L’IA toujours bien vivante à Montréal

Après avoir généré beaucoup d’excitation et propulsé Montréal comme l’une des grandes plateformes mondiales de son développement, l’intelligence artificielle (IA) s’est soudainement faite bien discrète dans la métropole québécoise. Mais cette nouvelle grappe industrielle, éminemment porteuse, poursuit toujours sa croissance et sa diversification, comme en témoigne l’émergence d’une nouvelle start-up, Airudi, spécialisée dans la gestion des ressources humaines.

Depuis la vente, il y a deux ans, de la très prometteuse Element AI, cofondée par le chercheur québécois Yoshua Bengio, figure emblématique de l’apprentissage profond, le « buzz » autour de l’intelligence artificielle s’est brutalement assourdi, comme si on venait de constater que notre capacité à transformer nos compétences en modèle d’affaires probant avait été un peu exagérée ou, à tout le moins, que notre enthousiasme l’avait été.

Pourtant, l’IA continue de faire des percées à Montréal et ailleurs au Québec, alors que de nouvelles jeunes pousses émergent dans des secteurs où on ne les attendait pas nécessairement, comme la jeune firme Airudi, qui vient de développer une plateforme de gestion de ressources humaines qui gagne déjà en popularité, trois ans et demi seulement après sa fondation.

Pape Wade était directeur des ressources humaines d’une grande entreprise de 3000 employés et Amanda Arciero en était la conseillère principale. Les deux ont quitté leur employeur en 2019 parce qu’ils souhaitaient remettre l’humain au centre de la gestion des ressources humaines.

« Les responsables des ressources humaines dans les entreprises perdent beaucoup de temps avec des procédures, des formulaires, de la paperasse. Après les finances, les ressources humaines sont le deuxième secteur où l’on collige le plus de données. Les gestionnaires sont pris dans des processus très répétitifs », observe Amanda Arciero.

Pape Wade rappelle de son côté que les employés restent la ressource principale d’une entreprise et qu’un gestionnaire de ressources humaines doit s’assurer que ceux-ci créent de la valeur pour l’entreprise et pas seulement un coût.

Les deux collègues et cofondateurs d’Airudi ont donc entrepris de mettre sur pied une plateforme, un algorithme pour gérer plusieurs conventions collectives, une espèce de service de ressources humaines virtuel capable d’administrer les dossiers de recrutement, de santé et sécurité, d’évaluation de la performance et de relations de travail.

Durant deux ans, avant le lancement d’Airudi, les deux associés ont multiplié les rencontres les soirs et les week-ends avec des vice-présidents des ressources humaines pour bien circonscrire leurs besoins avant d’entreprendre le développement de leur algorithme.

« Dès le départ, en 2019, on a embauché des développeurs et on s’est entourés de gens compétents, des scientifiques de données, des architectes de solution, des ingénieurs en apprentissage machine, des développeurs de logiciels, et c’est à partir de là qu’on a construit notre plateforme qui s’appelle PAM [pour Pape et Amanda…] », poursuit Amanda Arciero.

Déjà rentable et en croissance

Airudi s’est associée à Polytechnique et à HEC Montréal pour financer les cours d’une quinzaine d’étudiants à la maîtrise et au doctorat qui ont travaillé au développement de la plateforme, et sept d’entre eux font partie de la vingtaine de spécialistes des technologies qui travaillent dans l’entreprise en recherche et développement.

« On a décroché notre premier contrat en 2020 avec une grosse boîte de consultants en ressources humaines, et notre plateforme dessert des milliers de clients de cette firme. C’est un contrat de 3 millions, mais on a des revenus récurrents sur l’utilisation de la plateforme », souligne Pape Wade.

Airudi a obtenu un contrat de 2 millions avec une firme de santé-sécurité du travail et conclu notamment une autre entente avec une firme de recrutement, à Sherbrooke.

Le carnet de commandes est de 10 millions pour les trois prochaines années et l’entreprise de 27 personnes, dont 6 spécialistes en ressources humaines, est rentable.

Une seule ronde de financement de 2 millions a été suffisante pour arriver à ces résultats.

« Notre plateforme est très utile pour les entreprises actives dans les chaînes d’approvisionnement parce qu’elle permet de prévoir la quantité de main-d’œuvre requise en fonction de différents paramètres et de multiples conventions collectives. On est devenus rapidement rentables et on travaille sur plusieurs gros contrats », explique Amanda Arciero.

La jeune pousse est en discussion avec l’Association des employeurs maritimes du Port de Montréal sur un projet d’implantation d’envergure, tout comme elle prévoit des avancées prochaines avec des entreprises portuaires en France et ailleurs au Canada.

« Plus les gens utilisent notre plateforme, plus il y a de mises à jour avec de nouvelles données, plus elle devient performante », insiste Pape Wade, qui rappelle l’importance pour une jeune pousse comme Airudi de bien s’entourer.

« On a mis sur pied un comité consultatif avec entre autres Robert Dutton, ex-PDG de Rona, Frantz Saintellemy, président de LeddarTech, et Julie Plouffe, cheffe de la direction financière de la firme de capital de risque White Star.

« On a recruté deux avocats du droit du travail, dont Jean Allard, de Norton Rose, nommé deux fois avocat de l’année en droit du travail, parce que les deux approchaient de la retraite et voulaient moins travailler. On avait besoin de leurs connaissances acquises en 30 ans de travail. C’est ça, la création de richesse grâce à la gestion des ressources humaines », observe avec intelligence, surtout pas artificielle, l’entrepreneur.

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