ouverture d’un cabinet dentaire pour des dentistes diplômés sont supérieurs à ce qu’ils étaient auparavant ».

Malgré les acquisitions qui se multiplient à l’heure actuelle, les grandes sociétés détiennent encore moins de 3 % des cabinets au pays, selon le rapport.

Mais « dans un contexte où les soins dentaires feront prochainement l’objet d’une couverture universelle, l’occasion est bonne pour élargir la réflexion à la question de la forme que prendra cette assurance dentaire publique, et ainsi s’interroger sur les risques associés à la financiarisation de la dentisterie au pays », peut-on lire dans le texte de l’IRIS.

Michelle Robichaud, directrice des affaires publiques chez dentalcorp, a indiqué que l’entreprise « s’associe à des dentistes et acquiert des cliniques dentaires établies » qui, ainsi, « peuvent se concentrer sur la prestation d’excellents soins aux patients ».

Au nom de 123Dentist, Georgia Mouka a indiqué à La Presse que suivant le modèle d’affaires en place, « les dentistes conservent souvent des intérêts » dans leur cabinet et « ont une autonomie clinique et opérationnelle complète ».

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