Smog sur le Québec

« On commence à peine à voir l’effet des changements climatiques »

Un nuage de smog causé par les incendies de forêt ravageant le nord-ouest de l’Ontario a traversé le sud du Québec mardi. Un phénomène qui pourrait s’avérer plus fréquent au fil des ans, en raison de la progression des changements climatiques.

« C’est tout interrelié », lance Jean-Pierre Blanchet, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal. « On ne peut pas séparer au couteau chaque phénomène. »

Le professeur explique que les évènements extrêmes se produisent davantage à cause du réchauffement de la planète. « On commence à peine à voir l’effet des changements climatiques », dit-il.

Le panache de fumée formé de fines poussières en suspension issues de la combustion des forêts ontariennes a amorcé son chemin dans le nord du Québec, lundi, avant que les courants atmosphériques ne le dirigent vers le sud de la province, mardi.

Plusieurs régions de l’extrême sud du Québec ont été aux prises avec du smog jusqu’en fin de soirée mardi.

Selon Patrick Hayes, professeur de chimie analytique et atmosphérique à l’Université de Montréal (UdeM), « les changements climatiques vont jouer un rôle très important, de plusieurs façons ».

D’abord, les sécheresses et l’accroissement des températures contribueront à une plus grande fréquence des incendies de forêt. « Les épisodes de smog liés à la fumée vont augmenter », affirme le professeur à l’UdeM.

« Avec les changements climatiques, on va voir des étés plus chauds, plus longs, et ça peut favoriser la formation de smog photochimique », ajoute-t-il. Ce type de smog se crée à partir de transformations chimiques impliquant le soleil et la pollution atmosphérique, explique M. Hayes. Enfin, la variation de la température influencera la circulation de l’atmosphère, soit les vents dominants.

« On s’attend à avoir plus d’incendies de forêt, plus fréquemment, et plus étendus dans le temps », évoque Simon Legault, météorologue chez Environnement Canada. Toutefois, « pour avoir du smog au Québec, il faut qu’il soit déplacé vers nos régions », déclare-t-il. Ce sont les déplacements d’air qui détermineront si du smog se rendra plus fréquemment dans la province.

Du temps plus clément au Québec

Ce mercredi, « on va être en dehors de cet épisode, mais ça peut s’étirer dans le sud du Québec », prévient Simon Legault. Le smog se dilue progressivement. Ainsi, il ne sera plus présent en quantité suffisante pour nuire à la qualité de l’air, a expliqué le spécialiste.

Le nuage de smog « va se retrouver [ce mercredi] au niveau des États-Unis, du Nord-Est américain. Ça se peut qu’il y en ait un petit peu au Nouveau-Brunswick », précise Simon Legault.

Le 19 juillet, 107 incendies étaient toujours actifs dans le nord-ouest de l’Ontario.

Le Québec bénéficie cependant d’une température plus confortable et moins humide à partir de ce mercredi. Cette masse d’air plus agréable a contribué au déplacement du nuage de smog du nord vers le sud de la province, affirme le météorologue.

Le smog et la santé

Environnement Canada recommande aux personnes ayant des difficultés respiratoires d’aller à l’extérieur le moins possible et d’éviter les exercices physiques intenses en présence de smog.

« Ces fines poussières, les résultantes de la combustion, peuvent entrer dans les voies respiratoires, et c’est là que ça crée des problèmes pour les gens qui sont plus sensibles », explique Simon Legault.

André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, ajoute que pour les personnes incommodées par la chaleur actuelle, le smog est « doublement hypothéquant ».

« Non seulement la pollution de l’air irrite les poumons et nuit au fonctionnement cardiovasculaire, mais la chaleur accable aussi les gens, et ça nous rend plus fragiles. »

— André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique

Les personnes âgées et les jeunes enfants (moins de 8 ans) sont également plus à risque, selon André Bélisle.

Les hôpitaux doivent se préparer à recevoir plus de patients tant lors des épisodes de chaleur que lors des épisodes de smog, évoque M. Bélisle.

La Ville de Montréal affirme mettre « en place plusieurs mesures pour surveiller la qualité de l’air », a précisé par courriel la relationniste Karla Duval. « La Ville invite les citoyens et citoyennes à continuer à surveiller les alertes et les prévisions émises par Environnement Canada », ajoute-t-elle.

Une lune orangée ? C’est possible !

Lundi soir, des Montréalais ont pu apercevoir un soleil aux teintes orangées, puis une lune orange. Cette observation s’explique par la présence du smog dans l’atmosphère.

« Le smog a un certain effet sur les rayons du soleil. Ça fait un peu un voile de nuages, mais en plus, il élimine certaines couleurs dans le spectre du soleil. Donc, on voit une couleur plus orangée, parce que le nuage de fumée filtre certaines couleurs », détaille Simon Legault.

Le smog contribue également à la détérioration des végétaux et des structures, et peut causer des problèmes de visibilité.

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Nombre de jours de mauvaise qualité de l’air recensés à Montréal en 2020. Il y en avait 44 en 2019.

Source : Ville de Montréal

2459

Nombre de personnes qui ont dû évacuer leur communauté en raison des incendies de forêt en Ontario, lundi

Source : Gouvernement du Canada

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