Une première enfant canadienne rapatriée de Syrie
Au lendemain du rapatriement, orchestré dans le plus grand secret, d’une fillette canadienne coincée dans un camp de détention en Syrie depuis la mort de ses parents, familles et avocats estiment qu’Ottawa « n’a plus aucune raison » de ne pas ramener au pays 25 autres enfants canadiens aussi coincés en Syrie.
« Justin Trudeau a démonté qu’il est capable d’aller en chercher une, maintenant, qu’est-ce qu’il compte faire avec les autres ? », demande Stéphane Handfield, avocat montréalais spécialisé en immigration, qui représente les familles de certains enfants.
Lundi, le gouvernement canadien a confirmé le retour au pays d’Amira, 5 ans, dont l’oncle et les grands-parents vivent à Toronto. Les proches multipliaient les démarches depuis des mois pour sauver l’enfant, dont les parents et les frères et sœurs sont morts dans des bombardements contre le groupe armé État islamique. L’oncle de la fillette s’est même rendu en Syrie dans l’espoir de la ramener, en vain. La famille avait déposé une poursuite contre Ottawa.
Pour expliquer son inaction, le gouvernement libéral avait dit aux proches d’Amira, comme il l’a répété plusieurs fois publiquement, que la région où est situé le camp était trop dangereuse pour y envoyer des équipes et que le Canada n’y avait pas de représentation consulaire.
Puis, dimanche matin, sans aucun préavis, l’avocat de la famille, Me Lawrence Greenspon, a reçu un appel étonnant. Au bout du fil, un représentant des Affaires étrangères annonçait qu’Amira n’était plus dans le camp, qu’elle était en compagnie d’un représentant consulaire du Canada et qu’elle était en route vers Toronto. La famille est « extrêmement heureuse », dit-il.
« C’est évident qu’avec son rapatriement, la question de la sécurité ou de la représentation consulaire ne tient plus », dit Me Greenspon, qui représente d’autres familles dans cette situation. « Il reste 25 enfants et 21 adultes là-bas. Il n’y a aucune raison de ne pas les ramener. »
En apprenant la nouvelle, la Québécoise Leïla Sakhir, dont la nièce de 2 ans est captive au camp d’al-Hol, s’est fait la même remarque. « C’est une grosse première étape. Mais pour les autres enfants, le combat reste entier. Ils ont encore besoin d’aide. Ça n’a pas de sens d’en sauver une et de laisser les autres là-bas », a confié la femme, dont l’histoire est racontée dans le documentaire Les poussières de Daech diffusé à Télé-Québec. Mme Sakhir s’est rendue en Syrie il y a quelques mois pour rencontrer sa nièce.
Le père de l’enfant, Youssef Sakhir, est mort après avoir quitté Sherbrooke en 2014 pour rejoindre le groupe armé État islamique. Sa mère, d’origine marocaine, est avec la petite dans le camp.
La situation de la famille Sakhir, comme celle des autres enfants, est un peu différente de celle d’Amira. Cette dernière est orpheline alors que les autres ont au moins un parent vivant.
« Amira n’a ni père ni mère ; ce n’est pas la même complexité que lorsqu’un des parents est vivant », pose Me Handfield comme hypothèse pour expliquer pourquoi elle seule a été ramenée au Canada. « Je trouve ça un peu crève-cœur pour les autres familles, pour les enfants qui sont toujours dans le camp. »
Le premier ministre Justin Trudeau a souligné la spécificité du dossier d’Amira lundi lorsqu’il a été questionné par une journaliste. « C’est une situation particulière et exceptionnelle d’une individu qui est orpheline, qui a perdu ses parents. »
Leïla Sakhir garde espoir. « On s’est toujours dit que tant que la seule orpheline n’était pas rapatriée, c’était peine perdue pour les autres. Ils ont ouvert une porte. »
Les partis de l’opposition ont demandé au gouvernement de ramener les autres enfants.