Télétravail

Sommes-nous plus ponctuels ?

« Après plus de deux ans en télétravail, le fashionably late n’est plus à la mode », décrète le New York Times dans un article publié au début du mois. La pandémie a- t-elle fait de nous des êtres plus ponctuels au travail ? On en discute avec des experts.

Catherine Privé est présidente et chef de la direction d’Alia Conseil, firme spécialisée dans le développement organisationnel. Récemment, elle a animé une séance avec les membres d’un comité de direction. Elle avait l’habitude de les rencontrer en virtuel pendant la pandémie, mais cette fois, c’était en personne.

Au retour de la pause, l’un s’était accroché les pieds à la machine à café, l’autre parlait au téléphone à l’extérieur, un autre encore était parti quelque part…

« La notion de ponctualité est aussi importante en présence, mais on dirait qu’on est plus délinquants, souligne Catherine Privé. Avant de commencer une réunion, on fait des blagues, on s’agace, on partage des muffins… »

En fait, résume-t-elle, le virtuel évacue la dimension affective – on se concentre sur la tâche, point. « Si je pense à ce que j’ai vécu depuis deux ans, la ponctualité était vraiment présente », constate Catherine Privé, qui fait ainsi écho aux conclusions de la journaliste du New York Times.

Ponctualité facilitée

La pandémie a créé un bouleversement dans l’organisation du travail, en contraignant une bonne partie de la population au télétravail. Au début de 2021, le tiers des employés étaient toujours en télétravail au Canada, selon une enquête de Statistique Canada.

Travailler de la maison, c’est s’éviter la congestion routière et les aléas des transports en commun. C’est aussi être moins dérangé, donc plus concentré, et travailler à son rythme. « C’est plus facile d’être à l’heure quand on travaille à distance, ça, c’est clair », résume Tania Saba, professeure à l’École des relations industrielles et titulaire de la chaire BMO en diversité et gouvernance de l’Université de Montréal.

En 2020 et en 2021, Tania Saba a étudié les facteurs d’efficacité et de réussite du télétravail et du travail hybride. La chercheuse n’a pas évalué la ponctualité en soi. Mais la ponctualité, dit-elle, est liée à l’efficacité au travail, à l’engagement et à la satisfaction envers le travail. Et tous ces éléments ont augmenté avec le télétravail.

Donc oui, dit-elle, le télétravail a vraisemblablement facilité la ponctualité. « On était aussi davantage présents aux réunions lorsqu’elles étaient à distance », note Mme Saba, qui souligne que les travailleurs ont également moins demandé de congés de maladie (« ce qui n’est pas nécessairement une bonne chose »).

Les retards au travail font partie de ce qu’on appelle en ressources humaines les « comportements de retrait », qui témoignent d’un désengagement de l’employé. Des retards sont aussi associés à la fatigue et au surmenage.

« Ce que le télétravail a permis, c’est de redonner, peut-être, cette qualité de vie, cette possibilité de mieux s’organiser, de se réapproprier du temps. »

— Tania Saba, professeure à l’École des relations industrielles

Mais le télétravail n’a pas que de bons côtés, insiste-t-elle. Quand les employés travaillent en équipe, il y a un suivi qui peut se perdre. C’est aussi – évidemment – une source d’isolement.

Trouver un équilibre

L’instauration du travail hybride pourrait selon elle permettre d’atteindre un précieux équilibre. « Et le secret de la modalité hybride, dit Tania Saba, c’est comment on l’organise. »

À ses yeux, le travail hybride ne peut se résumer à une question d’horaire (comme deux jours fixes au bureau). Il faut selon elle déterminer les activités qui peuvent être faites de la maison et celles qu’il vaut mieux faire au bureau, parce qu’elles impliquent de l’engagement, du réseautage, de la formation, de la créativité, etc.

Pour que les employés aient envie de retourner au bureau, ils doivent y trouver du sens, croit aussi Catherine Privé, selon qui les gestionnaires ont un travail d’organisation et de planification à faire. « Je pense que, si on invite nos employés à se présenter au bureau au bon moment, quand c’est pertinent, ils vont être motivés… et ils vont être à l’heure. »

« S’ils savent que leur temps au travail est compté et qu’il exige une présence à l’heure, les gens ne voudront surtout pas briser ce nouvel équilibre qui leur plaît », conclut Tania Saba.

Ponctualité et respect

Professeur de psychologie à l’Université de Laval, Simon Grondin relève l’aspect culturel de la ponctualité. « Ça va avec le rapport au temps », dit-il. Dans certaines cultures, le respect du temps est étroitement lié au respect des autres ; dans d’autres cultures, on peut être en retard sans être désobligeant pour autant. « La question de la ponctualité, c’est quelque chose de très relatif », résume-t-il. Selon Catherine Privé, l’importance qu’on accorde à la ponctualité varie d’une entreprise à l’autre, mais elle y accorde personnellement beaucoup d’importance. « C’est un ingrédient essentiel au succès d’une équipe. »

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